Ircad Africa : bientôt un institut de e-learning et de recherche en cancérologie unique en Afrique

Jean-Bernard Gervais, à Kigali

3 février 2021

 

L’Ircad Africa installé à Kigali est la dernière antenne ouverte de l’institut de recherche sur les cancers digestifs, fondé à Strasbourg par le Pr Jacques Marescaux en 1994. Après l’Alsace, Taiwan, le Liban et le Brésil, le centre d’excellence en chirurgie mini-invasive s’installe en Afrique. Si la Covid a freiné son lancement en 2020, il devrait néanmoins être inauguré dès 2021, avec une spécificité : il s’intéressera à d’autres spécialités comme la gynécologie, la chirurgie générale, l’orthopédie, la neurologie, l’orthorhynolaryngologie, ou l’urologie. Reportage de notre envoyé spécial sur place.

Kigali, Rwanda  C'est, pour le moment, une immense bâtisse en construction. Au loin, du côté de Masaka, à quelques 30 kilomètres du centre-ville de Kigali, capitale du Rwanda, l'on aperçoit un long bâtiment longiligne, qui masque un amphithéâtre, et une fondation en forme de cercle, qui devrait accueillir une immense cafétéria circulaire.

Le chantier de l'Ircad Africa se poursuit. Il devrait être inauguré fin 2021

À proximité de ce chantier, un hôpital de district. Rien à l'horizon, pas âme qui vive, sinon les ouvriers à pied d'œuvre guidés par les ingénieurs en BTP et les chefs de chantier qui devraient faire sortir de terre, d'ici le mois d'octobre 2021, le premier institut de recherche sur les cancers digestifs (Ircad) en Afrique.

Ce sont 7000 m2 qui accueilleront un auditorium pour donner des cours par visioconférence, une cafétéria construite sur le même modèle de « volcan », une salle équipée de 18 tables de chirurgie laparoscopique, afin de former pour sa première année d'exercice, quelque 1000 étudiants africains aux dernières techniques en matière de chirurgie mini invasive.

La future cafétéria et le futur auditorium de l'Ircad Africa

Quatrième antenne

L'Ircad Africa est la dernière antenne régionale lancée par le professeur Jacques Marescaux, fondateur en 1994 de l'Ircad à Strasbourg. Après l'Ircad Taiwan (2008), l'Ircad Brésil (2011), et l'Ircad Liban (2019), l'Ircad Africa devrait donc être opérationnel à la fin de l'année 2021, au pire au début de l'année 2022. Si la pandémie mondiale de Covid-19, qui a considérablement ralenti la construction de ce bâtiment, et la communication avec les sociétés savantes africaines, ne vient pas, une fois encore, repousser l'inauguration de cet institut de e-learning et de recherche, unique en Afrique.

D'un coût de 18 millions de dollars, soit 16 millions d'euros (financé par le gouvernement rwandais), l'Ircad Africa n'aurait jamais vu le jour sans la participation, en 2017, du Dr Guillaume Marescaux, fils du Pr Jacques Marescaux, à une mission humanitaire au Rwanda. Celui qui allait devenir vice-président de l'Ircad Africa vante alors auprès de son père les mérites de ce petit pays d'Afrique centrale qui s'est relevé de l'enfer de la guerre civile et du génocide des Tutsis de 1994, année de la création à Strasbourg du premier Ircad. Contacté ensuite par la ministre de la Santé du Rwanda, le Dr Diane Gashumba, le Pr Jacques Marescaux se rend lui-même au Rwanda en 2017 et se laisse séduire par les autorités locales. L'ircad Africa est officiellement créé en 2018 et les travaux débutent l'été 2019.

En mode start-up

En attendant de prendre possession en 2021 de son nouvel établissement, l'équipe de l'Ircad Africa, à pied d'œuvre, loue des locaux dans l'un des rares buildings de Kigali.

David Kamanda, directeur général de l'Ircad Africa

Présidé par le Dr Kayondo King, l'Ircad Africa est dirigé au jour le jour par David Kamanda, et ressemble, pour le moment, à s'y méprendre à une start-up. Car autour de David Kamanda, économiste de la santé de formation, se bousculent des ingénieurs en robotiques, des développeurs en langage de programmation C++, des spécialistes de l'intelligence artificielle, des médecins spécialistes. « Pour le moment, outre moi-même, l'Ircad Africa compte un service communication dirigé par Raïssa Mahoro. Deux équipes sont constituées, l'une formée de médecins qui seront habilités à diriger les cours, et l'autre d'ingénieurs en robotique et intelligence artificielle ». De fait, six médecins, destinés à diriger les cours, ont été recrutés par l'Ircad, dans les spécialités suivantes : gynécologie, chirurgie générale, orthopédie, neurologie, orthorhynolaryngologie, urologie. « Nous avons tenu à ne pas nous cantonner aux cancers digestifs pour nous intéresser aussi à des pathologies plus courantes en Afrique, comme les cancers de la prostate, colorectaux, cancer des seins... Nos médecins directeurs sont actuellement en phase de préparation des cours. »

