TRANSCRIPTION/ADAPTATION (VIDEO ENREGISTREE LE 27 AOUT 2021)
Bonjour. Gilles Pialoux — je suis professeur de maladies infectieuses à Sorbonne université et infectiologue à l’hôpital Tenon. Je suis ravi de vous retrouver pour cette vidéo de Medscape France après un petit temps d’absence lié à ce début de quatrième vague. Au programme, un point rapide, mais beaucoup d’informations pour cette rentrée de septembre. Plusieurs informations scientifiques, des informations politiques et médicamenteuses.
Pour faire le point, je vous conseille la lecture de l’avis du Conseil scientifique émis le 20 août sur la fin de la période estivale et le pass sanitaire et la rentrée de septembre, car, vous le savez, il y a un certain nombre de polémiques et d’inquiétudes sur cette rentrée scolaire (Lire Rentrée scolaire : le Conseil scientifique redoute une épidémie pédiatrique). Cet avis est intéressant notamment, parce qu’il fait le point des données épidémiologiques.
La situation à Tenon, Paris
Pour évaluer la situation, si l’on part du plus petit, c’est-à-dire, par exemple, de Tenon, de mon hôpital à Paris, dans le 20e, on a pour l’instant une quatrième vague modérée par rapport au nombre de cas incidents hebdomadaires qui oscille entre 18 000 et 25 000 sur cette dernière semaine. On a actuellement sur le service, qui fait 26 lits, 13 lits de Covid, donc 50 % du service. En réanimation, d’autres hôpitaux sont dans le même cas, on a 50 % de tension – c’est-à-dire dix lits sur vingt qui sont occupés de patients Covid. On a 85 % à 90 % des patients hospitalisés qui sont non vaccinés ou vaccinés avec une seule dose, en tout cas, qui n’ont pas eu le schéma vaccinal [complet], c’est important.
Des tensions fortes dans d’autres régions
Plus globalement, des tensions fortes sont observées dans d’autres régions – on parle évidemment des Antilles avec des incidences qui ont dépassé les 2200 pour 100 000 pour la Guadeloupe, la Martinique, la Polynésie française.
Mais aussi une tension très forte en PACA en cette fin du mois d’août et début du mois de septembre. Dans les Bouches-du-Rhône (13) et à Marseille, plus précisément, la tension est autour de 80 % avec une particularité – une moyenne d’âge des patients hospitalisés en réanimation autour de 42 ans avec 50 % de femmes et 50 % d’hommes, ce qui est assez nouveau par rapport aux crises précédentes et, bien sûr, une surreprésentation des couches sociales les moins favorisées, notamment les quartiers nord, pour ce qui est de Marseille, avec un taux de vaccination qui est extrêmement faible.
Ce que l’on a appris sur le variant Delta
Sur le variant Delta, on a des informations qui s’agrègent. L’incubation paraît plus courte, probablement autour de 3 jours avec une durée de contagiosité qui est plus longue, une proportion de personnes hospitalisées parmi les personnes infectées qui serait supérieure à celle du variant Alpha.
Avec le Delta, l’efficacité vaccinale est légèrement diminuée dans certaines études entre 60 et 90 % – cela dépend du type de vaccin –Mais, en revanche, l’efficacité vaccinale avec une seule dose serait de l’ordre de 30 %.
Toutefois, il faut refaire passer le message à nos patients : la protection contre les formes sévères est tout à fait confirmée et reste de l’ordre de 90 % à 95 %.
Une des bonnes nouvelles est la poussée vaccinale très forte qui a eu lieu en France, plus forte, d’ailleurs que les mouvements antivaccins. Une poussée vaccinale qui a touché aussi la tranche 12-17, ce qui est une excellente nouvelle.
Quelle transmission par les personnes vaccinées ?
Il y a un vrai débat sur le fait que les personnes vaccinées restent transmetteuses, même s’il y a une possible diminution de la charge virale.
