« Plus d’un million de patients se rendront aux urgences ou à l’hôpital en raison du COVID long », prévient le Pr Frédéric Adnet, interrogé par le Pr Dominique Savary. Incidence, physiopathologie, prise en charge, mortalité : le point sur les données actuelles des symptômes prolongés du COVID-19.
TRANSCRIPTION
Dominique Savary – Bonjour à tous, je suis Dominique Savary, je travaille au centre hospitalier universitaire d’Angers, au département de médecine d’urgence et je suis très heureux d’accueillir le Pr Frédéric Adnet de Bobigny qui me rejoint sur Medscape pour évoquer un sujet qu’il a présenté au congrès Urgences SFMU 2021 sur le COVID long.
Comment définit-on le COVID long ?
Frédéric Adnet – Le COVID long a été bien défini dans la littérature : c’est la persistance de symptômes au-delà de six semaines après le début de l’entrée dans la maladie. Donc un patient qui a des symptômes six semaines après les premiers symptômes est défini comme un patient qui a le COVID long.
Dominique Savary – L’incidence devrait être assez importante en France, n’est-ce pas ?
Frédéric Adnet – Non seulement en France, mais aussi au niveau mondial. On considère actuellement que selon les différentes études, 10 % des patients qui ont eu une PCR positive auront des symptômes de type COVID long et qu’environ 30 % des patients qui ont été hospitalisés pour COVID auront des symptômes entrant dans le cadre du COVID long, ce qui représente, rien que pour la France, une cohorte de plus d’un million de patients qui vont fréquenter l’hôpital via les urgences ou aller directement dans des services d’hospitalisation classiques.
Dominique Savary – Quelle est la physiopathologie de ces symptômes persistants ?
Frédéric Adnet – Il y a plusieurs hypothèses :
La première est que le virus demeure quiescent dans des organes profonds comme le foie, le rein, le cerveau, voire le cœur, et ce virus est toujours quiescent et actif et peut réveiller le système immunitaire.
Deuxième hypothèse, il s’agit d’un dérèglement du système immunitaire qui fait que les patients ont toujours un syndrome inflammatoire à distance de la maladie, sans qu’il y ait eu de résurgence du virus, donc un système inflammatoire qui se nourrit lui-même et qui perdure, alors que le virus a été complètement évacué.
Enfin – et cela ne doit pas être ignoré – c’est un taux de réinfection qui sera de plus en plus fréquent avec l’apparition des variants et de nouveaux variants qu’on ne connaît pas encore. Ce taux de réinfection, qu’on considérait comme anecdotique à la fin de la première vague, est quelque chose de plus en plus fréquent et que l’on observe.
Donc ce qui est sûr, c’est qu’on assiste à des phénomènes en lien avec un état inflammatoire qui perdure, que le virus soit présent ou non.
Dominique Savary – Quels sont les symptômes du COVID long qui vont amener les patients à consulter dans nos services d’urgence ?
Frédéric Adnet – Il y a deux grands types de symptômes : organiques et – il ne faut pas le négliger – plutôt psychologiques, voire psychiatriques, puisqu’on considère que, selon une étude, environ 30 % des patients ont à six mois une symptomatologie neurologique ou psychiatrique. Donc il va y avoir des décompensations psychiatriques ou psychologiques, et aussi des symptômes plus organiques.
Parmi les motifs de recours des patients COVID long qui viennent aux urgences, on a d’abord la dyspnée qui persiste et qui s’acutise lors d’efforts, des problèmes de fièvre persistante, des problèmes d’asthénie persistante très importants, et qu’on trouve mêlés à d’autres motifs de recours qu’on connaît bien comme les céphalées, les myalgies, les douleurs thoraciques, les palpitations. Ce sont tous des symptômes fréquents lors du COVID long.
Dominique Savary – Pour ne pas passer à côté de tous ces symptômes, quel bilan doit être effectué chez un patient qui se présente avec un COVID long ?
Frédéric Adnet – Les Anglais ont commencé à publier les premiers guidelines pour guider les médecins qui prennent en charge ces patients COVID long. Le bilan biologique et d’imagerie recherchera en premier une pathologie en lien avec un syndrome inflammatoire ou un syndrome thrombo-embolique. Je mets de côté tout ce qui est psychiatrique.
Quel sera ce bilan ? Bien évidemment on va faire la NFS, la CRP, la troponine à la recherche de l’inflammation péricardique, puisqu’il y a des péricardites à distance du COVID long ; bien sûr des D-dimères, puisqu’on va traquer la maladie thrombo-embolique. Après, le bilan d’imagerie : la radio thorax, mais au moindre doute d’un événement thrombo-embolique, on fera, bien sûr, l’angioscan. Il ne faut pas oublier qu’il faudra faire systématiquement une PCR chez ces patients, car encore une fois, le taux de réinfection va devenir sûrement plus fréquent que ce que l’on observe aujourd’hui.
Dominique Savary – On comprend bien ces symptômes qui conduisent à l’urgence : la dyspnée, la douleur thoracique, mais j’imagine qu’il y a tout un tas de séquelles qui pourraient être vues en consultation autres que l’urgence.
Y-a-t-il des consultations par d’autres spécialités qui vont se monter à Paris pour les patients avec un COVID long ?
Frédéric Adnet – Oui. On commence à faire des consultations systématiques chez les patients qui ont des COVID, et d’autant plus que le COVID a été sévère. Ce sont surtout des explorations fonctionnelles respiratoires, puisque la hantise de nos pneumologues est que les pneumopathies à COVID se transforment à long terme en fibroses. C’est un scanner et surtout des explorations fonctionnelles respiratoires, en particulier la DLCO, qui va mesurer s’il y a un certain degré de fibrose dans les images qu’on pourrait récupérer à long terme, au scanner.
Dominique Savary – Va-t-on créer une filière particulière pour ces COVID longs ? À Bobigny, comment va-t-on s’organiser ?
Frédéric Adnet – Oui. Avec le service de médecine infectieuse, nous avons commencé à valider un parcours pour ces patients. Donc, c’est une exploration à trois mois et à un an chez tous les patients COVID qui ont été hospitalisés.
Dominique Savary – En termes de mortalité, que sait-on sur ces COVID longs ?
Frédéric Adnet – Il y a beaucoup d’études qui ont été publiées. On observe une surmortalité des patients qui ont eu le COVID par rapport à des groupes témoins. On peut utiliser deux types de groupes témoins : soit des patients qui ont eu une infection respiratoire de type grippal non COVID, soit la population générale. Mais dans ces deux types d’études, on retrouve une surmortalité chez les patients COVID – une surmortalité à un an qui est extrêmement importante, puisqu’elle est de l’ordre, dans une étude, de 18 %.
Dominique Savary – Merci Pr Adnet pour ces détails qui sont extrêmement précieux pour les urgentistes qui vont avoir à accueillir ces patients et pour les médecins spécialistes qui vont avoir à traiter ces COVID longs. Je vous remercie et je vous dis à bientôt sur Medscape.
Frédéric Adnet – Merci beaucoup! Merci de m’avoir invité.

Dessin Héloïse Chochois : Des symptômes qui persistent
Direction éditoriale : Véronique Duqueroy
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Citer cet article: COVID long : les données actuelles - Medscape - 10 juin 2021.
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