 
Nous avons tenu à ne pas nous cantonner aux cancers digestifs pour nous intéresser aussi à des pathologies plus courantes en Afrique. David Kamanda
 

Un Ircad pour tout le continent

David Kamanda tient aussi à préciser que l'Ircad Africa est dédié à l'ensemble du continent ; aussi des contacts ont d'ores et déjà été pris avec des sociétés savantes en Afrique de l'Ouest, notamment au Sénégal, et en Afrique centrale. « Nos médecins sont pour le moment rwandais et nous sommes en cours d'engager des partenariats avec des hôpitaux rwandais, le Centre hospitalier universitaire de Kigali (CHK), l'hôpital militaire de Kanombe et l'hôpital Kink Faiçal. Mais il faut que l'ensemble des médecins du continent s'implique dans l'Ircad Africa. »

Malheureusement la pandémie mondiale de Covid-19 a interdit les échanges internationaux, et les pourparlers avec les sociétés savantes africaines. « Nous espérons néanmoins que dès le début de l'année 2021, nous pourrons nommer des ambassadeurs de l'Ircad aux quatre coins de l'Afrique. »

6 ingénieurs

Côté recherche et développement, l'Ircad Africa compte sur une équipe de six ingénieurs rwandais, rejoint par un thésard. « Nos ingénieurs travaillent sur les mêmes projets de développements que l'équipe de Strasbourg. Nous sommes par ailleurs en train de des nouveaux développeurs en C++, full stack et annotateurs des données chirurgicales », explique David Kamanda. Ces jeunes ingénieurs bénéficient du soutien du Carnegie mellon university Africa et de l'institut africain pour les sciences mathématiques (AIMS) tous deux disposant d'antennes à Kigali.

David Sixela, ingénieur à l'Ircad, spécialisé en programmation

David Sixela en fait partie. La vingtaine, coupe afro, T-shirt, David arbore le look du jeune ingé' geek, que l'on aurait pu croiser à la Silicon Valley. Mais, de fait, après l'obtention de son master en robotique et intelligence artificielle à Toulouse, il a choisi de travailler à Kigali. « Cela fait deux ans que je travaille à l'Ircad, depuis ma rencontre en février 2018 avec Jacques Marescaux. Nous travaillons depuis sur les travaux développés par l'Ircad à Strasbourg. » Avec David Sixela, six autres ingénieurs phosphorent dans les locaux provisoires de l'Ircad : « L'un se charge des développements Web, trois ingénieurs sont spécialisés en intelligence artificielle, je programme en C++ (langage de prommation adapté au déveoppement d'applications en réalité augmentée), et un autre travaille sur du développement côté serveur », détaille David Sixela. Avec l’équipe strasbourgeoise, David est notamment intervenu dans le programme ARES (augmented reality for echoguided surgery) : « il s'agissait de fournir des informations de guidage pour aider le chirurgien à trouver sa cible, en chirurgie percutanée. »

Au-delà de cette coopération avec l'Ircad Strasbourg, l'Ircad Africa travaille aussi sur un projet plus local, baptisé Disrumpere. « Le but est de démocratiser l'usage de l'échographie en chirurgie, explique David Kamanda. Grâce à des sondes portables, des manipulateurs radio vont pouvoir faire des échographies, récolter des données à distance qui seront ensuite analysées ». Disrumpere bénéficie d'un budget de 4,8 millions d'euros sur trois ans, et est promu par Axilum Robotics, ainsi que la région Grand Est. « Nous en sommes pour le moment à la phase préparatoire du projet », précise néanmoins David Kamanda.

Outre le lancement de ce projet, l'année 2021 s'annonce riche en événements pour l'Ircad : formation des directeurs médicaux, inauguration des nouveaux bâtiments, mais aussi collecte de fonds. « Nous tenons à ce que la formation dispensée par l'Ircad Africa ne soit pas prise en charge, en tout ou partie, par les chirurgiens. Pour financer leur formation, nous avons besoin de lever des fonds et nous allons nous y atteler en 2021. » Ces fonds collectés serviront également à financer la recherche de cet institut unique, déjà envié par Abidjan ou Dakar...

 

 

 

 

 

 

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