Supplémentation en cétones : une nouvelle option pour les maladies cardiovasculaires ?

Batya Swift Yasgur

Auteurs et déclarations

23 mars 2021

Groningen, Pays-Bas – Les corps cétoniques peuvent avoir des effets thérapeutiques bénéfiques chez les patients atteints d’une affection cardiovasculaire quel que soit le moyen utilisé pour augmenter leur présence dans le cœur, suggère une revue récente et exhaustive de la littérature, publiée en ligne le 23 février dans Journal of American College of Cardiology [1].

Les auteurs ont examiné les récentes recherches expérimentales et cliniques sur le rôle bénéfique potentiel des corps cétoniques au cours des maladies cardiovasculaires (MCV) Ils ont remarqué que des taux sanguins élevés de corps cétoniques assureraient un rôle protecteur chez ces patients.

Pour induire une cétose la méthode populaire consiste à suivre une diète pauvre en hydrates de carbone et riche en graisses mais la prise de cétones exogènes est une alternative bien supérieure au régime alimentaire pour augmenter les corps cétoniques dans la circulation.

« Malgré leur mauvaise réputation clinique, les cétones ont plusieurs effets métaboliques probants sur la réponse cardiovasculaire au stress (métabolique) » a commenté pour theheart.org/Medscape Cardiology, B. Daan Westenbrink (cardiologue et chercheur à l’University Medical Center. Groningen. Pays-Bas) et dernier auteur de l’article.

« Cela fait émerger une nouvelle stratégie potentielle basée sur les cétones dans le traitement des MCV » dit-il.

Un rôle « sophistiqué ! » 

« Nous avons récemment découvert que le rôle favorable des inhibiteurs du Sodium GLucose co-Transporteur 2 (SGLT 2 i) dans le traitement de l’insuffisance cardiaque est en partie lié aux corps cétoniques. En outre, nous et d’autres experts, avons montré que les cétones exogènes peuvent accroitre la fonction ventriculaire chez les patients souffrant d’une insuffisance cardiaque » explique le Dr Westenbrink.

Cette constatation a conduit à un essai clinique dans lequel il a testé, avec son équipe, la prise de cétones exogènes sur la performance physique chez les patients ayant une insuffisance cardiaque [2].

Il précise « en travaillant sur ce projet, nous avons vite compris que le rôle des corps cétoniques dans la physiopathologie cardiovasculaire était beaucoup plus complexe que celui d’un simple carburant, nous avons aussi réalisé qu’il y avait de multiples façons intéressantes d’accroître le taux sanguin de corps cétoniques »

 Notre intention en publiant cette revue est « de résumer les données actuelles des études expérimentales et humaines, avec le but avoué de favoriser les explorations futures concernant la place des cétones dans le traitement des MCV »

La plupart des gens savent que le taux des cétones sanguins s’accroît par l’intermédiaire du jeune ou d’un régime cétogène « mais notre revue porte un autre regard sur les moyens d’augmenter les cétones grâce aux cétones exogènes ou aux précurseurs plus aménageables en pratique courante » dit-il.

Plus qu’un carburant efficace

Les auteurs ont aussi revu les mécanismes du métabolisme des cétones, leur synthèse et leur dégradation mais aussi le métabolisme myocardique chez les sujets sains et patients ayant une MCV.

La cétogenèse comporte des réactions qui génèrent la formation de corps cétoniques : acétyl-acétate, (AcAC), beta-hydroxybutyrate (BOHB) et acétone.

La diminution du rapport insuline/glucagon, telle qu’on l’observe dans le jeune, mobilise les acides gras qui sont convertis en corps cétoniques par le foie. Ensuite, ils sont transférés vers les tissus périphériques où ils subissent « une oxydation terminale».

Les cétones sont les « carburants subsidiaires » pour de nombreux organes lors de périodes de jeunes prolongés, ou de restriction en hydrates de carbone, ou encore après des exercices intensifs, précisent les auteurs.

En fait, le Dr Westenbrink note que lors de conditions extrêmes, les corps cétoniques sont capables d’apporter 5 à 20% des dépenses énergétiques du corps entier. 

Les maladies cardiaques sont associées à une perte de souplesse métabolique, dit-il, et ce, même au tous premiers stades des maladies cardiaques structurelles, « où l’utilisation des substrats se déplace des acides gras vers le glucose » réduisant dès lors le métabolisme oxydatif. Cette diminution de la capacité à utiliser les acides gras « place le myocarde dans un état de sevrage énergétique contribuant à la physio-pathogénie de l’insuffisance cardiaque ».

