Prévention des cancers: une journée d’information pour patients à haut risque

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

15 février 2021

Villejuif, France – Identifier les personnes à haut risque de cancer, les informer et personnaliser les actions de prévention. Voici les objectifs du programme inédit Interception de Gustave Roussy. Présentation.

Dépister plus tôt, soigner plus vite

Aujourd'hui 30 à 40 % des cancers se développent chez des personnes qui auraient pu être identifiées comme étant à haut risque dans les années précédentes. C'est la détection de ces personnes qui permettra d'enrayer la progression des cancers, et notamment ceux de mauvais pronostic. Le Dr Suzette Delaloge (oncologue, Gustave Roussy) en est persuadée. Pour elle, l'oncologie de demain devra s'appuyer sur la détection et la prévention personnalisées. L'idée : «  se donner le maximum de chances de dépister plus tôt pour mieux guérir les cancers et avec moins de séquelles ». Intercepter le cancer en somme. D’où le tout nouveau programme Interception mis en place par l'oncologue et voué à essaimer sur le territoire. Pendant une journée, toute personne identifiée par son médecin de ville comme étant à haut risque de développer un cancer se voit proposer une journée à Gustave Roussy. L'objectif est de dépister plus tôt, de soigner plus vite et d'augmenter les chances de guérir avec moins de séquelle. Description.

Le rôle du médecin de ville

Tout commence lors d'une consultation chez le médecin généraliste. « Un calculateur en ligne est mis à la disposition des médecins de ville. Deux minutes sont nécessaires pour remplir le questionnaire et un calcul de score se fait automatiquement » explique le Dr Olivier Caron, oncogénéticien qui participe à ce programme. Il souligne la facilité d'utilisation de ce calculateur.

Le calculateur prend en compte les prédispositions héréditaires, la présence de lésions pré-cancéreuses, l’exposition forte à certains toxiques (tabac, exposition professionnelle)... Lorsqu’un risque augmenté de cancer est repéré, le médecin peut inscrire son patient ou sa patiente à une journée Interception.

Tout médecin intéressé peut rejoindre le réseau sans restriction géographique même si aujourd'hui les médecins du réseau sont majoritairement franciliens. Il suffit d'envoyer un mail à l'adresse suivante : interception@gustaveroussy.fr.

Un parcours, une journée

En janvier, les premiers participants au programme Interception ont poussé les portes d'un espace flambant neuf sur le site de Gustave Roussy mais situé dans un bâtiment en dehors de l'hôpital. 

Une personne identifiée à risque augmenté de cancer peut participer si elle le souhaite à une journée entière où elle rencontrera différents intervenants. Pour l'instant, en attendant que d'autres s'organisent, quatre parcours sont disponibles : cancer du sein (lundi), cancer du poumon et ORL (mercredi), cancer de l'enfance (vendredi) et cancer colorectal (vendredi).

Pour les cancers de l'enfance, il s'agit de personnes ayant été traitées pour un cancer pendant l'enfance et présentant de ce fait un risque augmenté de développer une autre pathologie cancéreuse.

« Lors de cette journée pendant laquelle une infirmière de coordination guide les patients tout du long, il y a à la fois des consultations médicales individuelles et des ateliers d'information en petit groupe de 6 à 10  personnes ayant le même profil de risque » explique Olivier Caron.

« Cette journée m'a apporté beaucoup d'informations. Dans les groupes, des questions que je me posais ont été soulevées et d'autres auxquelles je n'avais pas pensé m'ont apporté des éléments d'informations » témoigne Virginie qui en raison de son histoire familiale de cancer du sein a été l’une des premières participantes. Ces groupes permettent d'informer sur la maladie, d'apprendre à détecter des signaux évocateurs et de savoir comment réagir, mais aussi de sensibiliser à l'importance du dépistage. Il s'agit que ces patients sachent que pour eux la décision de participer au dépistage organisé (sein, colorectal et peut-être poumons bientôt) est particulièrement importante.

Et après ?

A la fin de la journée, les patients repartent avec un programme de prévention personnalisé détaillé au cours d'une dernière consultation de synthèse. Celle-ci permet d'expliquer les risques spécifiques, de donner des conseils de nutrition et d'activité physique. Le suivi est assuré par le médecin de ville.

« Devant un risque augmenté de cancer du poumon, on va bien sûr insister sur le sevrage tabagique, mais peut-être qu'on proposera aussi que le patient fasse un scanner faible dose chaque année » indique le Dr Lucie Véron (gynécologue médicale, Gustave Roussy). Elle ajoute :  « si le risque est augmenté pour le cancer du sein, on pourra proposer de faire réaliser une mammographie ou une IRM annuelle, mais aussi de modifier le profil nutritionnel de la patiente ».

« Et s'il y a la moindre alerte, c'est-à-dire des signaux inquiétants, nous nous engageons à recevoir le patient immédiatement à Gustave Roussy pour des examens complémentaires et la mise en place rapide d'un traitement si nécessaire » souligne Olivier Caron.

Valider scientifiquement l'expérience

Qu'attendre d'un tel programme ? Pour le savoir, la Dr Delaloge y a dès le début adossé une dimension « recherche ».

« Notre volonté est de créer une infrastructure reproductible » explique Suzette Delaloge. « Nous pensons que c'est un mode de prévention du futur » justifie-t-elle. D'ici deux à trois ans, elle espère avoir un niveau de preuve minimum quant à la possibilité de monter un réseau médecine de ville-hôpital, comme ici, et sur la satisfaction des patients par rapport à cette journée.

Par ailleurs, il est proposé à ceux qui participent à une journée Interception d'intégrer une cohorte de personnes à haut risque de cancer. Grâce à cette cohorte, les chercheurs espèrent, entre autres, aider à l'identification de nouveaux biomarqueurs de risque et à la compréhension du rôle de l’immunité et du microbiote. Un volet psychosocial est également prévu.

Enfin, pour savoir si participer à la journée Interception a un impact positif sur la santé, le devenir des participants sera comparé avec celui d'une cohorte parallèle de comparaison issue des grandes cohortes françaises actuelles (4N, Constance).

 

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