Paris, France — Il y a un an, le président Emmanuel Macron décidait de placer la France sous confinement suite à la première vague de Covid-19. Dans la précipitation, médecins et équipes soignantes réorganisaient les hôpitaux, poussaient les murs, pour augmenter les capacités en réanimation et accueillir les patients atteints de formes graves du Covid. De cet élan sont nés des revendications, exprimées l'an dernier par le collectif inter-hôpitaux (CIH), à savoir la médicalisation de la gouvernance des hôpitaux.
Un an plus tard, au début de ce mois de mars 2021, la direction générale de l'organisation des soins (DGOS) présentait devant le conseil supérieur des professions médicales (CSPM)* une ordonnance sur la gouvernance des groupements hospitaliers territoriaux (GHT), censée traduire de manière réglementaire l'aspiration des soignants et médecins à leur participation à la gouvernance des hôpitaux. Le CSPM l’a retoquée.
Ladite ordonnance présentée en Conseil des ministres mercredi 17 mars n'entrera en vigueur qu'à partir du 1er janvier 2022 mais elle inquiète fortement les praticiens hospitaliers.
*Le Conseil Supérieur des Professions Médicales est composé des organisations représentatives des praticiens (hospitalo-universitaires, praticiens hospitaliers et non-titulaires) et des employeurs (Fédération Hospitalière de France : directeurs d’hôpitaux et présidents des Commissions Médicales d’Établissements - CME).
Deux reproches
De fait, cette ordonnance était en concertation bien avant la crise pandémique de 2020 et des accords du Ségur de la santé. Les syndicats de praticiens hospitaliers s'attendaient cependant à ce que cette ordonnance, qui a été présentée en Conseil des ministres, tire toutes les leçons de la réorganisation hospitalière par les médecins et soignants pendant la première crise épidémique. Ils ont été douchés : ainsi, les syndicats de praticiens hospitaliers, au sein du CSPM, ont voté contre cette ordonnance, à l'unanimité.
Les praticiens hospitaliers reprochent à cette réforme deux manquements : l'horizontalité et la démocratie. « C’est un modèle obsolète qui est de mise, qui maintient toutes les couches créées ces dernières années : renforcement des GHT, conservation des pôles, «médicalisation » réservée à un seul médecin de l’hôpital, le président de CME, permettant de se passer de l’expertise des médecins et des personnels paramédicaux : où est passée la leçon de la première vague du Covid-19 tant vantée pendant le Ségur ? » ont dénoncé les syndicats APH, CPH, et Jeunes médecins dans un communiqué commun. Et d'ajouter : « L’hôpital n’est pas prêt à la démocratie et à ses exigences ? Dont acte. La dictature managériale deviendrait-elle ainsi acceptable ? ».
« Évolutions à la marge »
Après avoir essuyé un premier rejet le 2 mars dernier, la DGOS a présenté une ordonnance revue et corrigée le 12 mars, qui a elle aussi été rejetée par les syndicats. « Il y a eu des évolutions à la marge, ils ont corrigé des coquilles, ainsi qu'un non-sens. Un rééquilibrage de la gouvernance a été acté, mais ce n'est pas le rééquilibrage que l'on attendait », a précisé le Dr Jean-François Cibien, président d'APH. Pour les syndicats de PH, de nombreux points n'ont pas été retenus par la DGOS dans le projet d'ordonnance, dont l'élection des chefs de service et chefs de pôles par les médecins, la mise en place d'une démocratie sociale via la création d'un CHSCT/CTE pour les praticiens hospitaliers. « Nous voulons de la démocratie sanitaire et sociale au sein des hôpitaux c'est un combat que nous portons depuis longtemps à APH. Pourquoi les soignants auraient droit à cela et pourquoi les praticiens n'auraient-ils pas droit à une instance CHSCT/CTE ? », abonde Jean-François Cibien.
A ce stade, cette ordonnance est accompagnée de deux décrets d'application qui n'ont pas encore été soumis au vote du CSPM.
Mais, quoi qu'il en soit, les syndicats de PH redoutent le pire : « Si ce projet d’ordonnance est acté en l’état, il ne faudra pas s’étonner de voir professionnels paramédicaux et médicaux partir en masse de l’hôpital public. »
Le projet d’ordonnance
Le projet d'ordonnance comporte plusieurs articles.
Le premier de ces articles est consacré à la définition de la commission médicale de groupement hospitalier de territoire (GHT).
Pour rappel, les GHT sont des regroupements d'établissements de santé. Cette CME « est composée de représentants des personnels médicaux, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques. Elle élit son président ».
Elle énonce le projet d'ordonnance, qui liste les missions du président de CME de groupement, partagé avec le président du comité stratégique du GHT, directeur d'établissement :
élaboration et mise en œuvre du projet médical partagé,
coordination de la politique médicale du GHT,
politique territoriale d'amélioration continue de la qualité, de la sécurité et de la pertinence des soins ;
ainsi que des conditions d'accueil et de prise en charge des usagers, sous réserve des attributions de la commission médicale de groupement .
À noter que la commission médicale de groupement peut être remplacée après accord de l'agence régionale de santé par une commission médicale unifiée, qui se substitue aux commissions médicales locales de chaque établissement.
Le deuxième article concerne les prérogatives du président de la CME, en concertation avec le directeur d'établissement.
Ainsi le président de CME arrête « l'organisation interne de l'établissement pour les activités cliniques et médico-techniques, signe les contrats de pôles cliniques ou médico-techniques », décide de la nomination, avec le directeur d'établissement des chefs pôles d’activité clinique et médico-technique, des responsables des structures internes, service ou unité fonctionnelle des pôles d’activité clinique et médico-technique.
L'article 3 concerne la nomination du chef de pôle, « par décision conjointe du directeur de l’établissement et du président de la commission médicale d’établissement, et, dans les centres hospitalo-universitaires, par décision conjointe du directeur de l’établissement, du président de la commission médicale d'établissement et du directeur de l'unité de formation et de recherche médicale ».
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Citer cet article: Les syndicats contre l'ordonnance sur la médicalisation de la gouvernance hospitalière - Medscape - 18 mars 2021.
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