COVID-19 : faudra-t-il vacciner les enfants ? Les essais cliniques sont en cours

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

25 mars 2021

France – A ce jour, les données sur l’effet des vaccins contre le Covid chez les enfants sont minimes. Les essais cliniques des vaccins Moderna, Janssen, AstraZeneca ont porté sur des individus de plus 18 ans, alors que Pfizer a inclus un sous-groupe entre 16 et 17 ans.

Si, pour des questions de priorisation et de disponibilité des vaccins, la question de la vaccination des enfants et des adolescents ne se pose pas chez nous de façon aiguë, d‘autres pays comme Israël et les Etats-Unis songent désormais à vacciner les enfants. Les laboratoires pharmaceutiques ont anticipé la demande et ont commencé leurs essais chez les plus jeunes, voire même dès 6 mois pour Moderna [1].

D’un côté et de l’autre de l’Atlantique, les sociétés savantes de pédiatrie ont exprimé des positions assez différentes sur le sujet. Aux Etas-Unis, les experts américains se montrent très volontaires et demandent à ce que tous les enfants puissent bénéficier de la vaccination [2]. La Société Française de Pédiatrie (SFP) s'est exprimée, quant à elle, avec beaucoup plus de réserve [3].

Des essais chez les enfants à partir de 6 mois

Le 16 mars dernier, la société Moderna a annoncé commencer à inclure les premiers jeunes participants à l’essai de phase 2/3 KidCOVE (clinical trial NCT04796896) aux Etats-Unis et au Canada [1]. Objectif : tester son candidat vaccin l’ARNm 1273 chez les environ 6 750 enfants âgés de 6 mois à 12 ans. Cet essai se fera en ouvert, en aveugle, et de façon randomisée. Seront évaluées : la sécurité, la tolérance, la réactogénicité et l’efficacité de 2 doses à 28 jours d’intervalle. Dans un premier temps, et en tenant compte de leur l‘âge, les participants recevront une première dose de 25 μg, 50 μg et 100 μg du candidat vaccin. Une analyse intérimaire établira quelle dose sera choisie pour la deuxième injection. Les enfants seront ensuite suivis pendant 12 mois, peut-on lire dans le communiqué du laboratoire.

Cet essai fait suite au lancement en décembre par ce même laboratoire de TeenCOVE essai aux Etats-Unis chez 3000 adolescents âgés de 12-18 ans. Avec en tête, l’idée de pouvoir proposer le vaccin à cette tranche d’âge pour la prochaine rentrée scolaire, a déclaré Stéphane Bancel, PDG de Moderna.

Être prêt pour la prochaine rentrée des classes

Même objectif pour Pfizer qui a déjà inclus plus de 2000 enfants âgés de 12 à 15 ans et prévoit un autre essai chez les 5-11 ans. Chez Pfizer, le directeur général, Albert Bourla, a fait savoir qu’il espérait que les jeunes adolescents soit éligibles à la vaccination en automne et les enfants en âge d’aller au primaire en fin d’année [4].

Quant au directeur de l'Institut national des allergies et maladies infectieuses (NIAID), le Dr Anthony Fauci, il a annoncé début mars à l‘émission Meet the Press sur NBC que les enfants de moins 12 ans étaient «fortement susceptibles » de recevoir le vaccin Covid-19 à la fin 2021-début 2022. Tandis que les lycéens devraient être vaccinés à l’automne, «peut-être pas pour le premier jour de la rentrée des classes mais pas loin. »

De son côté, l’équipe d’Oxford n’est pas en reste, et teste actuellement son vaccin produit en collaboration avec AstraZeneca chez les 6 – 17 ans, indique Elisabeth Mahase dans le BMJ[5]. La phase 2 démarrée en février va inclure 300 volontaires, 240 recevront le vaccin contre le Covid-19 tandis que le reste recevra celui contre la méningite.

Pour le principal investigateur du vaccin Oxford/AstraZeneca, par ailleurs spécialiste des infections pédiatriques, le Pr Andrew Pollard : « alors que la plupart des enfants sont relativement peu atteints par le coronavirus et sont peu susceptibles d’être très malades, il est important d’établir la sécurité et la réponse immune au vaccin chez les enfants et les jeunes car certains enfants sont susceptibles de bénéficier de la vaccination» [5].

Et, en effet, l’infection est beaucoup moins sévère chez les plus jeunes, comme en attestent les chiffres. Alors que 92 % des décès liés au Covid sont survenus chez des adultes de plus de 55 ans, aux Etats-Unis, seulement 0,08% sont survenus chez des moins de 21 ans, a déclaré le Dr Paul A. Offit, professeur de pédiatrie (Philadelphie) à nos confrères de Medscape international.

Faut-il vacciner (tous) les enfants ?

