La revue de presse en oncologie

Cancer rénal et urothélial : vers de nouvelles AMM ?

Dr Constance Thibault

Auteurs et déclarations

14 avril 2021

Deux études publiées en mars devraient aboutir très prochainement à de nouvelles autorisations de mise sur le marché, selon le Dr Constance Thibault. Il s’agit de l’enfortumab védotin après chimiothérapie et immunothérapie dans les cancers urothéliaux et la combinaison pembrolizumab + lenvatinib dans cancer du rein métastatique.

TRANSCRIPTION

Bonjour à tous et bienvenue sur Medscape. Je suis le Dr Constance Thibault, oncologue médicale à l’hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris. Aujourd’hui je vais vous parler de deux études de phase 3 qui devraient déboucher sur des autorisations de mise sur le marché de nouvelles molécules. La première va concerner les patients avec des cancers du rein métastatique traités en première ligne [1] et la deuxième concerne les patients avec des carcinomes urothéliaux métastatiques préalablement traités par une chimiothérapie et une immunothérapie. [2]

Étude CLEAR : avantage du pembrolizumab + lenvatinib vs le sunitinib dans le cancer du rein

La première étude, qui s’appelle CLEAR [1], concerne les patients avec un cancer du rein métastatique. Elle évaluait une combinaison de traitements en première ligne par rapport au traitement standard antérieur qui était le sunitinib. Comme vous le savez, il y a déjà plusieurs études qui ont évalué des combinaisons de traitements en comparaison au sunitinib dans cette indication. Il y avait l’étude CHECKMATE 214 qui évaluait le nivolumab plus l’ipilimumab, et l’étude KEYNOTE 426 qui, cette fois-ci, évaluait le pembrolizumab, donc une immunothérapie, en association à l’axitinib, un antiangiogénique. Plus récemment, l’étude CHECKMATE 9ER évaluait le nivolumab en association au cabozantinib, un autre antiangiogénique.

CLEAR est donc la quatrième étude à évaluer une combinaison de traitements dans la première ligne métastatique en comparaison au sunitinib et elle a la particularité d’évaluer deux associations.

L'étude comportait à trois bras :

  1. le bras standard, avec le sunitinib

  2. un bras avec le pembrolizumab + le lenvatinib, qui est un antiangiogénique qui n’est pas donné actuellement en France dans les cancers du rein métastatiques, mais qui l’est dans d’autres indications, notamment de cancer de la thyroïde

  3. le lenvatinib en association avec l’évérolimus, qui est un inhibiteur de mTOR, qu’on connaît bien dans cancer du rein métastatique, mais qu’on utilise désormais très peu grâce aux avancées et à l’arrivée de l’immunothérapie et plus récemment d’autres nouveaux antiangiogéniques.

CLEAR était une étude de phase 3 incluant un peu plus de 1000 patients, environ 350 dans chacun des trois bras. Elle avait pour critère de jugement principal la survie sans progression, sachant que le taux de réponse objective et la survie globale étaient des critères de jugement secondaires. Les patients inclus avaient un bon pronostic pour environ 30 % d’entre eux, un pronostic intermédiaire chez un peu plus de 50 % d’entre eux et un mauvais pronostic selon le score de Heng chez environ un peu moins de 10 % des patients.

Résultats : Concernant le critère de jugement principal, qui est la survie sans progression, il y avait un net avantage en faveur de l’association pembrolizumab + lenvatinib en comparaison au sunitinib, étant donné qu’on passe de 9,2 mois à 23,9 mois, donc avec un hazard ratio à 0,39, un p nettement significatif ; Il y avait un bénéfice aussi en survie globale en faveur de cette association, avec des médianes de survie globales qui ne sont pas atteintes, mais un hazard ratio à 0,66 et là encore un p très significatif à 0,005. Concernant le taux de réponse objective sous cette association, là encore il y a un net avantage de l’association pembrolizumab + lenvatinib, le taux de réponse objective étant de 71 % versus 36 % sous sunitinib avec, tout de même, 16 % de réponse complète sous la combinaison de traitement et seulement 5 % de patients qui vont progresser d’emblée, alors qu’on est à 14 % dans le bras sunitinib. Concernant les données d’efficacité de l’autre association (lenvatinib plus évérolimus) il y a eu un bénéfice en termes de survie sans progression, mais pas en terme de survie globale, donc je ne me pencherai pas sur ces données-là, étant donné que cela ne devrait pas aboutir à une autorisation de mise sur le marché.

Concernant la tolérance, il n’y a pas de grosses surprises. C’est quand même une combinaison qui est un peu toxique, en très grande partie lié à la toxicité de l’antiangiogénique, donc du lenvatinib. Les principaux effets secondaires étaient l’hypertension, la diarrhée, les dysthyroïdies, l’anorexie, et il y a quand même eu un tiers des malades qui ont dû arrêter une des deux molécules, voire les deux molécules de la combinaison lenvatinib + pembrolizumab. Deux tiers des malades ont eu besoin d’avoir une adaptation de dose du lenvatinib. C’est un profil de tolérance qu’il faudra apprendre à gérer, mais on est quand même déjà familier avec les effets secondaires de l’immunothérapie et des antiangiogéniques. On espère que cette association de traitements aboutira à une autorisation de mise sur le marché dans les prochains mois, ou en tout cas dans l’année à venir, sachant qu’actuellement en France, on a la chance d’avoir déjà deux associations de traitements qu’on peut proposer à nos malades : le nivolumab + l’ipilimumab et le pembrolizumab + l’axitinib. Donc il est très que dans les mois à venir on pourra prescrire l’association pembrolizumab + lenvatinib, si cette association obtient une AMM.

