POINT DE VUE

Obésité : quand prescrire le liraglutide ?

Pr Boris Hansel

Auteurs et déclarations

19 mai 2021

Le blog du Dr Boris Hansel - Diabétologue et nutritionniste

TRANSCRIPTION

Bonjour, je vais vous parler de deux traitements non chirurgicaux et efficaces pour la perte de poids, en association bien sûr avec des mesures hygiénodiététiques : le liraglutide et l’embolisation artérielle gastrique.

Quelle place pour le liraglutide 3 mg/j en cas d’excès pondéral ?

Le premier traitement est le liraglutide, un analogue du GLP-1 qui est connu et utilisé depuis 2010 chez les patients diabétiques. Alors je précise tout de suite que je n’ai aucun lien d’intérêt avec le laboratoire qui commercialise ce médicament.

Le liraglutide est donc connu depuis une dizaine d’années et utilisé chez les patients diabétiques de type 2 à la dose maximale de 1,8 mg par jour, en injection. Il y a eu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en 2015 au niveau européen pour sa forme à 3 mg, sous le nom de SAXENDA, avec une indication en cas d’obésité ou de surpoids avec un facteur de risque cardiovasculaire. Donc au-delà du patient diabétique, il y a une indication pour l’excès pondéral avec un objectif de perte de poids.

Ce médicament a donc une AMM, mais il n’a pas été commercialisé en France jusqu’à présent en raison du non-remboursement de ce médicament par les autorités de santé. Depuis quelques semaines à peine, ce médicament est maintenant disponible et commercialisé, mais il n’est toujours pas remboursé. Donc quelle place peut être la place du liraglutide à la dose de 3 mg par jour en cas d’excès pondéral ? En ce qui concerne son efficacité, elle a été démontrée par le programme SCALE, qui a inclus au total à peu près 6 000 patients diabétiques et qui a testé la dose de 3 mg en association avec un véritable programme d’accompagnement comportemental diététique. Globalement, on a une perte de poids de l’ordre de 6 % du poids initial et qui s’ajoute à celle des mesures hygiénodiététiques.

 
On a une perte de poids de l’ordre de 6 % du poids initial et qui s’ajoute à celle des mesures hygiénodiététiques.
 

Également, on note une amélioration des comorbidités métaboliques, notamment glycémiques et une amélioration des apnées du sommeil chez les patients qui présentent un syndrome d’apnée du sommeil. L’efficacité est marquée, quel que soit l’IMC, en tout cas jusqu’à 40 kg/m2. C’est-à-dire qu’en cas d’obésité massive, le traitement a l’air moins efficace. En ce qui concerne la persistance dans le temps de l’efficacité quand on continue le traitement, le médicament reste efficace avec un suivi d’au moins deux ans dans la plupart des essais qui ont évalué cette efficacité.

 
En cas d’obésité massive, le traitement a l’air moins efficace.
 

En revanche, quand on arrête le traitement, on a une atténuation de l’efficacité, ce qui est attendu quand on connaît le mécanisme d’action du liraglutide : une réduction de l’appétit avec un effet central au niveau des centres de la faim, de la satiété, et un niveau périphérique au niveau de l’estomac, puisqu’on a un ralentissement de la vidange gastrique, ce qui donne une sensation de plénitude gastrique plus rapidement. Quand on arrête ce traitement, on a une tendance à la reprise de poids. Dans l’essai qui a évalué ce qui se passe 12 semaines après l’arrêt du traitement, il y a encore une différence significative, mais on peut imaginer que quand on poursuit, le bénéfice s’arrête complètement.

