Danemark — Les importantes variations du taux d’hormones sexuelles que connaissent les femmes tout au long de leur vie peuvent avoir un impact sur le risque de maladie cardiovasculaire. C’est pourquoi, des cardiologues, des gynécologues et des endocrinologues se sont réunis et ont émis conjointement, sous la houlette du Pr Angela Mass, directrice du Programme de santé cardiaque pour les femmes (Radboud University Medical Centre, Nijmegen, Pays-Bas), un document de consensus sur cette question.
Il vise à donner des conseils sur la façon de prendre soin de la santé cardiaque pendant la ménopause, après des complications liées à la grossesse, ou après un cancer du sein ou lors un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). La pré-éclampsie, le diabète gestationnel, la prise de contraceptifs, le traitement hormonal de la ménopause, les femmes transgenres sous hormothérapie et le risque cardiovasculaire qui accompagne chaque situation …sont autant de sujets abordés et le rôle important d’une bonne hygiène de vie, mentionné.
Ce consensus de la Société européenne de cardiologie (ESC) qui vient d’être publié dans l’European Heart Journal [1]. Il actualise le dernier document de la Société européenne de cardiologie (ESC) sur la péri-ménopause, qui datait de 2007.
« La vie d’une femme est jalonnée d’indices qui permettent de démarrer précocement la prévention, considère le Pr Maas dans un communiqué accompagnant le document [2]. Nous devons évaluer nos patientes femmes différemment des hommes, et ne pas juste les interroger sur le taux de cholestérol. Cela permettra de classer les femmes d’âge moyen parmi celles qui sont à haut risque ou à bas risque de maladie cardiovasculaire ».
L’hypertension, souvent prise par erreur pour un symptôme de la ménopause
L’un des domaines où le bât blesse, selon les experts : l’hypertension artérielle. « Les médecins devraient intensifier le dépistage de l’hypertension chez les femmes d’âge moyen » établit le document. L'hypertension est, en effet, un facteur de risque extrêmement important qui touche les femmes au début de la période post-ménopausique et qui est souvent mal pris en charge. Jusqu'à 50% des femmes développent une hypertension (>140/90 mmHg) avant l'âge de 60 ans ; l'apparition de l'hypertension peut provoquer divers symptômes, tels que des palpitations, des bouffées de chaleur, des maux de tête, des douleurs thoraciques et des troubles du sommeil, qui sont souvent attribués à la ménopause. « L’élévation de pression artérielle est appelée hypertension chez les hommes mais chez les femmes, on l’attribue de façon erronée au « stress » ou aux « symptômes de la ménopause », considère le Pr Angela Mass. « Nous savons que l’HTA est moins bien traitée chez les femmes que chez les hommes, ce qui augmente leur risque de fibrillation atriale, d’insuffisance cardiaque et d’AVC – autant de pathologies qui pourraient être évitées » ajoute-elle.
Pré-éclampsie et ménopause précoce : 2 situations à risque ultérieur
La pré-éclampsie et la ménopause précoce sont deux autres exemples qui montrent à quel point il importe d’interroger les femmes, notamment sur le déroulé de leur(s) grossesse(s) et leurs antécédents hormonaux. La pré-éclampsie est associé à un quadruplement du risque d’insuffisance cardiaque et d’hypertension et double le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC). « Il y a plusieurs périodes de vie où l’on peut identifier des sous-groupes de femmes à haut risque, indique le Pr Maas. L’élévation de pression artérielle pendant la grossesse est un signe qui doit alerter sur le fait que cette femme est susceptible de développer une hypertension à l’entrée en ménopause et est associée à la survenue d’une démence plusieurs décennies après. Si cette hypertension n’est pas prise en charge dans la quarantaine ou la cinquantaine, des problèmes vont se présenter plus tard (à 70 ans) et ils seront alors bien plus difficiles à gérer. »
Quant aux femmes qui expérimentent une ménopause précoce (non chirurgicale), c’est à dire avant l’âge de 40 ans, elles sont plus à même de présenter une pathologie cardiovasculaire – avec un risque qui s’élève de 3% chaque année.
Maladies auto-immunes et THM
Il faut savoir aussi que les pathologies inflammatoires auto-immunes comme l’arthrite rhumatoïde et le lupus sont plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes et augmentent le risque cardiovasculaire autour de la ménopause.
Le traitement hormonal de la ménopause (THM) est aussi abordé dans ce document. S’il est indiqué pour diminuer les symptômes comme les suées nocturnes et les bouffées de chaleur après 45 ans, les auteurs recommandent néanmoins d’évaluer le risque cardiovasculaire avant toute mise en route d’un THM et rappellent qu’un traitement n’est pas préconisé chez les femmes à haut risque ou après un AVC, un infarctus ou un épisode thromboembolique.
La question des femmes transgenres
Plus original, le document consacre un paragraphe à la question des femmes transgenres (assignées hommes à la naissance). « Ces femmes prennent un traitement hormonal toute leur vie et le risque thromboembolique augmente avec le temps, explique le Pr Maas. D’après le consensus, « les femmes transgenres doivent être encouragées à réduire les risques qui peuvent l’être en adaptant leur style de vie » tout en reconnaissant que « passant par une meilleure image corporelle, les bénéfices psychosociaux de l’hormonothérapie sont en faveur de choix de vie plus sains. »
Si une collaboration étroite est nécessaire entre cardiologues, gynécologues et endocrinologues pour mieux prendre soin de la santé des femmes, ces dernières peuvent aider les praticiens à prévenir les pathologies cardiaques en mentionnant des problèmes comme d’éventuelles complications pendant la grossesse, une ménopause précoce et en surveillant leur pression artérielle », conclut le Pr Maas.
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Citer cet article: Mieux appréhender la santé cardiovasculaire des femmes : un consensus de l’ESC - Medscape - 2 mars 2021.
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