POINT DE VUE

Thérapeutiques anti-COVID : où en sommes-nous?

Pr Gilles Pialoux

Auteurs et déclarations

12 avril 2021

TRANSCRIPTION/ADAPTATION (vidéo enregistrée le 25 mars 2021)

Bonjour. Gilles Pialoux — je suis professeur de maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Tenon et à Sorbonne université. Voici un petit point sur l’actualité thérapeutique en matière de COVID. Il est vrai que c’est compliqué de suivre.

D’abord, un ou deux rappels : c’est une maladie qui est pléomorphe, si l’on peut dire, puisqu’on a à la fois des formes asymptomatiques, peu symptomatiques, très symptomatiques et à la fois une maladie qui conjugue des éléments inflammatoires et des éléments viraux, donc évidemment il y a plusieurs approches.

Deux principales approches : les antiviraux et les immunomodulateurs

Classiquement, on oppose :

  • les approches des antiviraux directs ou prétendus comme tels, dans lesquels on avait classé initialement l’hydroxychloroquine, le lopinavir-ritonavir, qui sont sortis du champ du rationnel, le remdésivir, pour lequel le positionnement est compliqué et,

  • toute l’approche des immunomodulateurs au premier rang desquels figurent les dérivés corticoïdes dont la dexaméthasone, et puis un pan qui est en pleine expansion, qui est celui de l’immunothérapie avec trois pôles — on le verra —les anticorps polyclonaux, les anticorps monoclonaux seuls ou en bithérapie et le plasma de convalescent.

Et, bien sûr, deux choses ont sauvé des vies depuis cette première vague : l’oxygène et les anticoagulants, sur lequel je ne reviendrai pas.

Rappel sur les corticoïdes 

Je vous rappelle l’excellente méta-analyse du JAMA[1] qui montre très clairement l’efficacité de la dexaméthasone, de l’hydrocortisone et de la méthylprednisolone. Ces différents corticoïdes sont utilisés en fonction de là où sont les patients. La médecine de ville préfère utiliser, plutôt, la méthylprednisolone ou d’autres et le milieu hospitalier plutôt la dexaméthasone. Globalement, la diminution de la mortalité à 28 jours se situe entre 30 et 34 %.

Qui des antiviraux ?

Que dire aujourd’hui du remdésivir ? Les essais sont plutôt peu concluants. Il y a eu l’essai NAIAD ACTT-1[2], dont on a montré qu’il  diminuait la durée d’hospitalisation de quatre jours. Un résultat surtout significatif chez les patients avec une oxygénothérapie modérée, à la lunette.

Il y a eu l’essai SIMPLE[3], où il n’y a pas de différence sur le devenir clinique à 14 jours entre les deux groupes, et puis il y a eu la partie SIMPLE Moderate Trial[4] sans impact sur la mortalité, donc des données assez complexes.

Comme vous le savez, l’essai clinique qui s’appelait Discovery en France et qui s’appelait Solidarity à l’échelle de l’OMS a coupé tous ses bras, puisqu’il n’y a pas plus de bras hydroxychloroquine, il n’y a plus de bras lopinavir, il n’y a plus de bras lopinavir plus interféron. Actuellement va s’inscrire un nouveau bras, en plus du remdésivir, qui est le bras avec une bithérapie interféron. Est-ce que Solidarity est un point final sur les antiviraux en hospitalisation ? On voit une constellation de protocoles sur les patients ambulatoires…

Après, les choses sont encore plus compliquées. Dans le New England Journal of Medicine du 4 mars, une étude évalue une bithérapie associant remdésivir et baricitimide[5], qui comme vous le savez est un inhibiteur sélectif des JAK, des Janus kinases qui est utilisé notamment dans certaines maladies inflammatoires en rhumatologie. On voit très clairement que cette bithérapie a un effet sur tous les critères composites de passage en réanimation, d’oxygènorequérance, par rapport au remdésivir seul.

