Le tabac, un facteur de risque CV genré

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

9 février 2021

Virtuel – Lors des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (eJESFC 2021) , une session commune avec la Société francophone de tabacologie a fait le point sur un facteur de risque CV majeur : le tabagisme. Cela fait bien longtemps que celui-ci ne concerne plus seulement la gent masculine. Mais dès que les femmes fument, les conséquences en sont plus néfastes que chez les hommes. Ce que l'on savait pour le cancer du poumon est vrai aussi sur le plan cardiovasculaire. Explications avec la Dr Caroline Clair (interniste, Université de Lausanne, Suisse), dont les recherches portent sur le tabac et son arrêt mais aussi sur  l’influence du genre et du sexe sur la santé.

Concernant la prévalence du tabagisme, l'évolution est différente chez les hommes et les femmes. Alors que dans les années 1970, le tabagisme concernait encore largement les hommes, la consommation des femmes a décollé quand elles sont devenues les cibles du maketing et la cigarette une preuve de leur émancipation. En conséquence, aujourd'hui, le pourcentage de décès attribuables au tabac chez les femmes rejoint celui des hommes. Aux Etats-Unis, il est même supérieur.

Un risque cardiovasculaire spécifique

La mortalité après un infarctus du myocarde est deux fois plus importante chez les femmes que chez les hommes quelle que soit la catégorie d'âge. Cette différence de mortalité persiste après une angioplastie primaire. D'après les résultats de 2018 d'une cohorte internationale [1], 7,1 % des femmes vont décéder malgré l'intervention contre 3,3% d'hommes.

« Cela signifie que ce n'est pas uniquement une différence de prise en charge mais bien une différence de pronostic lorsque la prise en charge est faite », commente la Dr Carole Clair soulignant la vulnérabilité des femmes sur le plan cardiovasculaire.

Pourquoi un tel surrisque cardiovasculaire par rapport aux hommes ?

Les facteurs de risque classiques – diabète, surpoids, inactivité physique, HTA,... – sont plus importants chez les femmes, rappelle la spécialiste. Quant aux facteurs de risque non traditionnels tels que les maladies autoimmunes ou la dépression, ils touchent davantage les femmes. Chez elles aussi, le diabète gestationnel, une HTA pendant la grossesse ou encore une naissance prématurée sont des facteurs de risque cardiovasculaire à long-terme.

Quid du risque CV conféré par le tabac ? Il est 25 % plus important chez les femmes. Chez les fumeurs, « si l'incidence des infarctus du myocarde est plus élevée chez les hommes, le risque relatif d'infarctus du myocarde est clairement plus élevé chez les femmes, notamment celles de moins de 55 ans » fait remarquer Carole Clair qui avance plusieurs hypothèses d'explication pour ces différences genrées :

  • interaction hormonale : le tabac a une action antioestrogénique ;

  • surface corporelle moindre chez les femmes : cela entraînerait une toxicité plus importante du tabac ;

  • différences de métabolisme des toxiques de la cigarette ;

  • exposition au tabagisme passif : les femmes fumeuses auraient une double exposition.

Et d'autres mécanismes non décrits aujourd'hui sont probablement en cause.

Et quand les fumeuses se sèvrent ?

Malgré le peu de données différenciées selon le genre sur l'arrêt du tabac, une étude de 2018 a montré que l'arrêt du tabac permettait une diminution du risque de décès par maladie cardiovasculaire à cinq ans à la fois chez les hommes et chez les femmes. Même en cas de prise de poids consécutive à l'arrêt du tabac, les bénéfices sur le plan CV demeurent.

La Nurse Health Study[2], qui analyse la santé d'une cohorte de femmes, a montré que le fait de ne pas fumer était le facteur pronostic le plus important en comparaison avec l'IMC ou l'activité physique.

Le tabac, un facteur de risque qui aggrave les autres

Pour les femmes ou les hommes, les facteurs de risque ne peuvent pas être pris séparément les uns des autres. Ils interagissent entre eux. L'existence de plusieurs facteurs de risque majorent le risque. « Le tabac multiplie le risque CV par 3, le diabète par 2,4, les dyslipidémies par 3 » rappelle le Dr Olivier Stora (cardiologue, Nantes ) qui poursuit « et quand on additionne ces facteurs de risque, on multiplie le risque CV. Aussi le risque est-il multiplié par 13 quand un patient présentent trois facteurs de risque, par 42 pour quatre facteurs de risque... ».

Quel est l'impact du tabac sur les autres facteurs de risque CV ?

  • Sur les dyslipidémies : augmentation du LDL-cholestérol et des TG et  diminution du HDL-cholestérol

  • Sur l'HTA : augmentation aigue de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque quand on fume. « Quand on sèvre les patients, on constate une diminution de la PA de 3,5 mm Hg pour la systole et de 2mm de Hg pour la diastole ainsi qu'une diminution de la fréquence cardiaque de 7 battements par minute » explique le cardiologue.

  • Sur le diabète : le tabagisme en lui-même est un facteur d'apparition du diabète.

Quant à l'interaction HTA-diabète, les patients hypertendus et diabétiques ont un risque plus élevé de cardiopathie et de coronaropathie.

 

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