France — Les enfants atteints du syndrome inflammatoire multisystémique lié à une infection à SARS-CoV-2 (MIS-C ou Kawasaki-like) ont un pronostic nettement amélioré lorsque des corticoïdes sont associés d’emblée au traitement de référence par immunoglobulines polyvalentes (IgIV), selon une étude rétrospective française.
Les résultats de cette étude qui est le fruit d’une collaboration étroite entre des pédiatres de l’AP-HP, des Hospices Civils de Lyon, de l’AP-HM, du CHRU de Strasbourg et de nombreux autres CH français, en collaboration avec Santé Publique France, l’Inserm et des sociétés savantes affiliées à la société française de Pédiatrie, sont publiés dans le JAMA[1].
Pour rappel, dès la fin du mois d’avril 2020, des pédiatres français, anglais et italiens alertaient sur l’apparition d'une nouvelle forme de Covid-19 chez l’enfant ressemblant à une maladie déjà connue des pédiatres appelée maladie de Kawasaki. Elle a été depuis rebaptisée syndrome inflammatoire multisystémique (PIMS ou MIS-C en anglais) avec un traitement empirique alors basé sur celui de la maladie de Kawasaki.

Pr François Angoulvant
« Grâce à un système de déclaration obligatoire auprès de Santé Publique France, tous les cas suspects ont été recensés. Nous en sommes à peu près à 380 cas suspects ou probables de Kawasaki-like qui ont été signalés en France depuis fin avril. On estime qu’à peu près un enfant atteint de Covid-19 sur 10 000 peut faire cette maladie », précise le Pr François Angoulvant (Urgences pédiatriques, Hôpital Necker, Paris) pour Medscape édition française.
« De ce que nous avons constaté, ce sont des formes post-infectieuses qui surviennent 4 à 6 semaines après l’infection par le SARS-CoV-2 avec une très grande majorité de sérologies positives (90%), une médiane d’âge de 9 ans, sans facteurs de risques cliniques particuliers », souligne-t-il.
En raison des symptômes communs entre la maladie de Kawasaki et le MIS-C, les enfants ont été traités de façon empirique avec des immunoglobulines sans que l’on sache vraiment s’il s’agissait du traitement le plus efficace.
« Dans un premier temps nous avons pensé que ces enfants faisaient un Kawasaki sévère et nous les avons pris en charge comme tels en donnant en première intention des immunoglobulines. Les corticoïdes étant réservés à certaines formes sévères. Mais, ce ne sont pas exactement les mêmes symptômes [enfants plus âgés, plus d’atteintes cardiaques, notamment] », précise le Pr Angoulvant.
Pour aller plus loin, les investigateurs ont donc cherché à savoir si l’ajout de corticoïdes en sus des immunoglobulines présentait un avantage en termes d’amélioration des symptômes.
IgIV + méthylprednisolone versus des IgIV seules
Grâce aux données colligées par Santé Publique France, ils ont pu comparer rétrospectivement les résultats des enfants atteints de MIS-C traités avec des IgIV et de la méthylprednisolone versus des IgIV seules.
L’analyse a porté sur 111 enfants souffrant du syndrome MIS-C tel que défini par l’Organisation mondiale de la santé (voir encadré en fin de texte) dont 58 filles. L’âge médian des enfants était de 8,6 ans.
En tout, 94% avaient des manifestations gastro-intestinales et 52 (47%) avaient un dysfonctionnement ventriculaire gauche initial. Au total, 74 enfants (67%) ont été admis d’emblée dans une USIP, 46 (41%) ont reçu une assistance hémodynamique et 29 (26%) ont reçu une assistance ventilatoire. Aucun décès n'a été rapporté.
Parmi les 111 enfants, 100 avaient des résultats positifs au test sérologique ou à la PCR et 11 avaient été en contact avec une personne infectée par le SARS-CoV-2.
En tout, 34 patients ont reçu des immunoglobulines par voie intraveineuse (IgIV) associées à de la méthylprednisolone et 72 ont reçu des immunoglobulines par voie intraveineuse exclusivement (dosage IgIV :2 g/kg pour tous). Cinq enfants n’ont reçu aucun traitement anti-inflammatoire.
