Paris, France — La deuxième édition du congrès Pari(s) Santé Femmes, organisé par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et 21 autres sociétés savantes, s’est déroulée en ligne du 13 au 15 janvier 2021. À cette occasion, le CNGOF a souhaité faire le point sur la question du Covid-19 en cours de grossesse lors d’une conférence de presse.
Lignes directrices
Le Pr Cyril Huissoud, chef de service adjoint gynécologie et obstétrique aux Hospices civils de Lyon, a d’abord tenu à souligner que le CNGOF avait été particulièrement réactif dès le début de l’épidémie en émettant des lignes directrices pour aider les professionnels de santé à la prise en charge des femmes enceintes ou ayant accouché.
« On ne peut pas dire à l’heure actuelle si les femmes enceintes ont plus de chance de contracter le virus. Ce qui est acquis en revanche, c’est que les mesures barrières sont aussi efficaces chez elles et qu’elles peuvent recourir sans risque aux solutions hydroalcooliques, le passage sanguin d’alcool étant parfaitement négligeable pour le fœtus dans les conditions normales d’utilisation », rappelle-t-il.
Plus de formes sévères
La grossesse est associée à un certain nombre de modifications qui pouvaient faire craindre, par elles-mêmes, un plus grand nombre de formes sévères de la maladie : diminution de l’immunité, diminution de la capacité respiratoire en lien avec l’augmentation de la taille de l’utérus qui vient comprimer le diaphragme et les poumons, augmentation du travail cardiaque dès le 1er trimestre de la grossesse et augmentation du risque de thrombose vasculaire, maximum au 3e trimestre. Et en effet, « comparativement aux femmes non enceintes avec les mêmes caractéristiques d’âge en particulier, les femmes enceintes font plus de formes sévères, avec des pneumonies et des SDRA (syndromes de détresse respiratoire aiguë). Elles sont au final deux à cinq fois plus souvent hospitalisées, d’autant qu’elles développent aussi, en plus de ces conséquences générales, certaines complications spécifiques de la grossesse beaucoup plus fréquemment », détaille le Pr Huissoud.
Ainsi, 10 à 30 % des femmes enceintes symptomatiques sont hospitalisées et nécessitent plus souvent une oxygénation ou une ventilation mécanique. 1 à 5 % des femmes symptomatiques sont transférées en réanimation avec un taux de décès difficile à estimer mais probablement autour de 1/500, c’est à dire 0,2 %. « Une mortalité qui paraît élevé mais les études n’ont pas montré de surmortalité liée au Covid-19 durant la grossesse, faute d’effectif suffisant. En comparaison, le taux de décès d’un adulte entre 60 et 65 ans est de 1 % environ », commente le spécialiste, avant d’ajouter que « ce risque reste à moduler en fonction des autres facteurs de risque en cours de grossesse : âge supérieur à 35 ans, obésité, présence d’une affection chronique comme un diabète préexistant à la grossesse ou une hypertension artérielle ».
Davantage de pré-éclampsies
Le 3e trimestre constitue à lui seul un autre facteur de risque spécifique d’évolution sévère, note-t-il encore : « l’organisme maternel est le plus sollicité et c’est aussi à la fin de la grossesse qu’on a le plus fréquemment les complications spécifiques de la grossesse comme la pré-éclampsie ». D’ailleurs, les femmes Covid + présentent davantage de pré-éclampsies, « pour des raisons qu’on ignore actuellement, mais probablement parce qu’elles développent des atteintes placentaires particulières ou simplement des lésions thrombotiques ». Des descriptions font en effet état de lésions très spécifiques liées au coronavirus.
Augmentation de la prématurité induite
Les femmes enceintes font donc 3 ou 4 fois plus de complications générales ou spécifiques et ce, en particulier au moment de l’acmé de la maladie, ce qui explique qu’on observe une augmentation de la prématurité induite (jusqu’à 20 % de prématurité chez les patientes qui nécessitent des traitements importants avec de l’oxygène) et une plus grande fréquence des césariennes. Mais « les taux de césariennes et d’extraction instrumentales n’ont pas augmenté à ce stade de l’épidémie dans nos maternités », précise le Pr Huissoud.
Un risque de transmission verticale extrêmement limité
Le médecin se veut rassurant concernant le développement fœtal : « même si la prématurité induite est plus fréquente chez les patientes sévères, les études en population ne montrent pas actuellement d’augmentation des restrictions de croissance in utero ni des morts fœtales in utero, même si on ne peut pas exclure l’accroissement d’un risque individuel en lien avec les altérations du placenta décrites chez certaines mères infectées ». Le risque de transmission verticale, de la mère au fœtus, semble extrêmement limité « puisque le virus passe peu dans le sang de la maman et que le placenta fait obstacle à l’inoculation chez le fœtus ». Et si le passage reste possible, « aucune foetopathie spécifique, malformative en particulier, n’est à craindre ».
Après la naissance, le risque de transmission horizontale, de la mère au bébé, est lui aussi possible et probablement plus fréquent. Il « justifie des mesures de prévention car les nouveaux-nés peuvent présenter aussi des symptômes respiratoires mais le risque d’une forme sévère est quasiment nul. On peut tout mettre en œuvre pour favoriser le lien entre la mère et le bébé, notamment l’allaitement maternel », détaille le médecin. Il signale également que des études vont être mises sur pied et certaines ont déjà été initiées pour évaluer le devenir de ces enfants.
Plaidoyer en faveur de la vaccination des femmes enceintes
Enfin, il conclut sur la vaccination : « on peut s’étonner qu’en France, le CNGOF, qui représente les spécialistes de la grossesse à risque, n’ait pas été sollicité sur cette question et surtout que les femmes enceintes aient été exclues de principe des différentes phases de programmes vaccinatoires. Effectivement, « aucune étude sur l’efficacité et sur la tolérance du vaccin n’a été faite spécifiquement pendant la grossesse », concède-t-il, mais « on estime, face à l’urgence et au sur-risque maternel, qu’il faut sortir du principe de précaution parce qu’il n’y a pas de raison suffisante, à notre sens, pour contrindiquer la vaccination. C’est pourquoi dans le pays de Pasteur, les obstétriciennes et obstétriciens que nous sommes, demandons que, comme pour toute population à risque, les femmes enceintes puissent avoir le choix de bénéficier du vaccin, en particulier si elles ont des facteurs de risque surajoutés ». Le Dr Huissoud note par ailleurs que, « dans un pays dont on connaît la propension à faire de médicolégal comme les États-Unis, il est recommandé de vacciner les femmes enceintes ».
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Citer cet article: Grossesse et COVID-19 : le CNGOF recommande l’accès à la vaccination pour les femmes enceintes - Medscape - 29 janv 2021.
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