POINT DE VUE

Maladies thyroïdiennes : quelle alimentation recommander ?

Pr Boris Hansel

Auteurs et déclarations

19 avril 2021

TRANSCRIPTION

Que faut-il manger pour préserver la thyroïde ? C’est une question fréquente des patients qui présentent des nodules thyroïdiens, des goitres ou encore des hypothyroïdies. C’est également une question de la part de patients qui veulent prévenir la survenue de ces problèmes quand ils savent qu’il y en a beaucoup dans leur famille.

Il existe un certain nombre de données scientifiques établissant des relations entre certains aliments ou micronutriments et la survenue ou le développement des problèmes thyroïdiens.

Assurer un apport iodé suffisant

La première recommandation qui vient à l’esprit est d’assurer un apport iodé suffisant. On sait que les goitres sont fréquents dans les zones de carence iodée et qu’ils sont même la cause de goitres et d’hypothyroïdies, parce qu’on sait que la thyroïde utilise l’iode pour fabriquer les hormones thyroïdiennes et qu’en cas de manque d’iode, elle se met à s’hypertrophier pour essayer de compenser et produire quand même des hormones. Et si ce n’est pas suffisant, on passe en hypothyroïdie.

On sait également — et c’est une bonne nouvelle — que la correction des carences iodées prévient les goitres et les hypothyroïdies dans les zones de carence iodée. Aujourd’hui, la recommandation en France est d’apporter 150 µg d’iode alimentaire par jour. Est-ce qu’on peut apporter ces 150 µg avec une alimentation équilibrée ? Oui, mais attention, tout de même… Je vous donne quelques exemples d’aliments qui sont des bons contributeurs de l’apport en iode :

  • le sel iodé (c.-à-d. le sel supplémenté en iode — ce n’est pas obligatoire en France, mais c’est possible). 1 g de sel fournit 20 µg d’iode.

  • les produits de la mer, comme les poissons, apportent 150 à 200 µg d’iode pour 100 grammes ; les crevettes sont également riches en iode.

  • les œufs : 50 µg pour 100 g.

  • les produits laitiers, notamment le lait qui apporte 15 µg d’iode pour 100 ml.

 
La recommandation en France est de 150 µg d’iode alimentaire par jour.
 

De l’iode, il y en a un peu partout, mais je vous ai ici mentionné essentiellement des produits d’origine animale et qu’on ne devrait pas consommer en excès. On ne peut pas augmenter la consommation de poisson au-delà de ce qui est recommandé (deux fois par semaine), ni celle des produits laitiers, ni la consommation d’œufs. Et je ne parle même pas du sel — on ne va pas préconiser de consommer 5 ou 6 g de sel par jour pour avoir suffisamment d’iode !

Donc attention à l’équilibre alimentaire en général, et en particulier chez les personnes qui ne mangent aucun produit d’origine animale. Il y a alors une possibilité : consommer des algues, mais là encore, attention ! Certaines algues contiennent plus ou moins d’iode et les surdosages en iode avec certaines algues peuvent conduire à des pathologies, notamment à l’hyperthyroïdie.

Un chiffre à retenir concernant les femmes : on estime qu’à peu près 40 % des femmes en âge de procréer sont en dessous des apports recommandés. Il est fondamental de le savoir, parce que chez la femme enceinte, l’apport recommandé est de 200 µg d’iode.

Éviter les aliments goitrigènes ?

La seconde notion concernant la santé de la thyroïde est d’éviter les aliments qui favorisent les goitres. Alors méfiance sur cette recommandation : on cite souvent ce qu’on appelait auparavant les crucifères, c’est-à-dire les brocolis, choux-fleurs, choux, ou encore choux de Bruxelles. On sait que ces aliments peuvent réduire la biodisponibilité de l’iode et donc son utilisation pour la production d’hormones thyroïdiennes. Faut-il pour autant réduire la consommation de ces aliments ? Certainement pas. Sauf quand on est en consommation au-delà du bon sens. Ces aliments sont connus pour leur bénéfice pour la santé en général et pour la prévention des cancers en particulier, donc je pense que ce n’est pas un bon message pour nos patients, même pour ceux présentant des nodules ou un goitre, de conseiller de réduire leur apport en aliments de la famille des choux.

Il y a d’autres interactions qui ont été décrites pour la captation de l’iode : les isoflavones du soja. On sait que ces isoflavones altèrent le fonctionnement d’une enzyme, la thyroperoxydase, qui est nécessaire à la production des hormones thyroïdiennes. Là encore, quand on regarde de près les études, une consommation, même quotidienne, a de petits effets biologiques, mais ne semble pas avoir de répercussions significatives ― avec peut-être une réserve chez les personnes qui sont en hypothyroïdie : il faut faire attention parce que la consommation de soja peut nécessiter une augmentation des doses du traitement substitutif par hormone thyroïdienne. Donc en clair, pas de limitation particulière des apports en soja, mais de toute façon, on sait qu’il faut limiter ces apports pour d’autres raisons, le soja étant un aliment à effets phytoœstrogènes.

 
Chez les personnes en hypothyroïdie : attention à la consommation de soja qui peut nécessiter une augmentation des doses du traitement substitutif par hormone thyroïdienne.
 

Le dernier nutriment qui mérite, à mon sens, qu’on s’y attarde, c’est le sélénium. On a décrit une association entre les goitres / nodules et des concentrations basses de sélénium. Alors on dira : « il faut supplémenter en sélénium. » Toutefois, il n’y a pas aujourd’hui de preuve qu’une supplémentation en sélénium protège la thyroïde. Donc en pratique, il faut avoir un apport suffisant en sélénium, c’est de toute façon justifié, mais à mon sens, il n’est pas justifié de proposer une supplémentation en sélénium pour la prévention des pathologies thyroïdiennes.

 
Il n’est pas justifié de proposer une supplémentation en sélénium pour la prévention des pathologies thyroïdiennes.
 

Enfin, de manière anecdotique, concernant les régimes sans gluten, les régimes pauvres en glucides, des régimes hyper gras : on voit des messages sur leur relation avec les problèmes thyroïdiens – aucune preuve n’est aujourd’hui disponible d’un quelconque intérêt de faire ces régimes pour prévenir ou traiter les maladies thyroïdiennes.

En pratique, retenons la recommandation principale qui est d’avoir un apport en iode suffisant. Cela vaut la peine d’interroger les patients, de les évaluer et d’ajuster éventuellement le régime, si nécessaire.

Si vous voulez en savoir plus sur la thyroïde, nous avons fait une émission sur notre chaîne santé de l’université de Paris PUMS. Elle est disponible sur la chaîne YouTube.

Je vous remercie de votre attention et je vous dis à très bientôt sur Medscape.

Direction éditoriale : Véronique Duqueroy

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