Faire un arrêt cardiaque quand on est infecté par le COVID-19 augmente fortement le risque de décès

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

22 février 2021

Suède — Infection par le Covid-19 et arrêt cardiaque font très mauvais ménage. C’est ce que démontre une étude de registre suédoise - la première à s’intéresser de près aux patients présentant ces deux pathologies. Les résultats, portant sur la première vague pandémique de 2020, montrent en effet que les patients infectés par le Covid-19 ayant fait un arrêt extra-hospitalier ont un risque de décès dans les 30 jours multiplié par 3,4, [IC95% : 1,31–11,64], tandis que ceux qui ont fait un arrêt dans l’établissement de soin avaient un risque de décès augmenté de 2,3 [IC95% : 1,27–4,24]. En comparant la période pandémique à la période pré-pandémique de début 2020, les auteurs observent un risque 2,3 fois plus élevé de décès dans les 30 jours, chiffre majoritairement tiré par les femmes, qui ont un risque 9 fois plus élevé de mourir après un arrêt cardiaque à l’hôpital, selon ce travail publié dans le European Heart Journal [1,2].

Pour le premier auteur, le Dr Pedram Sultanian, un doctorant de l’Université de Göteborg (Suède) : « Notre étude montre clairement qu’arrêt cardiaque et COVID-19 forme une combinaison mortelle. Les patients atteints du coronavirus doivent être surveillés activement et des mesures doivent être prises pour prévenir l’arrêt cardiaque, par exemple en monitorant le cœur de façon continue chez les patients à haut risque. »

Un taux de décès élevé

Les chercheurs se sont basés sur les données issues du Registre suédois des réanimations cardiopulmonaires (SRCR), qui a commencé à collecter les données sur le Covid-19 à partir du 1er avril 2020. Pour leur étude, les auteurs ont inclus tous les arrêts cardiaques du registre survenus entre le 1er janvier et le 20 juillet 2020, et ont divisé les patients en un groupe pré-pandémique (avant le 16 mars) et un groupe pandémique (du 16 mars au 20 juillet).

L’étude a inclus 1946 personnes souffrant d’un arrêt cardiaque extra-hospitalier (ACEH) et 1080 ayant fait un arrêt au sein de l’hôpital (ACIH) entre le 1er janvier et le 20 juillet 2020. La moyenne d’âge était de 69 ans, avec environ 35% de femmes.

Pendant cette première vague épidémique, l’infection à Covid-19 a été retrouvée chez au moins 10% (88 sur 877) de tous les arrêts extra-hospitaliers et 16% (72 sur 446) des arrêts hospitaliers. Un total de 1746 patients (89,7%) des patients ACEH sont décédés et 680 (63,0%) des ACIH.

Concernant les arrêts extra-hospitaliers, soit 930 cas avant la pandémie et 1016 cas pendant dont 422 avec des données sur le statut Covid-19, le taux de patients sortis vivants de l’hôpital est passé de 38,9% en période pré-pandémique à 33,0% en période pandémique. Au 20 juillet 2020, aucun patient infecté par le Covid-19 n’était sorti de l’hôpital en vie (vs 36% des patients non infectés), seulement 4 patients (4,5%) avaient survécu à 30 jours, et 83,4% de ces patients Covid étaient morts dans les 24 heures.

Un risque de décès intra-hospitalier élevé chez les femmes infectées

Les arrêts intra-hospitaliers ont été au nombre de 532 cas avant la pandémie et 548 cas pendant dont 347 avec des données sur le statut Covid-19. Parmi ces patients, ceux qui étaient positifs au Covid ont présentés les plus mauvaises courbes de survie, puisque 60,5% sont décédés dans les 24 heures. La probabilité de survie à 30 jours (après ajustement) était là encore la plus basse chez les patients Covid-19 + (23,1% vs 39,5% pour les non Covid), tandis que les patients non infectés par le Covid-19 présentaient un taux de survie légèrement plus élevé (39,5%) que les cas survenus pendant la période pré-pandémique (36,4%). 

A noter qu’aucune différence de temps de prise en charge (arrivée des secours/alerte réanimation, défibrillation) n’a été noté dans les arrêts extra-hospitaliers et intra-hospitaliers entre les différentes périodes (pré-pandémique/pandémique) et statut Covid (+/-).

Au final, la comparaison entre la période pré-pandémique et les cas de Covid-19 indique un triplement du risque de décès total après un arrêt cardiaque extra-hospitalier, avec un accroissement multiplié par 4,5 chez les hommes et par 3 chez les femmes. Quant au risque de décès intra-hospitalier, il a plus que doublé, avec une augmentation de moitié chez les hommes et un risque multiplié par 9 chez les femmes.

Méthodes de réanimation CP et surveillance

En recherchant les facteurs pouvant expliquer ces résultats, les auteurs se sont intéressés aux techniques de réanimation mises en œuvre lors des ACEH. Ils ont montré une augmentation de 8,6% de RCP basée uniquement sur les manœuvres de compression pendant la pandémie puisque les personnes qui ont bénéficié de compressions sur la poitrine et d’un bouche-à-bouche sont passés de 33% en période pré-pandémique à 23% durant la pandémie. Les auteurs précisent qu’en mars dernier, des recommandations émises par le Conseil européen de réanimation et le Conseil suédois de réanimation demandaient aux témoins d’éviter le bouche-à-bouche en cas de suspicion d’infection au Covid.

A ce propos, le Dr Araz Rawshani, médecin, chercheur à l’Université de Göteborg et dernier auteur de l’étude a commenté : « bien que de précédentes études aient montré que la compression cardiaque par les témoins était aussi efficace que la combinaison compression et ventilation, il se peut que cela ne s’applique pas dans le cas de l’infection à Covid-19, étant donné que ces patients souffrent au départ d’une insuffisance respiratoire. Sachant que le Covid-19 se transmet par les gouttelettes, les témoins doivent éviter le bouche-à-bouche en accord avec les recommandations. Il n’y a pas de réponse unique et unanime sur la façon dont la société et les professionnels de santé doivent s’adapter à ce problème ».

Il a ajouté: « l’étude montre également que les patients positifs au Covid étaient moins nombreux à être surveillés par électrocardiogramme, alors que cette surveillance peut potentiellement sauver des vies en donnant l’alerte immédiatement. Nous pensons que ces patients devraient être monitorés par un ECG et pour la saturation en oxygène, afin de reconnaitre rapidement une arythmie cardiaque ou un déclin de l’oxygénation. » 

 

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