Europe, Royaume-Uni — Alors que les autorités de santé nationales comme internationales, notamment l’Agence européenne du médicament (EMA), n’ont de cesse de marteler que le rapport bénéfice/risque du vaccin AstraZeneca est bon et qu’il est un outil nécessaire pour sauver des vies et lutter contre les ravages de la pandémie de Covid-19, le chemin de ce vaccin n’en reste pas moins semé d’embûches.
Cette semaine, deux nouveaux coups durs sont survenus qui pourraient encore entamer la confiance qui est portée à ce vaccin.
Mardi, l’université d'Oxford a déclaré qu'elle avait suspendu un petit essai au Royaume-Uni chez les enfants et les adolescents, dans l'attente de plus de données sur les rares thromboses observées chez des adultes vaccinés. Si l’essai n’a pas été interrompu en raison de problème de sécurité dans l'essai pédiatrique, a déclaré l'Université d'Oxford, il n’en reste pas moins que le signal envoyé n’est pas bon.
Mercredi, nouveau revers, l’EMA a confirmé qu’un lien était possible entre cette vaccination et la survenue de très rares thrombophlébites cérébrales et de thromboses disséminées associées à une thrombopénie[1].
L’EMA confirme un lien possible avec la survenue de rares thromboses
« Le comité de sécurité de l’EMA (PRAC) a conclu aujourd’hui que la formation de caillots sanguins inhabituels avec un taux de plaquettes sanguines basses devraient être répertoriés comme des effets secondaires très rares de Vaxzevria (anciennement le vaccin COVID-19 AstraZeneca). Pour parvenir à sa conclusion, le comité a pris en considération toutes les données actuellement disponibles, y compris les conseils d'un groupe d'experts », indique l’EMA dans un communiqué [1].
L’agence souligne toutefois que le rapport bénéfice/risque global de ce vaccin reste positif. Emer Cooke, la directrice générale de l’EMA, a rappelé lors d’une conférence de presse que ce produit était très « efficace » pour éviter des formes sévères et « sauve des vies ».
En tout au 4 avril, l’EMA a répertorié 169 cas de thrombophlébites cérébrales et 53 thromboses disséminées après l’administration de la première dose de vaccin sur 34 millions de personnes vaccinées avec le Vaxzevria.
L’agence précise que jusqu'à présent, la plupart des cas signalés sont survenus chez des femmes de moins de 60 ans dans les 2 semaines suivant la vaccination. Mais, sur la base des preuves actuellement disponibles (encore limitées), les facteurs de risque spécifiques comme l’âge et le genre n'ont pas été retenus par les experts de l’EMA. Il n’en reste pas moins que par prudence, la Haute Autorité de Santé, comme les autorités de santé d’autres pays, recommande désormais ce vaccin uniquement aux plus de 55 ans. Depuis le 7 avril, l’agence en charge de l'approbation des médicaments et des vaccins au Royaume-Uni (MHRA) le recommande aux personnes de plus de 30 ans.
Des analyses réalisées sur les cas rapportés au 22 mars
Les conclusions du groupe d’experts de l’EMA ont porté sur un examen approfondi de 62 cas de thrombose des sinus veineux cérébraux et de 24 cas de thrombose des veines splanchniques rapportés dans la base de données de l'UE sur la sécurité des médicaments (EudraVigilance) au 22 mars 2021, dont 18 mortels. Les signalements provenaient principalement des systèmes de notification spontanée de l'EEE et du Royaume-Uni, où environ 25 millions de personnes avaient reçu le vaccin.
L’EMA précise que les thromboses se sont produites dans les veines du cerveau (thromboses des sinus veineux cérébraux, CVST) et de l'abdomen (thromboses veineuses splanchniques) et dans les artères. Ce thromboses étaient associées à de faibles taux de plaquettes sanguines et parfois à des saignements.
Si aucune cause certaine expliquant ces thromboses n’a été avancée, la cause la plus « plausible » selon l’EMA est celle d’une réaction immunitaire proche de la thrombopénie induite par l'héparine (TIH) (Lire Thrombose sinusale après vaccin AstraZeneca: une analogie avec la thrombopénie induite par l'héparine?).
Interrogée par Medscape édition française sur la possibilité d’un lien entre ces thromboses et une erreur d’injection en intraveineuse plutôt qu’en intramusculaire (une hypothèse avancée par certains scientifiques), le Dr Sabine Straus, présidente du PRAC a indiqué que l’EMA avait écarté cette cause car « la quantité injectée est trop faible pour expliquer les effets secondaires observés ».
Aussi, les experts de l’EMA indiquent que les types de thromboses observés ne semblent pas spécifiquement liés aux œstrogènes. A ce stade, la contraception orale et la grossesse n’apparaissent donc pas comme des facteurs de risque, selon le Dr Straus.
Pour tenter de mieux comprendre comment la vaccination par le Vaxzevria pourrait induire ces thromboses rares, l’EMA a demandé de nouvelles études à AstraZeneca :
des études mécanistiques pour tenter de mieux comprendre la survenue de ces phénomènes ;
de nouvelles analyses des essais terminés ;
des analyses sur les essais en cours :
des études épidémiologiques.
En attendant d’en savoir plus, l’agence indique qu’il faut savoir reconnaître les symptômes préoccupants (essoufflement, douleur de poitrine, gonflement de la jambe, douleur abdominale persistante, symptômes neurologiques, y compris maux de tête sévères et persistants ou vision trouble, purpura). Elle souligne également l’importance de mettre en route rapidement un traitement médical spécialisé en cas de symptômes évocateurs (Lire Thromboses inhabituelles post-vaccination AstraZeneca : le GFHT propose une marche à suivre).
Passer d’un vaccin à un autre ?
Face à ce risque possible de thromboses rares mais aussi en raison de l’efficacité probablement limitée du Vaxzevria contre le variant Sud-Africain (les études sur le variant brésilien sont en cours), certains de ceux qui ont déjà reçu une dose du vaccin AstraZeneca, s’interrogent sur la possibilité de recevoir une deuxième dose…d’un autre vaccin.
Répondant à cette question lors de la conférence de presse de l’EMA, Peter Arlett, responsable du service de pharmacovigilance et d’épidémiologie de l’EMA, a indiqué qu’il était théoriquement possible de recevoir une dose d’un vaccin et une deuxième dose d’un autre vaccin mais qu’à ce stade l’EMA n’avait pas encore reçu de données à analyser en ce sens.
La Haute Autorité de Santé (HAS) vient, elle, de trancher, dans un avis[1], en faveur d’une deuxième dose à base de vaccins ARN (Pfizer ou Moderna). La validation d’un tel schéma vaccinal hétérologue (2 vaccins comportant 2 plateformes très différentes) est à ce jour totalement inédite.
L’EMA examine un nouveau signal de sécurité survenu dans le contexte de la vaccination par le vaccin d’AstraZeneca Vaxzevria, a annoncé l'agence le 9 avril. Il s’agit de très rares cas de syndrome de fuite capillaire aussi appelé syndrome de Clarkson. Cinq cas de cette maladie très rare, caractérisée par une fuite de liquide des vaisseaux sanguins provoquant un gonflement des tissus et hypotension, ont été rapportés dans la base de données EudraVigilance. À ce stade, il n'est pas encore clair s'il existe une association causale entre la vaccination et les rapports de syndrome de fuite capillaire. Dans les cas où une relation causale serait confirmée ou considérée comme probable, une mise à jour du résumé des caractéristiques du produit et de la notice sera réalisée.
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Citer cet article: COVID-19 : nouveaux déboires pour le vaccin AstraZeneca - Medscape - 8 avr 2021.
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