Enfin, nous avons de nombreuses autres molécules antivirales en cours d’évaluation. Il y a une molécule en cours d’essai par l’équipe marseillaise du professeur Halfon, qui est dérivée de la chloroquine-- un essai prioritaire par le gouvernement — cette molécule c’est le 561 GNS. On peut citer aussi dans les molécules en développement celle de Merck, le molnupiravir, qui est un antiviral à large spectre qui agit sur le SARS-CoV, le MERS, d’autres virus à ARN, incluant Ebola, Chikungunya, qui est particulièrement intéressant et qui est développé, lui aussi, en mono et en bithérapie.

La carte des anticorps

Mais, la carte actuelle est celle des anticorps — et il est compliqué de s’y retrouver. Il y a des essais sur les anticorps polyclonaux qui sont en cours, notamment l’essai POLYCOR, un essai national avec des anticorps polyclonaux humanisés, sur lequel on ne peut pas dire grand-chose.

Il y a aussi des essais en cours avec le plasma de convalescent, même s’il y a déjà eu, par contre, plusieurs papiers dans le JAMA dans le BMJ, dans le New England, avec des résultats assez contrastés sur les odds ratio en termes de mortalité à 28 jours.

Pour l’instant, à part la publication du JAMA, on n’a pas encore d’éléments probant. On attend évidemment l’essai COVIPLASM qui est en cours au niveau national. Mais il a été publié, quand même, notamment par l’équipe de Karine Lacombe, entre autres, une efficacité de ce plasma de convalescent dans Blood[6] sur les patients immunodéprimés et déplétés en réponse B, avec une efficacité indiscutable sur différents marqueurs, y compris, d’ailleurs, sur les marqueurs immunitaires de lymphoprolifération, de réponse CTL, et de charge virale d’ARN SARS-CoV-2.

Les anticorps monoclonaux, il y en a beaucoup. Le plus connu est le premier, c’est celui de Lily, le bamlanivimab, qui a une ATU, comme vous le savez, qui est très récente, et on a depuis peu une bithérapie, qui associe le casirivimab et l’imdevimab, donc les deux molécules de Regeneron rendues célèbres par le non moins célèbre Trump, puisqu’il les avait reçus en traitement expérimental. Elles sont actuellement disponibles dans le cadre d’ATUs restreintes, mais d’autres peuvent arriver, derrière, notamment l’association des deux adénovirus sus-cités d’Astra Zeneca.

Que peut-on dire de ces essais  ? On peut dire déjà qu’il y a un certain nombre de règles qu’on applique à l’ATU : une injection est probablement insuffisante, la monothérapie est probablement insuffisante et le risque, évidemment, est la sélection de mutants résistants.

Plus proche de nous, des essais tout à fait intéressants ont été présentés à la CROI 2021. Une conférence sur le SIDA qui s’est transformée en une conférence sur la COVID. L’association entre le bamlanivimab et l’étésévimab a montré des effets notables, contrairement aux premières publications, avec une diminution de 70 % de décès à J29 dans un essai qui a été rapporté par Dougan en late breaker , à la CROI.

On peut aussi citer l’étude BLAZE-2 avec le bamlanivimab, sur à la fois des personnes dans un équivalent d’EHPAD en prévention sur les résidents et aussi sur le personnel qui les accompagne. Evidemment les résidents avaient plutôt une moyenne d’âge à 78 ans et le personnel, plutôt 28 ans. Il en ressort une efficacité avec un odds ratio à 0,20, donc une réduction de 80 % du risque d’être contaminé, cette fois-ci en monothérapie avec le bamlanivimab et l’absence totale de décès chez les résidents qui ont été contaminés, malgré ce produit. Donc vraiment des résultats qui poussent sur l’utilisation des anticorps monoclonaux.

Le problème des variants

On finira par des données qui n’ont pas encore été publiées, mais qui sont sur BioArchive, des données concernant l’influence des variants et notamment du variant sud-africain qui diminuerait considérablement l’efficacité de ces anticorps monoclonaux, plus que le variant anglais, avec une baisse significative des IC 50 avec le variant sud-africain.

Voilà où on en est actuellement et les guidelines sont compliquées, parce que beaucoup de données sont en attente.

Merci. A bientôt sur Medscape.

 

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