Sur ce point, la réalité n’est pas tout à fait claire. Il semble, selon l’avis du conseil scientifique, que les pics de charge virale seraient du même ordre de grandeur chez les personnes non-vaccinées infectées et chez les personnes vaccinées infectées. Cependant, effectivement l’aire sous la courbe, c’est-à-dire la durée de contagiosité, serait plus courte en cas de vaccination préalable. Il s’agit d’un élément important.
Des pistes intéressantes du côté de la thérapeutique…
On avait quasiment oublié la thérapeutique… avec plusieurs nouvelles informations. D’abord, l’OMS a annoncé que dans son essai SOLIDARITY, elle mettait trois bras de randomisation nouveaux avec trois produits très différents : l’artésunate, que vous connaissez, qui est un antipaludéen utilisé dans les formes graves de paludisme, qui a montré une efficacité in vitro; l’imatinib, qui est un médicament assez ancien, un inhibiteur de tyrosine kinase utilisé en cancérologie en comprimé, qui est génériqué, donc là aussi un accès possiblement facile, et puis l’infliximab, qui est un anticorps monoclonal chimérique anti-TNF-alpha qui, lui, comme vous le savez, est utilisé essentiellement dans la maladie de Crohn, la RCH, la spondylarthrite ankylosante, le psoriasis, etc.
Ce sont des approches tout à fait nouvelles, tout à fait différentes, et très intéressantes.
Parallèlement à cela, il y a un certain nombre d’études en cours avec le tocilizumab, qui est un anti IL-6 que l’on a particulièrement évalué à Tenon, où on a inclus plusieurs dizaines de patients. Là aussi, on pourrait avoir des données assez satisfaisantes, probablement dans les formes les moins sévères, et l’agence européenne, l’EMA, va statuer sur cette molécule.
Autre information intéressante, c’est l’autorisation par la Haute Autorité de Santé d’un accès précoce, pré-AMM, pour les deux anticorps monoclonaux rendus célèbres par Donald Trump sous le nom commercial de Ronapreve : le casirivimab et l’imdevimab de Roche/Regeneron, qui est, cette fois-ci, autorisé pour les personnes – alors, il y a une liste assez complète –, mais globalement les plus immunodéprimés qui auraient eu trois doses vaccinales et qui n’auraient pas répondu à ces trois doses vaccinales. Nous sommes dans un schéma d’utilisation de ces anticorps monoclonaux anti-Spike à la fois en prophylaxie préexposition et en prophylaxie post-exposition, c’est-à-dire chez les sujets contacts. En préexposition, c’est assez compliqué à organiser, puisqu’il faut en gros une perfusion tous les mois. C’est ce que nous sommes est en train de mettre en place, notamment, pour les greffés rénaux, mais aussi pour les patients d’hématologie.
On peut citer aussi dans les autres molécules qui arrivent le molnupiravir, une molécule de Merck, qui est un antiviral original, intéressant parce qu’il est utilisable par comprimé. Là aussi, on attend des données consolidées des essais en cours.
Une inquiétude forte autour de la rentrée scolaire
Donc, pour résumer, nous avons une inquiétude très forte sur la rentrée scolaire pour des raisons de circulation très importante. Il y a eu des alertes pédiatriques, notamment aux Antilles, mais aussi dans le sud de la France, à Nice, donc une inquiétude sur la rentrée scolaire.
Mais aussi, un engouement pour les thérapeutiques qui viendraient parachever, si je peux dire, la notion de prévention combinée, parce que les traitements vont non seulement améliorer les patients et diminuer la survenue de formes graves, mais vont aussi jouer un rôle d’outil de prévention, comme dans d’autres modèles, comme dans le VIH. Tout cela, on l’espère, permettra de nous faire passer la quatrième vague avec moins d’encombres.
Je vous remercie beaucoup.
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Citer cet article: Covid-19 : point de situation à la veille de la rentrée scolaire - Medscape - 1er sept 2021.
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