Au total, 30 des 34 patients du groupe IgIV et méthylprednisolone ont reçu de la méthylprednisolone à raison de 0,8 à 1 mg / kg toutes les 12 heures (maximum de 30 mg pendant 12 heures) pendant 5 jours; les 4 enfants restants ont reçu un bolus de 15 à 30 mg / kg / j de méthylprednisolone pendant 3 jours.
Sans surprise, les enfants qui avaient reçu les deux traitements étaient ceux qui avaient une présentation plus sévère.
Un meilleur pronostic avec les corticoïdes
Les enfants bénéficiant de la double thérapie ont mieux répondu au traitement : 9 % de non-répondeurs versus 51% chez ceux qui ont reçu les immunoglobulines seules.
Aussi, les patients ayant reçu les corticoïdes ont eu besoin des traitements supplémentaires dans 9% des cas (une deuxième administration d’IgIV pour deux enfants et de l’interleukine-1 pour un enfant). Alors que parmi ceux qui ont reçu les IgIV seules, ils étaient 46% à nécessiter d’autres lignes de traitements.
Le critère primaire d’évaluation, la disparition de la fièvre dans les 48 heures, a été atteint dans 91 % des cas chez les enfants ayant reçu un traitement combinant des IgIV et de la méthylprednisolone et seulement dans 49% des cas pour ceux ayant reçu le traitement par IgIV seules.
Enfin, chez les enfants recevant la combinaison de traitement, il a été moins fréquent d’observer : une défaillance cardiaque (17% vs 36%), la mise en place d’un support hémodynamique (6% vs 24%) et la durée de séjour en réanimation était moins longue (2-5 jours vs 4-8,5 jours).
« Les patients dans le groupe corticoïdes plus immunoglobulines s’améliorent beaucoup plus vite. Aussi, tous les patients ont bien récupéré à 6 mois. A priori, il n’y a pas de séquelles », a souligné le Pr Angoulvant.
« Ces données devraient conduire à un changement de la prise en charge des enfants atteints de cette maladie », selon l’AP-HP[2]. Un avis partagé par le Pr Angoulvant qui indique toutefois « attendre de voir si les résultats seront confirmés par d’autres équipes, d’autres cohortes ».
Définition du MIS-C par l’OMS
Enfants et adolescents de 0 à 19 ans avec fièvre> 3 jours
ET deux des éléments suivants:
Éruption cutanée ou conjonctivite bilatérale non purulente ou signes d'inflammation muco-cutanée (buccale, mains ou pieds).
Hypotension ou choc.
Caractéristiques de dysfonctionnement myocardique, péricardite, valvulite ou anomalies coronariennes (y compris les résultats d'ECHO ou une élévation de la troponine / NT-proBNP),
Coagulopathie (par PT, PTT, d-dimères élevés).
Problèmes gastro-intestinaux aigus (diarrhée, vomissements ou douleurs abdominales).ET
Marqueurs d'inflammation élevés tels que l'ESR, la protéine C-réactive ou la procalcitonine.
ET
Aucune autre cause microbienne évidente d'inflammation, y compris la septicémie bactérienne, les syndromes de choc staphylococciques ou streptococciques.
ET
Preuve de Covid-19 (RT-PCR, test antigénique ou sérologie positive), ou contact probable avec des patients atteints de Covid-19.
Financement / soutien: Cette étude a reçu une subvention sans restriction de Pfizer; le Consortium français sur l’inflammation pédiatrique Covid-19 a reçu des financements de la Square Foundation (Grandir – Fonds de Solidarité pour l’enfance).
Le Dr Javouhey a déclaré avoir reçu des subventions de CSL Behring. Le Dr C. Levy a déclaré avoir reçu des subventions de GlaxoSmithKline, Merck Sharp & Dohme et Sanofi et des honoraires personnels de Pfizer et Merck. Le Dr Cohen a déclaré avoir reçu des honoraires personnels de GlaxoSmithKline, Pfizer, Sanofi et Merck Sharp & Dohme.
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Citer cet article: Kawasaki-like de l’enfant : associer les corticostéroïdes aux immunoglobulines améliore le pronostic - Medscape - 9 févr 2021.
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