Heidelberg, Allemagne ― Les BMMF (Bovine Meat and Milk Factors), des agents pathogènes présents dans les produits laitiers et la viande de bovins découverts il y a peu, pourraient jouer un rôle dans le développement du cancer du colorectal.
Ils pourraient expliquer le lien entre la consommation de viande bovine ou de produits laitiers et l'incidence du cancer colorectal qui a souvent été suggéré, selon le Dr Harald zur Hausen (lauréat du Prix Nobel de médecine 2008) et coll. du centre allemand de recherche sur le cancer (DZFZ, Heidelberg, Allemagne), à l’origine d’une nouvelle étude étayant cette hypothèse.
Les résultats sont publiés dans le Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS)[1].
Les BMMF sont des agents infectieux qui se présentent sous forme d’ADN circulaire simple brin. Ils ont une forte similitude avec les séquences de certains plasmides bactériens.
Une inflammation chronique
Il y a quelques années, le Dr Harald zur Hausen et son équipe ont retrouvé ces agents pathogènes chez des patients atteints de cancers du côlon à proximité immédiate des tumeurs. Ils ont alors émis l’hypothèse qu’ils pouvaient déclencher des inflammations chroniques locales, qui provoqueraient des mutations via des molécules d'oxygène activées (stress oxydatif) ce qui favoriserait le développement de cancers sur le long terme.
Les chercheurs allemands ont pu montrer grâce à des expériences in vitro que les BMMF se multiplient dans les cellules humaines où est synthétisée la protéine Rep, dont ils ont besoin pour leur réplication.
Un impact sur les cellules en division de la muqueuse intestinale
Dans leur nouvelle étude[1], les scientifiques ont analysé des tissus de patients atteints de cancer colorectal et de patients sans cancer. Ils ont montré que les BMMF peuvent déclencher des processus inflammatoires chroniques dans le tissu intestinal des patients atteints de cancer (présence de macrophages pro-inflammatoires). Aussi, grâce à des anticorps anti-Rep, ils ont pu observer que la protéine Rep était présente autour et dans les macrophages. Chez les patients cancéreux, 7,3% de toutes les cellules intestinales de l'environnement tumoral étaient positives à la Rep versus seulement 1,7% des cellules intestinales du groupe témoin.
Les chercheurs ont également rapporté des niveaux accrus de composés oxygénés réactifs à proximité des cellules Rep positives.
« De tels radicaux oxygénés favorisent le développement de changements génétiques », a indiqué la Dr zur Hausen dans un communiqué de presse du DKFZ.
L'inflammation était particulièrement localisée à proximité immédiate des cryptes intestinales où se trouvent les cellules souches de l'intestin, responsables de la régénération constante de la muqueuse intestinale.
« Nous considérons donc les BMMF comme des cancérogènes indirects, dont certains auront probablement un impact sur les cellules en division de la muqueuse intestinale pendant des décennies », explique le Dr zur Hausen. Le chercheur suppose que l'infection par les BMMF survient généralement tôt dans la vie.
« Les résultats soutiennent notre hypothèse selon laquelle la consommation de lait et de bœuf est causalement liée au développement du cancer du côlon. En même temps, ils ouvrent des possibilités d'intervention précoce », a-t-il déclaré. La détection précoce des BMMF pourrait permettre d’identifier les personnes particulièrement à risque, et leur offrir la possibilité de bénéficier d’examens de dépistage du cancer du côlon en temps utile. Les chercheurs soulignent toutefois que de nouvelles études seront nécessaires pour confirmer ces résultats.
Ils indiquent, par ailleurs, que les BMMF pourraient aider à la compréhension d'autres cancers et maladies liés à la consommation de viande et de produits laitiers, en particulier les cancers du sein, de la prostate et du poumon[2]. Enfin, l’action des BMMF pourrait expliquer, en partie, l’effet préventif des médicaments anti-inflammatoires, tels que l'aspirine et l'ibuprofène, sur l'incidence du cancer du côlon et d'autres cancers spécifiques en réduisant l'inflammation chronique.
Cet article a été initialement publié par l’édition allemande de Medscape Darmkrebs durch neuartige Erreger? Neue Nebenwirkung der Angiogenese-Hemmer und Akupunktur bei muskuloskelettalem Schmerz . Complété par Aude Lecrubier.
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Citer cet article: Cancer colorectal : quel rôle jouent les nouveaux agents pathogènes BMMF ? - Medscape - 25 mars 2021.
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