Des médecins réanimateurs et des familles plaident pour une réouverture des services de réa aux proches

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

11 mars 2021

France – Les services des hôpitaux sont fermés aux familles depuis un an. Mais des médecins réanimateurs et des familles plaident un assouplissement de cette interdiction. Ils viennent de créer un observatoire dédié.

Un « observatoire des conditions de visites aux patients hospitalisés »

« Nous avons pris en charge notre premier patient atteint du Covid le 5 mars 2020. Comme tout le monde, nous avons alors fermé les portes de notre service à sa famille. Un an après, il n'y a plus aucune raison de ne pas permettre l'accès aux proches des patients en réa » témoigne le Pr Guillaume Thiéry (médecin réanimateur, CHU Saint-Etienne), membre de la SRLF (Société de Réanimation de Langue Française). Pourtant cet accès aux services de réanimation pour les familles de patients reste très hétérogène sur le territoire. Pour les aider à mettre en œuvre des procédures qui favoriseraient les visites des proches,  l’Institut français de l’expérience patient ( IFEP ), avec le soutien de la Société Française d'Anesthésie et de Réanimation (SFAR), de la SRLF et en coopération avec l’association RéaProche viennent de lancer un « observatoire des conditions de visites aux patients hospitalisés » dont l'objectif est d'établir un état des lieux et de proposer des bonnes pratiques déjà identifiées.

 
Un an après, il n'y a plus aucune raison de ne pas permettre l'accès aux proches des patients en réa. Pr Guillaume Thiéry
 

« C'est un cauchemar pour les familles, on le voit bien. Les proches reçoivent un coup de massue ingérable s'ils ont été éloignés pendant plusieurs semaines et que d'un coup, du jour au lendemain, ils sont convoqués parce que cela ne se passe pas bien », explique le Pr Thiéry. Son service et d'autres en France permettent de nouveau aux familles de rendre visite à leur proche hospitalisé.

Une situation hétérogène sur le territoire

« Atteints gravement du Covid, mon frère de 54 ans sans facteur de comorbidité a été pris en charge dans deux hôpitaux différents : dans l'un, nous avons pu venir le voir, dans l'autre, les visites étaient interdites » témoigne Wiana Buisson. « Il s'est retrouvé en réanimation pendant neuf semaines, c'est affreusement long. Bien sûr, je comprenais la pression de soignants quand je téléphonais dans le service, mais je dois vous avouer que personnellement, je n'ai jamais vécu une détresse pareille », s'émeut-elle. Dans son cas, l'issue a été favorable. Pour autant, l'enseignante en droit à Lyon a décidé de créer l'association RéaProche pour venir en aide aux proches de patients hospitalisés en réanimation.

La situation est hétérogène sur le territoire : dans certains services, les proches sont de nouveau les bienvenus, dans d'autres, ils trouvent toujours porte close. « Avec le Covid, on a fermé nos services de crainte que les familles se contaminent en venant ou qu'elles se contaminent entre elles. » rappelle le Pr Thiéry. Quant aux équipements de protection, il faut se souvenir qu'ils manquaient même pour les soignants. « Ceci était relativement logique au début de l'épidémie, mais maintenant, nous avons les équipements pour habiller les proches et nous savons comment éviter les contaminations » explique-t-il. Dans son service, un protocole local de visites avait été mis en place après la première vague. Les médecins réanimateurs l'ont imposé à la direction de l'hôpital lors de la deuxième vague qui a vu de nouveau les familles privées de visite.

« Dans la plupart des hôpitaux, les directions interdisent les visites des proches depuis le début de l'épidémie. Nous pensons qu'il faut que les services de réa s'organisent et montent des protocoles locaux. L'observatoire des conditions de visites aux patients hospitalisés peut les y aider » indique le Pr Guillaume Thiéry, qui demandait dès le mois d'avril dans une tribune publiée par le journal Le Monde la réouverture des réanimations.

Une présence bénéfique pour les patients, leurs proches et les soignants

Ce à quoi on assiste aujourd'hui constitue un recul par rapport au mouvement amorcé il y a 25 ans dans les services de réanimation, qui se sont de plus en plus ouverts aux proches, jusqu'à proposer des visites 24h/24. « Ce mouvement d'ouverture complète concernait pas loin de la moitié des services de réanimation » commente le Pr Thiéry qui considère l'accueil des familles comme indispensable et même nécessaire pour la prise en charge optimale des patients.

Les différents promoteurs de l’observatoire des conditions de visites des patients hospitalisés rappellent qu'un certain nombre de patients est éveillé en réanimation. Dans cet univers anxiogène, la participation des proches apporte réconfort, humanité et chaleur. D'après Guillaume Thiéry, elle permet de diminuer la survenue d'un trouble de stress post-traumatique qui touche la moitié des patients qui font un séjour en réanimation. Au sein des familles autorisées à visiter leur proche hospitalisé en réanimation, on observe aussi moins d'anxiété et de dépression.

 
Dans cet univers anxiogène, la participation des proches apporte réconfort, humanité et chaleur.
 

Et le bénéfice s’étend également aux soignants. « L'accueil des familles prend du temps mais il est très difficile de soigner un patient en étant déconnecté de ses proches », explique Guillaume Thiery. Les équipes ont besoin de mieux connaître le patient pour prendre les décisions lui correspondant au mieux. En outre, pour mener une réflexion sur un possible acharnement thérapeutique, il faut aussi que les soignants accompagnent les familles dans le cheminement.

Des idées de bonnes pratiques

L’observatoire des conditions de visites des patients hospitalisés propose déjà quelques bonnes pratiques accessibles à toutes les équipes soignantes et à adapter en fonction des contraintes de chaque service :

  1. Des visites peuvent être organisées sur rendez-vous (prise de rdv au secrétariat), un ou deux visiteurs par patient, avec ou sans limite de durée. Les visites se font un jour sur deux pour faciliter la gestion du planning.

  2. Pour les patients en fin de vie, les visites sont possibles 24h/ 24 et autorisées à davantage de personnes sans limitation de durée.

  3. L'accueil des proches se fait dès l'entrée du service par des bénévoles formés et connus des équipes de soins, les consignes d'hygiène sont expliquées aux familles, l'habillage des proches est effectué avec l'aide et sous la supervision des bénévoles.

  4. Les visites sont cependant impossibles si la personne est cas contact ou symptomatique (fièvre, toux, signes respiratoires...), quelle qu’en soit la cause.

 

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