Le CNGOF publie ses premières recommandations sur la ménopause

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

15 mars 2021

Paris, France — Le Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF) a publié ses premières recommandations sur la prise en charge de la ménopause. Celles-ci donnent une large place aux mesures hygiéno-diététiques et détaillent les modalités et les indications du traitement hormonal de la ménopause (THM), qui reste bénéfique chez certaines femmes, notamment en prévention du risque de fracture.

Ces recommandations insistent sur l’importance de proposer un bilan médical aux femmes récemment ménopausées, pour identifier entre autres les facteurs de risque d’ostéoporose ou de pathologies cardio-vasculaires, qui peuvent être favorisées ou amplifiées par la ménopause, dans l’objectif de mettre en place une prise en charge adaptée.

« L’entrée dans la ménopause marque un nouvel état hormonal, essentiellement une carence en estrogènes, avec lequel la femme va vivre pratiquement un tiers de sa vie », a rappelé le Pr Florence Trémollières (Ménopause et maladies osseuses métaboliques, hôpital Paule de Viguier, CHU de Toulouse), lors d’une conférence de presse du CNGOF organisée à l’occasion du congrès Pari(s) Santé Femmes[1].

Des mesures hygiéno-diététiques valorisées

Cet état hormonal modifié peut induire des problèmes de santé« chez certaines femmes ».« Cette transition doit être une opportunité à la fois pour le médecin et pour les femmes d’identifier des facteurs de risque, notamment sur le plan osseux et cardiovasculaire, pour mettre en place des mesures de prévention », souligne la gynécologue endocrinologue, également présidente du Groupe d’étude sur la ménopause et le vieillissement hormonal (GEMVIE).

Le GEMVIE a été impliqué dans la rédaction de ces premières recommandations, ce qui a demandé un travail « de près de deux ans » pour reprendre et analyser « l’ensemble des données scientifiques validant les différentes approches thérapeutiques » dans la prise en charge des femmes en début de ménopause.

En plus de guider les praticiens dans l’identification des facteurs de risque lors d’une première consultation de ménopause, le document propose une prise en charge globale, en favorisant l’adoption de mesures hygiéno-diététiques adaptées pour limiter l’impact à long terme de la carence estrogénique. Celles-ci ont été particulièrement détaillées, indique le Pr Trémollières.

Les recommandations précisent également les modalités d’utilisation du traitement hormonal (THM), qui reste indiqué en cas de troubles climatériques altérant la qualité de vie, mais aussi de risque de fracture, après une évaluation individualisée de la balance bénéfice/risque. Sa mise en place doit se faire sur la base d’une « décision partagée » et comprend une réévaluation régulière, précise le CNGOF.

La première consultation de ménopause doit, dans un premier temps, permettre de mesurer l’impact de la carence estrogéniques sur la qualité de vie au quotidien. La patiente est interrogée sur les bouffées de chaleur, les sueurs nocturnes, les troubles de l’humeur ou du sommeil, ainsi que sur les éventuels symptômes génito-urinaires, pas toujours évoqués en cabinet.

Rechercher un syndrome génito-urinaire

Ainsi, « les experts insistent sur la nécessité de mieux identifier les différentes composantes du syndrome génito-urinaire de la ménopause (SGUM) », anciennement dénommé atrophie vulvo-vaginale. Ce syndrome se manifeste par divers symptômes vulvo-vaginaux (sécheresse, douleurs, brûlures, irritation, prurit) responsables de troubles sexuels et parfois accompagnés de signes urinaires (pollakiurie, urgenturie, infections urinaires à répétition).

« Le médecin doit interroger les femmes sur l’ensemble de ces symptômes, car elles n’en parlent pas toujours spontanément et, notamment pour les signes urinaires, ne les attribuent pas à la ménopause », précise le CNGOF, dans un dossier de presse.

La prise en charge de ce syndrome, « qui touche entre 25 à 70% des femmes à la ménopause et qui peut s’aggraver avec le temps » repose notamment sur une rééducation vésicale, la relaxation et des traitements locaux par des produits hydratants, associé ou non à un traitement hormonal local (estradiol ou estriol par voie vaginale).

Par ailleurs, la recherche de facteurs de risque clinique de fracture « doit être systématique en début de ménopause ». Le document liste les facteurs de risque en distinguant les risques non modifiables (âge, antécédent de fracture par fragilité, antécédent d’hypogonadisme précoce…) et ceux considérés comme modifiables (IMC<19, tabagisme, corticothérapie systémique…).

Facteurs de risque « émergents »

Si la mesure systématique de la densité minérale osseuse pour évaluer le risque fracturaire reste discutée, « elle doit être recommandée chez les femmes ayant un ou plusieurs facteurs de risque de fracture », considèrent les experts.

Pour évaluer le risque cardiovasculaire, on retrouve les traditionnels facteurs de risque (diabète, insuffisance rénale, dyslipidémie, tabagisme, obésité, hypertension artérielle…), mais aussi d’autres facteurs dits émergents, dont certains sont spécifiques aux femmes, comme des antécédents d’hypertension artérielle gravidique, de prééclampsie ou de diabète gestationnel.