Concernant la tolérance, on connaît la principale limite du liraglutide, largement utilisé chez les diabétiques : ce sont des inconforts digestifs – de type nausée, voire ballonnement abdominal. Ce n’est pas grave, mais ça peut rendre difficile, voire impossible, la poursuite du traitement. Pour ce qui est de la sécurité d’emploi, véritablement, c’est une question fondamentale avec ces médicaments contre l’obésité – on a l’historique du Médiator, du rimonabant, des médicaments amphétaminiques qui entraînent des effets négatifs cardiovasculaires et psychiques – on se rappelle du risque de tentative de suicide avec certains médicaments, d’agitation avec d’autres, donc c’est fondamental. Ici, vraiment, on est rassuré. Sur le plan psychiatrique, rien de négatif ne semble arriver. D’ailleurs, il y a des études qui montrent que c’est possiblement intéressant chez des patients sous psychotropes ― ces fameux psychotropes qui font prendre du poids ― et donc ce ne serait pas une limite d’avoir un problème d’humeur ou un problème psychiatrique.

Autre chose importante : l’effet sur le risque cardiovasculaire. On note une petite augmentation de la fréquence cardiaque, ce qui est connu avec les analogues de GLP-1. Mais avec les résultats des essais sur les GLP-1 chez les diabétiques, on est rassuré. Non seulement ces médicaments ne sont pas délétères, mais ils seraient possiblement bénéfiques pour l’appareil cardiovasculaire. Donc pas d’inquiétude aujourd’hui sur le risque de ces traitements.

En pratique, le liraglutide ne guérit pas l’obésité et n’est pas une alternative à la chirurgie bariatrique, mais je pense qu’il a une place qu’il faut préciser. Pour ma part, aujourd’hui, je ne le préconiserais que dans deux situations :

  • d’abord chez des patients qui ont un suivi nutritionnel spécialisé et qui ont déjà mis en place des changements avec une tendance à la perte de poids – il semble que là, ce soit plus efficace que si on le donne d’emblée chez quelqu’un qui n’est pas en train de perdre du poids. Et dans ce cas, ce sera avec un suivi au long cours avec, on l’espère, une perte de poids de 5-6 % qui s’additionne au suivi usuel qui, déjà, en lui-même, permet d’obtenir à peu près la même perte de poids.

  • la deuxième indication pour moi, dans ma pratique quotidienne, ce sera chez des patients qui doivent maigrir rapidement, par exemple pour une intervention chirurgicale. Là c’est en association avec un régime relativement restrictif. Quand le but est d’obtenir 10 %, 15 %, voire 20 % de perte de poids rapidement, il me semble que c’est raisonnable. Ce qui se passe après la chirurgie, c’est un autre problème. Mais dans cette situation, je pense que cela peut être une aide.

 
Le liraglutide ne guérit pas l’obésité et n’est pas une alternative à la chirurgie bariatrique, mais je pense qu’il a une place qu’il faut préciser.
 

Il reste un problème avec ce médicament, c’est son prix, puisqu’il coûte environ 300 € par mois. Clairement, cela établit une fracture entre ceux qui pourront et ceux qui ne pourront pas s’offrir ce médicament. À ce problème-là, je n’ai pas de réponse.

L’embolisation artérielle gastrique

Il existe un autre traitement efficace pour la perte de poids que je voudrais mentionner, c’est l’embolisation artérielle gastrique. Vous la connaissez certainement, vous en avez entendu parler dans le cadre des hémorragies digestives. C’est un traitement qui a peut-être de l'avenir : il consiste à envoyer des petites billes dans le système artériel gastrique pour provoquer une ischémie du fundus et diminuer ainsi la production de ghréline. Les premières études cliniques montrent que cela a un effet bénéfique sur la faim, sur la satiété, et que cela entraîne une perte de poids de l’ordre de 6 %, maintenue à 12 mois ― 6 % en plus de l’effet que l’on a avec la prise en charge hygiénodiététique usuelle. C’est peut-être un traitement d’avenir, disponible dans pas si longtemps, et je pense qu’on aura l’occasion d’en reparler.

Je vous remercie de votre attention et je vous dis à très bientôt sur Medscape.

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....