 
Il est très probable que dans les mois à venir on pourra prescrire l’association pembrolizumab + lenvatinib.
 

EV-302 : l’enfortumab védotin dans le carcinome urothélial métastatique

La deuxième étude, EV 302 , [2]  évaluait l’enfortumab védotin en troisième ligne de traitement chez les patients avec un carcinome urothélial métastatique après une chimiothérapie à base de sels de platine et après une immunothérapie, donc un anti PD-1 ou PD-L1. L’enfortumab védotin fait partie d’une nouvelle classe qui a le vent en poupe en ce moment dans différentes indications en oncologie, que sont les anticorps conjugués. Elle a la particularité d’associer un anticorps qui va cibler, pour enfortumab védotin, la nectine-4, qui est un antigène surexprimé dans un certain nombre de cancers — et c’est le cas du carcinome urothélial — et cela représente la très grande majorité des patients avec un carcinome urothélial, raison pour laquelle on ne va pas sélectionner les patients sur la surexpression de la nectine-4, parce qu’elle va quasiment tous les concerner. Associé à cet anticorps qui cible la nectine-4, se trouve un cytotoxique, qui est un poison du fuseau, MMAE, qui va être relargué dans la cellule tumorale et induire ainsi la mort cellulaire.

Les résultats des études de phase 1 et 2 étaient déjà assez encourageants, donc on attendait avec impatience les résultats de cette étude de phase 3, en troisième ligne de traitement, ce d’autant plus qu’on a très peu d’alternatives thérapeutiques à ce stade-là. C’était une étude qui comparait l’enfortumab védotin à la chimiothérapie et la chimiothérapie pouvait être soit le docétaxel, soit le paclitaxel, soit la vinflunine – c’était laissé libre choix à l’investigateur, mais au sein d’un même centre il fallait que ce soit une seule de ces trois molécules, et toujours la même. L’enfortumab védotin était administré de façon hebdomadaire au rythme de J1, J8, J15, une pause à J21 et une reprise à J28. Le critère de jugement principal de l’étude était la survie globale. Au total, il y a eu un peu plus de 600 patients qui ont été inclus — environ 300 dans chacun des bras — avec un âge médian de 68 ans et une très grande majorité de patients (quasiment les trois quarts) avaient des métastases viscérales, donc c'étaient des patients avec des maladies agressives et un pronostic moins bon.

Résultats : Après un suivi médian d’à peu près un an, il y avait une différence statistiquement significative en faveur de l’enfortumab védotin en termes de survie globale qui, je le rappelle, était le critère de jugement principal, étant donné qu’on était à neuf mois sous la chimiothérapie et à 13 mois sous enfortumab védotin, avec une diminution du risque de décès de 30 %, un hazard ratio à 0,70 et un p significatif. Donc ces résultats nous montrent que parmi les patients qui ont été inclus dans cette étude, à 12 mois du début de leur troisième ligne de traitement, la moitié étaient encore vivants après un an : ce sont des résultats jusqu’à maintenant jamais rapportés. Et quand on regarde l’analyse en sous-groupes, on a l’impression que l’ensemble des patients semble tirer un bénéfice du traitement par enfortumab védotin. En termes de taux de réponse objectif, là encore, c’est très intéressant, vu que sous chimiothérapie on avait 18 % et sous enfortumab védotin 40 %.

Concernant les effets secondaires, contrairement à ce qu’on aurait pu penser avec une thérapie très ciblée, il y a quand même des effets secondaires et un peu de toxicité, mais qui est celle, finalement, d’une chimiothérapie. Donc soit on les connaît déjà, soit on pourra apprendre à les gérér. Dans les effets secondaires un peu spécifiques de cette molécule, on a des toxicités cutanées et notamment des rashs qui sont rarement très sévères, mais qui ont concerné à peu près 16 % des patients et qui sont le plus souvent réversibles à l’arrêt du traitement ou en baissant la dose. Il y a de la neuropathie, notamment de la neuropathie sensitive, qui va concerner presque la moitié des patients. Donc là, vigilance, avec nécessité de baisser la dose ou d’espacer les doses dès qu’on approche d’une toxicité de grade 2. Et puis un effet secondaire qu’on s’explique un peu moins bien, qui est l’hyperglycémie, qui va concerner peu de patients — 6 % des patients — mais qu’il faudra surveiller, notamment chez ceux qui sont connus pour être diabétiques. En tout cas, il n’y avait pas plus d’effets secondaires de grade 3 chez les patients traités par enfortumab védotin que chez ceux traités avec les autres chimiothérapies.

Les résultats de cette étude devraient donc positionner l’enfortumab védotin comme le nouveau standard de traitement en troisième ligne de traitement dans les carcinomes urothéliaux métastatiques préalablement traités par chimiothérapie à base de sels de platine et immunothérapie. On espère et on croit que cela devrait déboucher sur une autorisation de mise sur le marché et d’ici là sur une autorisation temporaire d’utilisation, afin que nos patients puissent en bénéficier le plus rapidement possible, étant donné le peu d’alternatives thérapeutiques que nous avons à leur proposer à ce stade de la maladie.

 
Les résultats devraient positionner l’enfortumab védotin comme le nouveau standard de traitement en 3e ligne de traitement dans les carcinomes urothéliaux métastatiques préalablement traités par chimiothérapie à base de sels de platine et immunothérapie.
 

À bientôt sur Medscape !

 

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