L’identification de facteurs de risque cardiovasculaire doit conduire à un bilan cardiologique plus approfondi afin d’apporter des précisions sur le niveau du risque, déterminer les mesures hygiéno-diététiques à proposer et, si besoin, le traitement le plus adapté, a précisé le Pr Trémollières.

Concernant les mesures hygiéno-diététiques, les recommandations mettent en avant l’amélioration de l’hygiène de vie, mais aussi de la nutrition, l’éviction de certains facteurs, comme le tabac, et la promotion d’une activité physique adaptée et régulière, présentée également comme un moyen de réduire la mortalité globale et cardio-vasculaire chez la femme ménopausée.

Le maintien d’un important tabagisme est « une porte ouverte au développement d’une ostéoporose fracturaire rapidement après la ménopause », a souligné la praticienne. « Le tabac modifie la structure du tissu osseux », « les femmes qui fument beaucoup « sont généralement ménopausées plus précocement » et elles sont souvent très minces, trois facteurs qui renforcent le risque de fracture.  

Pour réduire le risque de fracture, il est recommandé de pratiquer des exercices physiques en charge avec impacts, combinés à un renforcement musculaire, jugés « plus efficaces sur l’évolution densitométrique et sur la réduction du nombre de fractures chez les femmes à risque faible ou modéré ». Des apports suffisants en protéines, calcium alimentaire et vitamine D sont également conseillés.

THM et prévention de l’ostéoporose

Enfin, le THM a encore sa place pour traiter les femmes présentant des symptômes, mais aussi celles à risque de fracture. Avec les nombreuses controverses qui ont amené beaucoup de femmes à se détourner de ce traitement, on a beaucoup occulté son bénéfice en prévention de l’ostéoporose, estime le Pr Trémollière,

Actuellement, « très peu de femmes suivent ce traitement » à long terme dans une démarche préventive. En conséquence, « on voit émerger des problèmes de santé », liés à une hausse des factures, a indiqué la gynécologue, qui précise qu’un effort a été apporté dans ces recommandations afin de donner « des règles simples » pour aider les praticiens à évaluer ce risque.

« Le traitement hormonal doit rester l’option de première intention à évoquer pour une femme qui débute une ménopause, lorsqu’elle présente déjà un risque élevé de développer une ostéoporose dans les 10 à 15 années. » Le THM permet alors de réduire le risque de fracture de 30 à 40%.

Les recommandations sont centrées sur les dix premières années de la ménopause, une période sur laquelle portent la majorité des données de la littérature sur le THM, a précisé au cours de la conférence de presse le Pr Nathalie Chabbert Buffet (Hôpital Tenon, AP-HP, Paris), qui a participé à l’élaboration des directives.

Concernant ces premières années, les données récemment accumulées se montrent rassurantes sur la balance bénéfice/risque du THM chez les femmes présentant des symptômes, notamment pour le risque cardiovasculaire, a précisé la gynécologue endocrinologue. A condition de respecter les schémas thérapeutiques recommandés.

Estradiol par voie transdermique

Ainsi, de récentes études ont confirmé une absence de risque thromboembolique veineux lorsque les estrogènes sont administrées par voie transdermique. Selon une méta-analyse, le risque de thrombose veineuse n’est pas modifié chez les femmes prenant de la progestérone naturelle micronisée par voie orale, combinée à de l’estrogène par voie transdermique [2].

Il est donc recommandé d’opter pour des estrogènes d’origine naturelle (17β-estradiol) en traitement sous forme de gel ou de patch, associés à un progestatif de la classe des biosimilaires (progestérone micronisée ou dydrogestérone) par voie orale pour la prévention du cancer de l’endomètre (sauf après hystérectomie).

« Le dydrogestérone contrôle mieux le risque de cancer de l’endomètre, mais il pourrait être associé à une hausse marginale du risque de cancer du sein », par rapport à la progestérone micronisée, a précisé le Pr Chabbert Buffet. Ce sur-risque est néanmoins « beaucoup moins important » que ce qui est rapporté avec les progestatifs de synthèse.

Les doses en hormone sont à adapter selon les objectifs à atteindre. Chez une femme présentant un risque d’ostéoporose, mais sans symptômes climatériques, « on peut prescrire une petite dose d’estrogène », conseille l’endocrinologue. « Il n’y a pas de dose minimale efficace » pour prévenir le risque de fracture. En cas de symptômes, la dose est à adapter selon l’effet obtenu.

Ce schéma est à adopter au terme d’une évaluation individuelle du bénéfice/risque, en tenant compte des facteurs de risque cardiovasculaire, ainsi que du risque de cancer. La mise sous traitement est ensuite « une décision partagée ». La poursuite du traitement est soumise à une réévaluation régulière, généralement tous les ans, sans aller au-delà de dix ans.

Les recommandations proposent également des alternatives au traitement hormonal, comme l’ostéopathie ou l’acupuncture, qui ont fait l’objet d’études dans ce domaine, mais avec une efficacité moindre.

 

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