Sportif de haut niveau : comment forger le mental?

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

18 mars 2021

Virtuel – A l'occasion du  congrès virtuel Encéphale 2021 , une session a été consacrée au mental du sportif de haut niveau. Car si l'entraînement physique est essentiel, ce sont la gestion du stress et la motivation font la différence entre deux sportifs de niveau physique équivalent. Le Dr Jérôme Palazzolo (psychiatre, Nice) a détaillé ce qu'il considère comme fondamental pour la réussite des champions : la notion d'expectation d'efficacité, ou le sentiment d’efficacité personnelle.

Pour mémoire, cette notion se réfère aux croyances qu'a un individu d'avoir les capacités de concrétiser un but qu'il s'est donné. Autrement dit, l'individu pense qu'il est capable de mobiliser ses habiletés et ses connaissances pour atteindre le niveau de performance souhaité.

Des prérequis pour favoriser le sentiment d'efficacité personnelle

Pour se développer, le sentiment d'efficacité personnelle a besoin de différents prérequis :

1- l'accomplissement personnel qui se nourrit grâce à l'accumulation de succès.

« Ce qui est intéressant dans l'accomplissement personnel, c'est la généralisation à des situations similaires » indique le Dr Palazzolo. « Quand on a réussi dans un domaine, c'est-à-dire qu'on a atteint un objectif fixé, petit à petit, on va réussir dans des domaines similaires ». Le succès appelle le succès, en somme.

2- l'expérience vicariante ou l'observation d'autrui

Il s'agit d'observer comment les autres réussissent ou échouent dans le domaine visé. Les personnes observées doivent être crédibles. « Si je veux faire un sport de combat, je ne vais pas me comparer à quelqu'un qui mesure deux mètres et pèse 130 kg. Je n'aurai pas la dynamique psychologique pour observer ce qu'il fait ni pour faire pareil car... je ne suis pas pareil » explique l'orateur.

3- les suggestions et exhortations verbales

Convaincre une personne qu'elle est capable de réussir a une influence positive sur son sentiment d'efficacité personnelle mais aussi sur la confiance en soi et l'estime de soi. Le coaching sportif utilise souvent cette technique d'exhortations verbales. « Cela dit, cela reste une dynamique transitoire si elle n'est pas soutenue par les efforts de l'individu » précise Jérôme Palazzolo. 

Que permet de réaliser l'expectation d'efficacité ?

Selon le psychiatre niçois, l'expectation d'efficacité influence dès le départ le sportif de haut niveau puisqu'elle joue un rôle dans le choix de ses activités. Il faut, d'une part, éviter les situations qui excèdent les possibilités de l'individu et, d'autre part, l'objectif est d'engager le sportif dans des activités pour lesquelles il estime avoir des habiletés.

« Cette expectation d'efficacité va avoir un impact sur l'ampleur de l'effort déployé. La quantité d'énergie et la persistance devant les obstacles seront majorées » explique le Dr Palazzolo qui souligne que « l'expectation d'efficacité est d'ailleurs un très bon prédicteur des performances ».

De fait, plus ce sentiment d'efficacité personnelle est fort, plus le sportif est actif et produit de bonnes performances.

Comment stimuler le sentiment d'efficacité personnelle ?

Comme les bonnes performances sont corrélées à cette expectation d'efficacité, le Dr Jérôme Palazzolo a présenté différentes stratégies pour la stimuler.

La première est de fixer des sous-objectifs à court terme plutôt qu'un objectif à long terme dont l'issue est incertaine. « Cette stratégie pragmatique est utilisée en thérapie cognitive et comportementale : plutôt que de résoudre un problème important, on va essayer de le découper en sous-problème et de les gérer les uns après les autres » précise-t-il.

La deuxième stratégie consiste à réduire l'écart entre la performance actuelle et celle désirée. Aussi un marathonien commencera par s'entraîner à courir sur 1, sur 2, puis sur 10 kilomètres. Cette progression de l'effort permet de stimuler l'expectation d'efficacité qui au contraire serait impactée négativement si le sportif tentait dès le début de courir 40 kilomètres en une seule fois.

Autre stratégie : le modelage social. « L'objectif est d'émettre des conduites de plus en plus adaptées en observant d'autres personnes qui surmontent des difficultés » indique Jérôme Palazzolo qui cite l'exemple des sports de contact et de combat dans lesquels il est fréquent d'analyser des vidéos de combat des champions.

Enfin, proche de la méthode Coué, l'auto-instruction est une stratégie qui consiste à répéter des énoncés positifs se rapportant à soi-même. Dans le domaine du sport, elle augmente la performance notamment pour les efforts d'endurance et les exercices douloureux.

De l'importance du lieu de contrôle interne

Concept développé par le psychologue américain Julian Rotter dans les années 1950, le lieu de contrôle ou locus de contrôle fait partie des variables motivationnelles du sportif de haut niveau. « Il correspond globalement à ce qui est pratiqué en thérapie comportementale et cognitive quand on considère que l'effet du renforcement dépend du lien que l'individu établit entre son propre comportement et le retour environnemental qu'il reçoit » développe Jérôme Palazzolo. Le lieu de contrôle interne doit être privilégié par le sportif de haut niveau : celui-ci pense qu'il a la maîtrise de sa progression (« grâce à mon entraînement rigoureux, je pense que je suis en mesure de battre mon adversaire »). En revanche, le lieu de contrôle externe est à éviter puisque dans ce cas-là le sportif pense que les renforcements ne sont pas sous son contrôle (« La façon dont on devient un membre titulaire de l'équipe de France dépend du fait d'avoir été là où il fallait au bon moment, et non pas du fait de m'être entraîné »).

 

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