Mais alors faut-il vacciner les enfants, chez qui les formes sont majoritairement asymptomatiques et dont peu sont décédés du Covid ? Aux Etats-Unis, la réponse est assez claire : « Nous devons appliquer la même urgence à vacciner les enfants que celle que nous avons pour les adultes » a déclaré le Dr Lee Savio Beers à la tête de l'American Academy of Pediatrics [2].

 
Nous devons appliquer la même urgence à vacciner les enfants que celle que nous avons pour les adultes  Dr Lee Savio Beers
 

Si les enfants ne sont pas à risque de maladie sévère, ils sont en revanche des vecteurs de la transmission, autre argument qui peut prévaloir à leur vaccination. Le Pr Beate Kampmann, pédiatre spécialisée en infectiologie et directrice du centre de vaccins de l'École de Londres d'Hygiène et de Médicine tropicale, a ainsi indiqué au BMJ[5] qu‘ «inclure les enfants dans un programme de vaccination tient essentiellement à leur rôle potentiel dans la transmission du virus », étant donné le peu de manifestations sévères, avec quelques exceptions, souvent liées à des comorbidités. « Plus nous protègerons les adultes en les vaccinant, moins la vaccination des enfants aura d’intérêt. Néanmoins, pour obtenir une telle baisse de la circulation du virus et voir une immunité collective se mettre en place, de façon à stopper la transmission et l’évolution des variants, [la vaccination des enfants] pourrait être justifiée » considère-t-elle, tout en jugeant que les moins de 5 ans ne seraient probablement pas concernés.

Pour l’Inserm, la question de savoir si vacciner les enfants permettrait de lutter contre la circulation du virus dans la population reste ouverte [6]. L’institut de recherche français signale que « plusieurs études soulignent que les enfants sont non seulement moins touchés que les adultes, mais que les transmissions en milieu scolaire proviennent majoritairement des adultes ». Selon eux, vacciner pourrait donc n’avoir « qu’un effet marginal sur la dynamique épidémique ». L‘Inserm module cependant son propos en différenciant la tranche d’âge correspondant aux adolescents, « qui entretiennent plus de contacts sociaux et qui semblent transmettre le virus de la même manière que les adultes ». Reste aussi à démontrer l’impact des vaccins sur la transmissibilité du virus, même si les premières données israéliennes sont encourageantes.

Qu’en disent les pédiatres français ?

Dans un avis de la Société Française de Pédiatrie (SFP) et d’autres sociétés savantes* en date du 5 février, les pédiatres expliquent qu‘ « à ce jour, cette vaccination n’apparait pas comme nécessaire chez l’enfant en population générale » [3].

 
À ce jour, cette vaccination n’apparait pas comme nécessaire chez l’enfant en population générale.
 

Elle considère « cependant, un très petit nombre d’enfants à très haut risque de Covid-19 sévère, pourrait être vacciné selon le même schéma que les adultes, dès que possible, malgré l’absence d’AMM ».

Par ailleurs, concernant les autres enfants potentiellement à haut risque de COVID-19 sévère, plus nombreux, identifiés par les sociétés savantes pédiatriques et les centres de référence de maladie rare, la SFP estime qu’ « ils pourraient être prioritaires pour la vaccination dès que des données scientifiques seront disponibles » et que « la vaccination de leur entourage sera à évaluer en fonction des données de réduction de la transmissibilité que pourraient conférer les vaccins ».

Pour sa part, le Dr Régis Hankard, pédiatre et coordonnateur du réseau de recherche clinique pédiatrique Pedstart (Tours) estimait dans une interview le 5 mars dernier dans The Conversation qu’ « à terme, l’objectif affiché est de vacciner 60 millions de personnes, ce qui à l’évidence inclut aussi les enfants ». Pour des questions de priorisation liée à la vulnérabilité des personnes, et compte tenu que les enfants sont « assez peu atteints, ils seront vaccinés plus tard, lorsqu’on aura suffisamment avancé ».

L’Inserm considère, quant à elle, qu’en attendant de pouvoir conclure définitivement, les vaccins anti-Covid « restent avant tout une arme contre les formes sévères, en ciblant les plus fragiles ».

En résumé, aujourd’hui, « la priorité reste la vaccination des adultes, d’abord les plus âgés et les plus fragiles, puis la population adulte la plus large, avant d’envisager la vaccination des enfants, à l’exception de ceux atteints de maladies génétiques ou de pathologies connues pour être associées à la survenue de formes pédiatriques sévères » conclut l’Inserm [6].

 

* les sociétés savantes affiliées à la SFP (GFHGNP, GFRUP, GPGse, GPIP-InfoVac, SFCE, SFCP, SFEDP, SFEIM, SFNP, SFPML, SHIP, SNP, SOFREMIP, SP2A) ainsi que l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire

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