Réforme du deuxième cycle des études médicales: où en est-on ?

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

3 février 2021

Paris, France — En guise de vœu pour l'année 2021, la Conférence des doyens en médecine a organisé une vaste réunion au début de ce mois de janvier, pour passer en revue l'ensemble des chantiers dont ils devront s'occuper dans les mois qui viennent. Parmi ceux-ci, l'abandon du numerus clausus, remplacé par des objectifs de formation pluriannuels quinquennaux.

Pour rappel, la loi d'organisation et de transformation de notre système de santé, adoptée le 24 juillet, a durablement modifié la formation médicale, notamment l'accès au troisième cycle des études médicales.

« La loi de transformation de notre système de santé a créé différentes voies pour l'accès aux études de santé (médecine, odontologie, maïeutique, pharmacie) et a remplacé le numerus clausus par des objectifs nationaux pluriannuels », a expliqué le Pr Emmanuel Touzé, doyen de la faculté de Caen, qui intervenait au titre de l'observatoire national des professions de santé (ONDPS).

Pourquoi supprimer le numerus clausus ?

« Ce quota instauré dans les années 70 était fixé de manière descendante par le ministère de la Santé et ne prenait pas en compte les besoins de santé. Le numerus clausus est maintenant contourné par les étudiants qui vont se former à l'étranger pour exercer ensuite en France. »

Conférence sur les objectifs nationaux pluriannuels

Les objectifs nationaux pluriannuels, créés par la loi de juillet 2019, seront définis pour la première fois en mars prochain, lors d'une grande conférence annuelle, laquelle réunira différents acteurs du monde de la santé : tutelles, organismes professionnels, organismes de formation, collectivités territoriales, usagers et étudiants.

Les objectifs nationaux pluriannuels, créés par la loi de juillet 2019, seront définis pour la première fois en mars prochain

Ces objectifs doivent répondre à trois points, a poursuivi Emmanuel Touzé :

  • pourvoir les besoins du système de santé ;

  • restreindre les inégalités d'accès aux soins ;

  • et faciliter l'insertion professionnelle des étudiants en médecine.

À la manœuvre, l'observatoire national des professions de santé doit préparer la mise en œuvre de cette conférence, en deux temps : de manière régionale via les ARS, puis à l'échelon national, entre tous les acteurs nationaux.

« Ces travaux préparatoires vont prendre en compte quatre déterminants : les projections démographiques des professionnels de santé, les besoins de santé de la population, les évolutions organisationnelles de notre système de soins, et la capacité des universités et des instituts de sages-femmes à former », complète Emmanuel Touzé.

De manière générale, « les capacités d’accueil et le nombre total d’admis pour la rentrée 2021, et même 2022, vont être plus importants, de l’ordre de 5 à 10% », indique le doyen.

Souplesse

Autre différence par rapport aux numerus clausus : la souplesse. « Chaque université pourra définir le nombre d'étudiants à former, dans une fourchette prédéfinie. » Notons toutefois que leur capacité de formation est limitée.

Concertés, ces objectifs pourront être amendés avant la fin du délai de cinq ans.

« Pour l'année 2021, les objectifs sont déjà définis, nous n'allons pas attendre la conférence nationale », a ajouté Emmanuel Touzé. La conférence nationale devait initialement se tenir en décembre 2020. « Mais l'épidémie de Covid a fait en sorte qu'elle a dû être reportée de trois mois », se désole Emmanuel Touzé.

En parallèle, les concertations régionales accompagnées par les agences régionales de santé (ARS) ont toutes commencé en septembre, et « une grande partie d'entre elles sont terminées. Nous attendons encore les dernières conclusions des dernières ARS qui devraient nous parvenir ce mois », conclut Emmanuel Touzé.

Il faut espérer que cette réforme du numerus clausus participera à la relance de la formation des professionnels de santé, tant il est vrai qu'ils manquent sur le terrain, comme l'a rappelé la vice-présidente de la conférence des doyens de médecine le Pr Bach-Nga Pham.

« Malheureusement il existe une inégalité d’accès aux soins. Pour y remédier, nous pouvons jouer sur l'attractivité médicale pour inciter les plus jeunes à rester dans leurs lieux de formation et à exercer dans les territoires lorsqu'ils sont déficitaires en profession de santé. » Le Pr Bach-Nga Pham pense qu'un étudiant accueilli dans une équipe bienveillante hors CHU aura l'envie de revenir et de s'installer dans un territoire déficitaire.

« En médecine, la notion de réseaux professionnels a beaucoup d'importance. Aussi, tous les médecins quels que soient leurs spécialités, doivent s'intéresser à la formation. L'université s'engage à ce que tous les médecins puissent devenir des maîtres de stage universitaires », a-t-elle expliqué. Pour ce faire, l'université devrait former des postes de professeur de territoire.

Autre levier pour redorer le blason de la formation médicale : la simulation. « La simulation est un nouveau mode de formation qui permet d'améliorer les soins, d'éviter les erreurs de mieux gérer le travail en équipe, et d'arriver à mieux gérer le stress », décrit pour sa part le Pr Didier Carrié, doyen de la faculté de Toulouse. « En formation initiale ou continue, la simulation s'adresse à l'ensemble des équipes pluriprofessionnelles. » Didier Carrié appelle de ses vœux un plan massif de formation à la simulation, « avec l'aide des étudiants mais aussi des soignants ». Le financement doit être régulier, annuel, « et nous espérons avoir un accompagnement de nos tutelles pour nous aider sur le plan financier ».

Dernier numerus clausus : une année de transition

Depuis septembre, les lycéens peuvent choisir entre deux grands types de parcours pour accéder aux études de santé (maïeutique, médecine, odontologie, pharmacie) : des licences avec une option « accès santé » dites L.AS ou un parcours spécifique « accès santé », avec une option d’une autre discipline (PASS).

Les licences, de différentes disciplines, comprenant une option «accès santé» (L.AS) peuvent être proposées y compris par des universités n’ayant pas de faculté de santé. S’il est admis en santé l’étudiant rejoindra en deuxième année une faculté de santé.

Les accès santé (PASS) seront proposés uniquement dans les universités ayant une faculté de santé. L’étudiant choisi au sein de ce parcours une option qui lui permettra de poursuivre en deuxième année de licence s’il n’est pas admis dans une filière de santé.

Pour obtenir la filière souhaitée, les étudiants sont sélectionnés sur leurs résultats dans leur parcours de formation (partiels) et, le cas échéant, sur des épreuves complémentaires dont des oraux. 

Pour assurer une équité entre les nouveaux étudiants concernés par la réforme et ceux qui ont redoublé la dernière PACES, un dernier numerus clausus a été décidé. D'après un arrêté du 25 janvier, à la rentrée 2021-2022, 3 668 étudiants ayant redoublé leur première année de PACES seront autorisés à entrer en 2e année de médecine, soit peu plus d’un quart des capacités totales.  AL

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