Monde – Face à un virus doté d'une capacité évolutive significative, se pose la question de l'efficacité des vaccins. Faut-il craindre une perte d'efficacité et l'accepter ou les laboratoires sont-ils condamnés à remettre sans cesse leur travail sur le métier à l'image de ce qui se fait pour le vaccin contre la grippe ? Des données rassurantes ont déjà été fournies pour le vaccin à ARNm Moderna face au nouveau variant SARS-CoV-2 B.1.1.7 (comprenez le variant britannique) et la revue Science publie dans son numéro du 29 janvier, les données d'efficacité du BNT 162b2 (comprenez le vaccin BioNTech-Pfizer). Mais le coronavirus n'a pas dit son dernier mot…
Quelle efficacité face aux variants ?
Le variant britannique baptisé SARS-CoV-2 B.1.1.7 ou "Variant of Concern 202012/01" (VOC) est apparu fin 2020. Il présente 17 mutations dans le génome viral avec 8 localisées dans la protéine Spike dont la mutation N501Y, synonyme d'une augmentation de la contagiosité. D'où ces légitimes interrogations quant à l'efficacité des nouveaux vaccins Moderna et BioNTech-Pfizer. Le laboratoire Moderna a déjà répondu le 25 janvier en publiant les résultats d'une étude menée en collaboration avec le Vaccine Research Center du NIAID/NIH, montrant que le vaccin induit des anticorps neutralisants contre tous les variants y compris le B.1.1.7 sans différence significative par rapport aux variants antérieurs. Aujourd'hui, c'est le laboratoire BioNTech-Pfizer qui publie dans la revue Science les résultats obtenus sur des échantillons sanguins de 40 personnes dont 26 âgées de 23 à 55 ans et 14 âgées de 57 à 73 ans, ayant reçu les deux doses de vaccin à 21 jours d'intervalle [1].
Peu de différence en titre d'anticorps neutralisants
L'objectif était de vérifier si un nombre important de mutations (de l'ordre de 10 acides aminés) dans la protéine Spike peut affecter l'efficacité mesurée par le titre en anticorps neutralisants. Pour répondre à la question, les chercheurs ont utilisé un pseudovirus VSV-SARS-CoV-2-S à base de la souche de référence Wuhan ou de la protéine Spike du variant B.1.1.7. Ces deux souches ont été mises au contact de serum des sujets vaccinés. Les résultats montrent pour le VSV-SARS-CoV-2-S lignée B.1.1.7. une légère réduction du titre objectivée par le pVNT50 (50% Neutralisation Assay) dans le groupe des adultes jeunes, comparé au titre observé pour le pseudovirus avec la souche Wuhan. Cette réduction ne s'observe pas dans le groupe des adultes plus âgés.
Pas d'inquiétude mais …
Les auteurs en concluent que cette réduction en titre est marginale et n'affectera pas l'activité neutralisante du vaccin. Ils se basent notamment sur des études antérieures sur le vaccin contre le virus influenza, montrant qu'une réduction de 20% du titre in vitro n'induit pas de changement significatif de l'activité neutralisante. Par extrapolation, ils affirment que les taux de neutralisation observés sont tels qu'il est improbable que le variant britannique échappe à la protection conférée par le vaccin BNT 162B2. La limitation de ce travail est l'utilisation d'un pseudo-virus non répliquant et le fait qu'on teste l'efficacité sur une construction de laboratoire et pas en vie réelle. Toutefois, des rapports antérieurs ont montré une bonne concordance entre la neutralisation observée avec ce pseudo-type et celle observée avec le SARS-CoV-2. A souligner que l'analyse se fonde sur l'administration des 2 doses à 21 jours d'intervalle et ne donne pas d'informations sur la neutralisation en cas de dose unique. Ces données sont rassurantes. On voit mal comment le changement de quelques acides aminés pourrait annihiler significativement la réponse immunitaire mais le laboratoire n'exclut pas totalement l'idée que face à l'émergence d'autres mutations, une adaptation du vaccin soit nécessaire, facilitée par la flexibilité de la technologie des vaccins à ARNm.
Concernant le vaccin Astra-Zeneca® (ChAdOx1 nCoV-19), des chercheurs de l’Université d’Oxford ont analysé les réponses immunitaires et l’efficacité du vaccin contre le variant anglais B.1.1.7 par rapport aux autres lignées (Lancet preprint ; 5 Février 2021). Il en ressort que l'efficacité du vaccin contre une infection symptomatique est similaire pour les lignées B.1.1.7 et non-B1.1.7 (74,6% [IC à 95% 41,6-88,9] et 84% [IC à 95% 70,7-91,4] respectivement). Aussi, les patients avec une PCR positive au variant B.1.1.7 avaient une charge virale moins élevée et une durée de positivité plus courte lorsqu’ils étaient vaccinés par le ChAdOx1 nCoV-19. L’efficacité des anticorps générés par le vaccin était moins importante : diminution de la neutralisation d‘un facteur 9 (comparé au non-variant) mais toujours efficace.
Plus inquiétant cependant, selon une étude de l’université de Johannesburg, la protection conférée par le vaccin d’AstraZeneca contre le variant sud-africain (501Y.V2) chute de 66% à 22% contre les formes légères de la maladie (mais avec un vaste intervalle de confiance -49 à 60 %). Un résultat qui laisse présager d’une faible protection contre les formes graves de ce variant. Suite à cette publication, l'Afrique du Sud a annoncé le 7 février suspendre temporairement son programme de vaccination contre le Covid-19 avec le ChAdOx1 nCoV-19.
A noter que, contre le variant sud-africain, l'efficacité du sérum NovaVax contre les formes légères à modérées de la maladie tomberait elle aussi de 89% à 49,4% et celle du vaccin de Johnson &Johnson de 72% à 57 %. Les données d’efficacité des vaccins Pfizer, Moderna, Sinopharm et Gamaleya contre le variant 501Y.V2 ne sont pas encore connues. AL
Sélection naturelle ou instinct de survie ?
Un séquençage à large échelle des génomes révèle que le virus britannique (mutation N501Y) est en train d'acquérir la mutation E484K repérée au niveau de la protéine Spike des variants sud-africain et brésilien [2]. Cette acquisition traduit la forte capacité évolutive du coronavirus qui cherche à contourner notre réponse immunitaire avec pour conséquences, une nouvelle diminution d'efficacité du vaccin, une réduction du titre en anticorps neutralisants post-Covid-19 et un risque de réinfection avec des symptômes sévères.
L’acquisition de cette nouvelle mutation est-elle un hasard de l'évolution ou dérive-t-elle d’un instinct de survie du virus ? La deuxième option semble plus probable puisque ce variant est apparu en pleine 2ème vague au Royaume-Uni et non en territoire « vierge » de mutation. L'augmentation de 40% à 80% du R (nombre de reproduction) est le résultat de l'accumulation rapide de dizaines de mutations dont certaines s'associent jusqu'à trouver la combinaison idéale. A ce stade, l'épidémiologie et la clinique suggèrent que le virus veut gagner en contagiosité mais pas en sévérité ce qui paraît logique s'il veut assurer sa survie.
De quoi sera fait l'avenir ? Difficile de le dire, on peut toujours espérer la survenue de mutations désavantageuses qui feraient bien notre affaire…
Cet article a initialement été publié sur le site MediQuality, membre du réseau Medscape. Complété par Aude Lecrubier
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Citer cet article: Variants du SARS-CoV-2 ou vaccins: qui mène la danse? - Medscape - 11 févr 2021.
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