L’insuffisance cardiaque progressant, le cœur semble « reprogrammer son métabolisme vers l’utilisation des corps cétoniques comme source de carburant » suggèrent les auteurs, avec une augmentation de la concentration des cétones circulantes et leur utilisation myocardique.

Mais « les cétones ne sont pas uniquement une source énergétique efficace pour soutenir un cœur défaillant » commente le Dr Westenbrink,« ils ont aussi des effets pléiotropes sur le système cardiovasculaire parmi lesquels une amélioration du stress oxydatif, de la fonction endothéliale, de l’inflammation et la transcription de gènes impliqués dans la pression artérielle, pour n’en nommer que quelques-uns ».

Le régime cétogène « n’est pas prometteur »

Les auteurs discutent des différentes méthodes pour induire une cétose, le régime alimentaire bien sûr, l’exercice physique prolongé ou la pratique du jeune de plus de 24 heures.

« Malgré leur généralisation, les effets des régimes cétogènes sur les facteurs de risque cardio-vasculaires, ne sont pas bien décrits et plutôt inconsistants » commente le Dr Westenbrink.

De plus « si on tient compte des contraintes inhérentes au régime cétogène et des craintes liées aux incertitudes qui pèsent encore sur le risque cardiovasculaire, nous ne le considérons pas comme une façon pertinente d’induire la cétose » dit-il.

Aussi il faut se tourner vers d’autres procédés : ingestion de précurseurs de cétones ou administration per os de sources exogènes de cétones (par exemple les sels ou les esters de cétones) Tableau I

Tableau I

Avantages et inconvénients de chaque type de supplémentation en cétones.

Supplément cétonique

Mécanisme d'action

Effets indésirables

1,3-butanediol (alcool non toxique)

Précurseur de cétones

• Goût amer

• Nausées

• Troubles gastro intestinaux

• faible intoxication alcoolique.

Triglycérides à chaîne moyenne

Précurseur de cétones

• troubles gastro-intestinaux à fortes doses

Sels de cétone

Cétone exogène

• surcharge en cations (sodium)

• troubles gastro intestinaux.

Esters de cétone.

Cétone exogène

• Goût amer

• Troubles gastro intestinaux.

« Les cétones peuvent aussi être administrées par voie intra veineuse » ajoute le Dr Westenbrink, remarquant que plusieurs nouvelles classes thérapeutiques tels les SGLT2 i « qui peuvent augmenter le taux de cétones ou l’utilisation des cétones et pourraient, au moins en partie, exercer leurs effets via l’utilisation des cétones ».

De futures recherches sont nécessaires

Commentant cette étude pour theheart.org/Medscape Cardiology le Dr Christophe Kosinski (Endocrinologue Service d’endocrinologie, Diabetes et Métabolisme, Lausanne University Hospital, Suisse), qualifie les régimes cétogènes de « séduisants et intéressants, mais contraignants – un point peu signalé dans les journaux non-médicaux », ils sont aussi « difficiles à suivre à long terme et coûtent cher ( eu égard à leur coût et à leur durée) ».

Néanmoins, si le régime cétogène est suivi « correctement, les effets métaboliques sont positifs, avec une réduction du poids et un meilleur contrôle du diabète de type 2 » dit le Dr Kosinski, qui n’a pas participé à la publication.

Les alternatives au régime cétogène pour induire la cétose présentées dans celle-ci « sont très intéressantes, probablement plus accessibles et faciles à utiliser dans la pratique quotidienne comparées à la diète cétogène ».

Le Dr Kosinski ajoute «maintenant que le rôle et les bénéfices des cétones sont évalués, les futures études devraient dorénavant se concentrer sur la façon de mettre en place de façon pratique cette supplémentation en cétones ».

L'UMCG, qui emploie le Dr Westenbrink et plusieurs coauteurs, a reçu des subventions de recherche et / ou des honoraires d'Abbott, AstraZeneca, Bristol Myers Squibb, Novartis, Novo Nordisk et Roche. Le Dr Westenbrink est soutenu par les Pays-Bas Organisation pour la recherche scientifique et les Pays-Bas Fondation du cœur. Les liens d’intérêt potentiels des autres auteurs sont énumérés sur l'article original. Le Dr Kosinski ne déclare aucune relation financière pertinente.

L’article a été publié initialement sous le titre : Ketone Supplementation: A Novel Intervention for CVD? Sur Medscape.com. Traduit par le Dr Jean-Pierre Usdin

 

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