Monde — La pandémie de Covid-19 ne doit pas faire oublier que la pollution atmosphérique est un facteur de risque très important de décès, notamment cardiovasculaires. C’est ce qu’ont tenu à rappeler quatre organisations mondiales majeures du monde de la cardiologie – la World Heart Federation (WHF), l’American College of Cardiology (ACC), l’American Heart Association (AHA) et l’European Society of Cardiology (ESC) – en publiant, en pleine épidémie, alors que tous les yeux sont rivés sur le coronavirus, une déclaration commune pour demander instamment à la communauté médicale et aux autorités de santé d’atténuer l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé des populations [1].
Un appel à l’action des cardiologues
« Avant même la pandémie de Covid-19, la pollution de l’air était déjà un sujet d’inquiétude croissant en raison de son impact sur la santé des gens, bien qu’elle ait été souvent négligée en tant que facteur de risque cardiovasculaire. Le Covid-19 a ajouté un nouveau et mortel facteur de risque à l’équation, et il est temps pour la communauté médicale de prendre la parole et d’agir » a déclaré Michael Brauer, à la tête du groupe d’experts de la World Heart Federation Air Pollution et co-auteur de la déclaration [2].
Très concrètement, en sus d’appeler à des changements structurels pour réduire les émissions de polluants et leur exposition délétère, le document souligne le rôle important que peuvent jouer les professionnels de santé, à leur niveau, pour prévenir les maladies liées à la pollution de l’air, à savoir :
Se faire l’avocat d’une diminution de la pollution atmosphérique en tant que mesure sanitaire, soutenir les recherches sur les liens entre la qualité de l’air et son impact sur les MCV, et les interventions visant à réduire l’impact de la pollution sur les maladies chroniques ;
Fournir aux patients des mesures personnalisées pour réduire l’exposition, comme des systèmes de filtration d’air ;
Intégrer la pollution atmosphérique aux approches de gestion de la maladie, à travers l’utilisation d’indices de qualité de l’air, par exemple,
Ou encore, participer à la mise au point de recommandations sur la pollution de l’air et des MCV…
Pollution : l’autre pandémie
La pandémie de Covid-19 ne doit pas occulter le poids que fait peser la pollution atmosphérique sur le risque de décès. Les liens entre ces deux facteurs de risque sont peut-être même plus étroits qu’il ne semble à première vue.
En témoigne l’une des dernières études parues sur le sujet montrant une association entre niveau de pollution dans l’air et pathologies cardiovasculaires [3]. Parue en janvier 2021 et conduite à Wuhan – désormais tristement célèbre pour avoir signé le début de la pandémie mais aussi extrêmement polluée – ce travail a montré qu'une exposition à court-terme aux particules fines de diamètre inférieur ou égal à 2,5 μm (PM2,5) ou de diamètre inférieur à 10 μm (PM10) et au dioxyde d'azote (NO2) était associée à un risque accru de décès par infarctus du myocarde (Lire Pollution de l'air et infarctus du myocarde : l'association qu'on ne peut plus ignorer). Enfin, une étude encore plus récente fait état d’une augmentation de 29,9 % des patients souffrant d’insuffisance cardiaque en Chine, une hausse que l’investigateur principal de l’étude, le Dr Nicola Bragazzi (York University, Toronto, Canada) attribue principalement à la croissance de la population, le tabac et à la pollution – ce dernier étant désormais totalement intégré parmi les facteurs de risque majeur de MCV [4,5].
La pollution ne constitue-t-elle pas elle aussi une pandémie – bien que moins palpable et aux effets moins directement visibles que le SARS-CoV-2? C’est ce que pense une équipe de chercheurs allemands qui a estimé, dans une étude parue tout début mars 2020, que la pollution atmosphérique était responsable de près de 800 000 décès supplémentaires en Europe par an, dont 48% de pathologies cardiovasculaires [6]. Des décès surnuméraires qui représenteraient une réduction de 2 ans de l’espérance de vie en moyenne. « Nos résultats montrent qu'il existe une « pandémie de pollution de l'air »», commentait Thomas Münzel (Institut Max Planck) responsable de cette recherche dans un article du magazine suisse Le Temps l’an dernier. Dans leur étude, les auteurs pointent par ailleurs, que dès à présent, la pollution pourrait avoir supplanté le tabac parmi les facteurs de risque de maladie CV. Ils rappellent aussi que la limite moyenne annuelle en particules fines PM2.5 en Europe était de 25 μg/m3, ce qui est 2,5 fois plus élevé que les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de 10 μg/m3.
Seule façon, selon les chercheurs, d’éviter ces morts : remplacer les combustibles fossiles par des énergies renouvelables et propres, selon les objectifs fixés par les accords de Paris (voir encadré ci-dessous), ce qui conduirait à une réduction de 55% du taux de mortalité en Europe attribuable ces énergies polluantes.

Excès de mortalité estimé attribué à la pollution de l’air en Europe, par maladies. Au moins 48% sont dues aux maladies cardiovasculaires (pathologies ischémiques et AVC). Une partie des autres pathologies chroniques peut aussi se voir attribuer un lien avec la mortalité CV, dans une limite de 32% [6].
Des millions de vie sauvées si les accords de Paris sont respectés
Nouvelle preuve que le champ de l’environnement est devenu indissociable de celui de la santé, cette étude parue début février dans le Lancet Planetary Health [7]. Elle établit, sur la base d’une estimation, que limiter le réchauffement climatique en restant bien « sous les 2°C » pourrait sauver 6,4 millions de vies du fait d’une meilleure alimentation, 1,6 millions de vies grâce à un air plus propre et 2,1 millions de vies par davantage d’exercices physiques, et ce par année, et pour les 9 pays (Brésil, Chine, Allemagne, Inde, Indonésie, Nigéria, Afrique du Sud, Royaume-Uni et Etats-Unis) inclus dans ce travail. Pour le principal auteur, Ian Hamilton (Londres) : « Le message est clair et net. Respecter les accords de Paris préviendra non seulement nombre de décès prématurés chaque année, mais la qualité de vie sera améliorée pour des millions d’autres du fait d’une meilleure santé. Nous avons l’opportunité aujourd’hui de placer la santé en première place des politiques sur le changement climatique pour sauver encore plus de vies. »
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Citer cet article: Réduire la pollution : le monde de la cardiologie appelle à réagir - Medscape - 24 févr 2021.
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