Pollution de l'air et infarctus du myocarde : l'association qu'on ne peut plus ignorer

Fran Lowry

Auteurs et déclarations

28 janvier 2021

Guangzhou, Chine – Quel est l'impact de la pollution atmosphérique sur la santé cardiovasculaire ? Une nouvelle étude croisée et stratifiée dans le temps vient de montrer qu'une exposition à la pollution atmosphérique était associée à un risque accru de décès CV. Plus précisément, ses auteurs montrent qu'une exposition à court-terme aux particules fines de diamètre inférieur ou égal à 2,5μm (PM2,5) ou de diamètre inférieur à 10μm (PM10) et au dioxyde d'azote (NO2) était associée à un risque accru de décès par infarctus du myocarde. L'étude vient d'être publiée dans le Journal of the American College of Cardiology[1] .

« Ces résultats aident à la compréhension des effets de la pollution de l'air sur la mortalité cardiovasculaire. Ils mettent en lumière la nécessité que la population générale et les décideurs politiques réduisent l'exposition à la pollution, en particulier pour les personnes âgées et celles qui un risque important d'IDM », écrivent le Dr Yuewai Liu (Sun Yat-sen University, Guangzhou, Chine) et ses collègues.

Auparavant, l’exposition brève à la pollution de l'air avait déjà été liée à la survenue d'un IDM mais peu d'études s’étaient intéressées à l'association entre pollution atmosphérique et mortalité par IDM, et leurs résultats étaient contradictoires », soulignent les chercheurs.

Etude sur plus de 150 000 décès par IDM

Pour aller plus loin, ceux-ci ont étudié 151 608 décès par IDM qui se sont produits dans la province chinoise d'Hubei entre 2013 et 2018. Ils ont évalué l'exposition aux  PM2,5,  PM10, au dioxyde de sulfure (SO2), au NO2, au monoxyde de carbone et à l'ozone le jour précédant l'IDM (jour « contrôle ») et le jour de l'IDM (jour « événement »).

Comment documenter l'exposition aux polluants rétrospectivement ? Pour le faire, les chercheurs se sont fiés à l'adresse du domicile du patient décédé par IDM. Le niveau d'exposition était pondéré en fonction de la distance du domicile au système de surveillance de la pollution atmosphérique. Les villes chinoises sont équipées de très nombreux capteurs qui mesurent les concentrations de polluants dans l'air. L'exposition moyenne quotidienne aux PM2,5 était de 63,4 μg/m3.

Concernant les décès par IDM qui se sont produits entre 2013 et 2018, 98,2% d'entre eux étaient dus à des IDM aigus, touchant majoritairement des hommes (54%), de moins de 75 ans (41%). 55, 8 % des décès ont lieu pendant l'hiver.

L'étude a montré que l'exposition aux  PM2,5,  aux PM10 et au NO2 était significativement associée à des risques accrus de décès par IDM. Ces risques augmentaient à mesure que l'exposition augmentait, jusqu'à ce que la pollution atteigne un niveau de 33,3  μg/m3.

Chaque palier de10 μg/m3 d'augmentation de l'exposition aux PM2,5 (< 33,3  μg/m3), PM10 (<57,3  μg/m3) et au NO2 était significativement associé à une augmentation du risque de décès par IDM de, respectivement, 4,14 % (IC95% [1,25% - 7,12%]), 2.67% (IC95%[ 0,80% - 4,57%]) et 1,46% (IC 95%[0,76% - 2,17%]).

L'association entre l'exposition au NO2 et la mortalité par IDM était significativement plus forte chez les plus âgés (75 ans et plus) que chez les adultes plus jeunes.

Cette étude n'a pas mis en évidence d'association fiable entre le dioxyde de sulfure, le monoxyde de carbone ou l'ozone et les IDM.

Records de pollution dans le Hubei

Dans un éditorial qui accompagne l'article, le Pr Sanjay Rajagopalan (Case Western Reserve University, Cleveland) et ses co-auteurs soulignent que les travaux ont été réalisés « dans la province d'Hubei dont la capitale est Wuhan, une région à la double notoriété : lieu d'origine du Covid-19 et pollution de l'air à des niveaux élevés ». Selon eux, les résultats de cette étude «montrent une relation claire » entre une forte pollution et la mortalité CV.

La Chine est particulièrement bien placée pour mener de telles études, a expliqué le Pr Rajagopalan à theheart.org | Medscape Cardiology. Il faut se souvenir qu'il y a huit ans, elle a fait face à une crise sévère quand la pollution atmopshérique liée à la combustion au charbon a été à l'origine de très nombreux décès

« En Chine, on assiste à une révolution depuis 2011/2012. Les épisodes de pollution de l'air étaient si importants qu'il a fallu trouver des solutions très rapidement. Des capteurs pour mesurer les concentrations de différents polluants ont été installés dans les villes. La situation est encore plus spectaculaire maintenant : dans cette étude, par exemple, il y a environ un capteur par kilomètre-carré ce qui est plutôt bien » a-t-il indiqué.

« Il s'avère que les gens meurent à cause de la pollution de l'air, non pas par maladie respiratoire ou pulmonaire mais parce qu'ils font des crises cardiaques. Chaque année, il y a probablement plus de neuf millions de décès attribuables à la pollution de l'air. Si vous combinez la pollution de l'air intérieure et extérieure, c'est probablement une des quatre causes majeures de mortalité globale. Et l'impact est très important dans le monde entier car tout le monde est exposé, personne n'est épargné » a-t-il poursuivi.

L'éditorialiste souligne que les résultats de cette étude montrent aussi l'impact des émissions des véhicules dans la mesure où le NO2 joue un rôle dans la mortalité CV.

La pandémie a amélioré la qualité de l'air

S'il y avait d'ores et déjà une leçon à tirer de la pandémie, c'est que les émissions de NO2 et des autres polluants se sont effondrées. Moins de voyages en d'avion, moins de trafic routier, moins de personnes qui se déplacent pour se rendre au travail... tout ceci a contribué à réduire les émissions.

« Le peu de lumière dans le tunnel du Covid-19 a été l'impact de la pandémie sur la pollution globale. Au début de la pandémie, quand il y a eu un arrêt total des trafics aériens et routiers dans plusieurs régions du monde, les effets sur la pollution atmosphérique ont été spectaculaires » a rappelé le Pr Rajagopalan. Avant de détailler : « les PM2,5 ont dégringolé, ce qui a permis que le ciel redevienne très bleu pendant des jours et que tout le monde se mette à imaginer un monde futur sans pollution de l'air ».

D'après lui, la population est devenue plus consciente du problème de la pollution de l'air et des moyens de l'empêcher.

« Cela me plaît que de nombreuses personnes commencent à comprendre notre relation étroite avec la planète Terre et l'environnement » a-t-il ajouté. « Nous devons faire tout notre possible. Nous sommes à un point critique concernant l'avenir de notre planète, donc tout ce qu'on peut faire pour réduire notre empreinte, même un petit pas, est utile ».

 

Cela me plaît que de nombreuses personnes commencent à comprendre notre relation étroite avec la planète Terre et l'environnement  Pr Sanjay Rajagopalan

 

L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé “Air Pollution Linked to Acute Increase in MI Mortality”.  Traduit/adapté par Marine Cygler.
 

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