COVID-19 : pas de RTU pour l’ivermectine

Aude Lecrubier

2 avril 2021

France — L’ANSM n’a pas accordé de recommandation temporaire d’utilisation (RTU) à l’ivermectine dans le contexte de la maladie Covid-19, comme l’avait demandé un avocat représentant une association et des professionnels de santé[1].

« L’analyse des données publiées disponibles à ce jour, du fait de leurs limites méthodologiques, ne permet pas d’étayer un bénéfice clinique de l’ivermectine quel que soit son contexte d’utilisation, en traitement curatif ou en prévention de la maladie Covid-19. Des auteurs concluent également à la nécessité de mettre en place des essais cliniques de méthodologie robuste », indique l’agence du médicament.

Pour rappel, l’ivermectine par voie orale a une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France et à l’étranger dans le traitement d’infections causées par certains parasites (gale…). Cet antiparasitaire a une activité antivirale in vitro rapportée pour des virus à ARN tels que le VIH, le virus de la dengue, le virus West Nile. Il agirait en inhibant spécifiquement le système Importine α/β1 d’import nucléaire des protéines virales.

Un consensus des agences contre l’utilisation de l’ivermectine

L’ANSM a pris sa décision après avoir analysé la littérature scientifique disponible, les recommandations thérapeutiques et positions d’Instances nationales et internationales, et notamment celle du Haut Conseil de la Santé Publique du 28 janvier 2021.

Globalement, au niveau international, la FDA et l’EMA pointent l’insuffisance de données robustes concernant l’usage de l’ivermectine dans le contexte de la Covid-19 et ne recommandent pas à ce stade son utilisation en prévention ou en traitement de la maladie.

Pas assez de données

En terme d’efficacité, des chercheurs australiens, Caly et al.[2] ont rapporté sur un modèle de culture cellulaire chez le singe que l’addition d’ivermectine deux heures après l’infection par SARS-CoV-2 réduit à 48h la présence d’ARN viral d’un facteur 5000.

Aussi, des petites études ont montré des résultats encourageants mais les biais méthodologiques ont limité la portée de leurs résultats.

En France, une soixantaine de personnes d'un Ehpad ont reçu de l'ivermectine pour traiter des cas de gale et il s’est avéré que les personnes qui avaient pris le médicament ont été moins affectées par la maladie Covid-19. Aussi, aucun décès n'a été enregistré, contrairement à d'autres Ehpad où l'ivermectine n'était pas donnée (taux d'incidence de la Covid de 1,4% contre 22,6% et taux de mortalité nul contre 4,9%).

En parallèle, aux Etats-Unis, une étude menée dans quatre hôpitaux en Floride a montré une diminution de la mortalité dans le groupe des patients ayant pris de l'ivermectine. Cependant, 40% étaient aussi traités par des corticoïdes, qui ont une efficacité prouvée, versus 20% dans le groupe non traité.

Depuis, un premier essai clinique randomisé, en double aveugle a été publié dans le JAMA le 4 mars 2021 et il s’est révélé négatif[3]. L’essai monocentrique a inclus 200 patients COVID-19+ à un stade modéré dans le groupe ivermectine (300 µg/kg/j pendant 5 jours) et 200 patients ont reçu un placebo. Les résultats n’ont montré aucune différence significative pour le délai médian de guérison entre le groupe avec ivermectine : 82% des patients guéris, délai=10 jours et le groupe placebo : 79% des patients guéris, délai=12 jours, (HR=1,07 ; IC95% [0,87-7,32]). Il n’y avait pas non plus de différence significative en termes d’aggravation clinique, d’escalade thérapeutique ou de mortalité.

D’autres essais thérapeutiques en curatif ou en prophylaxie sont en cours ou en attente de recrutement (NCT04343092, NCT04373824, NCT04360356, NCT04351347, NCT04374279, (EudraCT 2020-001994-66, EudraCT 2020-001474-29).

Un profil de sécurité possiblement dépendant de la posologie 

Concernant le profil de sécurité de l’ivermectine, il est caractérisé au travers de plusieurs années d’utilisation dans le cadre de son AMM et décrit dans le Résumé des Caractéristiques du Produit et la notice. Cependant, le schéma posologique requis pour l’obtention d’un bénéfice clinique contre le Covid-19 reste à déterminer, ce qui implique une incertitude sur sa tolérance en cas de déviation au schéma posologique de l’AMM.


« Nous ne pouvons pas présumer d’un rapport bénéfice/risque favorable de l’ivermectine en traitement curatif ou en prévention du Covid-19 », conclut l’ANSM qui précise toutefois que « cette position pourra être révisée à tout moment, dès lors que des résultats d’études cliniques seraient susceptibles, en tenant compte d’une évolution de la prise en charge standard selon la population cible, de modifier le constat établi à ce jour ».

 

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