Caroline Vrancken

Auteurs et déclarations

7 avril 2021

Virtuel  — La CROI 2021 (Conference on retroviruses and opportunistic infections) s’est révélée être un « bon cru » en termes d’innovations dans la prise en charge des patients vivant avec le VIH. Le Pr Michel Moutschen, chef de service d’infectiologie au CHU de Liège, revient sur les éléments-clés discutés au cours du congrès.

Pr Michel Moutschen

L'une des réponses les plus innovantes à l'épidémie de VIH est l'extension du recours à la thérapie antirétrovirale à titre préventif. La prophylaxie préexposition (PrEP) est désormais reconnue comme une approche efficace pour prévenir l'acquisition du VIH chez les personnes à haut risque de contracter le virus.

Comme le souligne le Pr Moutschen: « Par rapport à l'association ténofovir/emtricitabine, la PrEP au cabotégravir réduit le risque de transmission de 60 à 70% ».

Des échecs réels de la PrEP sont rares mais peuvent se produire, même chez des patients qui suivent correctement leur traitement. « Il s'agit d'un tout petit nombre de sujets. Il semblerait, mais cela reste à confirmer, que ces patients ont une séroconversion plus tardive, ce qui laisse suggérer qu'il faudrait peut-être les suivre en mesurant la charge virale plutôt que les anticorps », ajoute-t-il.

L'un des sujets toujours d'actualité concerne l'efficacité et la sécurité de la 2DR (2 antirétroviraux) comparativement à la 3DR (3 antirétroviraux). Selon le Pr Moutschen: « Tous les indicateurs sont au vert. Globalement, il n'y a pas de différences tant en termes de suppression virologique, que de marqueurs de l'inflammation critiques ». 

Une autre problématique à l'ordre du jour dans l'agenda de la CROI était la tolérance et la sécurité des inhibiteurs de l'intégrase. « Il y a une certaine unanimité pour dire que quand on switch vers les anti-intégrases, il y a une population de patients qui ont une légère prise de poids. Selon certaines données, cette prise de poids s'observe surtout chez les femmes africaines, et lorsque le TAF (ténofovir alafénamide) est présent dans le schéma thérapeutique, sans différence évidente entre le dolutégravir et le bictégravir ». En outre, les données actuelles sont rassurantes en matière d'utilisation des antiintégrases pendant la grossesse, et dans les pays en voie de développement, chez des patients en échec des traitements de 1ère ligne.

L'arsenal thérapeutique du VIH va, dans un futur proche, s'enrichir avec des injectables que ce soit en traitement ou en PrEP, avec la possibilité d'alléger la thérapie antirétrovirale. L'étude de phase IIIb, ATLAS-2M a démontré la non-infériorité de l'association cabotégravir/rilpivirine longue durée d'action administrée toutes les 8 semaines comparativement à une administration mensuelle.

Enfin de nouvelles molécules s'annoncent prometteuses, notamment le lénacapavir, un inhibiteur de la formation des capsides, « qui a l'avantage d'avoir une très longue durée de vie et d'une administration en intramusculaire, pour lequel on pourrait envisager deux administrations par an, ce qui est prometteur aussi bien pour le traitement des patients que pour la PrEP ». En outre, il s'agit d'une nouvelle classe, ce qui peut s'avérer intéressant en cas de résistance. Il y a également « l'islatravir, un inhibiteur de la translocation de la transcriptase inverse des nucléosides, qui a une longue demi-vie avec la possibilité d'une administration une fois par semaine, et qui pourrait être intéressant, notamment en association avec d'autres molécules ».

CROI 2021 : une large place à la COVID-19

Par ailleurs, la CROI a accordé une place tout à fait justifiée à la Covid-19. De nombreux travaux ont été présentés et, parmi les traitements potentiels, notons le molnupiravir, en prise orale, qui est très efficace et qui pourrait être un traitement précoce des patients ambulatoires par exemple, et les combinaisons d'anticorps monoclonaux (Lire Un cocktail à base de casirivimab et d’imdévimab semble efficace pour prévenir le COVID-19 au sein du foyer ).  

Un dernier aspect très important est le risque encouru par les patients vivants avec le VIH de contracter la Covid-19. Une étude espagnole a évalué une population de 77.590 personnes séropositives, sous TAR (thérapie antirétrovirale). Au total, 236 cas de Covid-19 ont été identifiés. Les résultats ont mis en évidence une séroprévalence plus faible de la Covid-19 chez les patients sous TDF(ténofovir original)/TAF(ténofovir alafénamide) comparativement à ceux sous un autre traitement, ce qui suggère un possible effet protecteur du ténofovir.

Le Pr Moutschen conclut : « La CROI 2021 fut bien différente des éditions précédentes, tant par sa totale virtualité que pour la large place faite à la Covid-19. Néanmoins, on y a retrouvé des données importantes concernant l'efficacité et la sécurité des bithérapies, la place grandissante des traitements injectables à longue durée d'action, tant dans le traitement que dans la PREP, et l'aperçu d'un pipeline très prometteur, avec des nouvelles molécules comme le lenacapavir ou l'islatravir ».

 

Cet article a été initialement publié sur MediQuality.net.

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