Insuffisance cardiaque: de nouvelles données sur l’intérêt de la télésurveillance

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

28 janvier 2021

Virtuel — Lors d’un session en ligne des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (eJESFC 2021) consacrée aux actualités qui ont marqué l’année 2020[1], le Dr Nicolas Lamblin (CHU de Lille) a retenu deux publications portant sur la télémédecine dans l’insuffisance cardiaque. L’une rapporte les résultats attendus de l’essai randomisé français OSICAT sur le télésuivi des patients après hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque[2]. L’autre remet le capteur de pression implantable CardioMEMS® sur le devant de la scène[3].

Première cause d’hospitalisation en France après 60 ans, l’insuffisance cardiaque représente un enjeu majeur de santé publique. Selon des données de l’Assurance maladie, la durée moyenne du séjour à l’hôpital est de dix jours et la mortalité hospitalière est comprise entre 8 et 10%. Aussi, six mois après la sortie de l’hôpital, plus de la moitié des patients sont à nouveau hospitalisés.

L’intégration de la télésurveillance dans le parcours de soins de l’insuffisance cardiaque est présentée comme un moyen d’améliorer la prise en charge par un accompagnement à distance des patients après leur sortie d’hôpital, avec l’objectif de réduire les ré-hospitalisations. Plusieurs essais ont été menés pour évaluer différents protocoles de télésuivi.

Surveillance quotidienne du poids

OSICAT (Optimisation de la surveillance ambulatoire des insuffisants cardiaques par télécardiologie) est le plus large essai randomisé réalisé en France dans ce domaine. Mené par Pr Michel Galinier (CHU de Toulouse) et son équipe, il a inclus 937 patients hospitalisés dans l’année précédente pour insuffisance cardiaque aiguë et présentant un BNP≥ 100 pg/mL ou un NT-proBNP≥300 pg/mL.

Agés en moyenne de 70 ans (72% d’hommes), les patients présentaient dans la majorité des cas une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) < 50%. La fraction d’éjection était préservée pour 20% d’entre eux. Près de la moitié avaient une insuffisance cardiaque symptomatique de stade III ou IV (NYHA).

Les patients ont été randomisés entre un suivi standard et une télésurveillance ajoutée en plus du suivi. La télésurveillance comprend une surveillance quotidienne du poids par une balance connectée, ainsi que des symptômes par l’intermédiaire d’un boitier communicant. Elle est complétée d’un accompagnement par une infirmière spécialisée.

Le protocole mis en place était considéré comme non médical puisque le patient était invité par l’infirmière de la centrale à consulter son médecin généraliste en cas d’anomalie. L’étude n’a pas évalué la réponse thérapeutique apportée.

Un tiers d’hospitalisations en moins

Après un suivi de 18 mois, les résultats montrent une absence de différence entre les deux groupes sur le critère primaire associant la mortalité et les hospitalisations toutes causes. Néanmoins, l’étude est positive sur le critère secondaire, avec une baisse de 21% du risque de nouvelle hospitalisation pour décompensation cardiaque dans le groupe télésurveillance (HR : 0,79 ; IC à 95 %, [0,62-0,99] ; p = 0,044).

Ce bénéfice est renforcé chez les patients ayant une insuffisance cardiaque en stade III ou IV de la NYHA, le risque de nouvelle hospitalisation étant alors réduit de 29% (HR=0.71, IC à 95%, [0.53-0.95]; p= 0.02), mais aussi chez ceux isolés socialement ou les plus rigoureux dans la surveillance quotidienne du poids (baisse respective du risque de ré-hospitalisation de 38% et 37%).

Ces résultats doivent amener « à nous interroger sur les modalités d’inclusion » des patients pouvant bénéficier de la télésurveillance, ont commenté les auteurs dans la revue Réalités cardiologiques. Ils pourraient conduire à « une personnalisation et une meilleure sélection des patients à inclure en priorité dans les programmes de télésurveillance ».

Quelques points fondamentaux

Selon eux, « l’essai OSICAT s’inscrit ainsi dans la longue série des études de télésurveillance de l’insuffisance cardiaque réalisée ces dix dernières années qui se sont révélées neutres » sur des critères incluant le taux de décès.

Après analyse des diverses expériences de télésurveillance dans l’insuffisance cardiaque, ils listent différents points qui leur semblent fondamentaux :

  • Les patients « ne doivent pas être trop stables ».

  • Les modalités de suivi doivent inclure un accompagnement et privilégier les relations humaines pour réduire le risque de mauvaise observance.

  • Les alertes en cas d’anomalies doivent être triées en amont par des infirmières formées au préalable pour éviter au médecin chargé du suivi « d’être rapidement débordé, les faux positifs n’étant pas rares ».

  • La télésurveillance est à intégrer dans le parcours de soins habituel du patient. le taux d’échec est réduit en incluant le rôle du médecin traitant et du cardiologue référent.

  • La réponse thérapeutique doit être systématique après une alerte. Des protocoles thérapeutiques personnalisés pourrait améliorer l’efficacité de la télésurveillance « en optimisant notamment la gestion des diurétiques ». 

Enfin, les auteurs estiment que les études sur la télésurveillance ont probablement un critère primaire « trop ambitieux ». La télésurveillance est « plus adaptée à réduire les hospitalisations pour décompensation cardiaque que la mortalité totale comme le montrent les résultats de l’essai OSICAT ».

Même si cet essai n’est pas concluant sur le critère primaire, il suggère que « la simple télésurveillance du poids et des symptômes associée à un accompagnement thérapeutique réduit les hospitalisations pour décompensation cardiaque, notamment chez les patients les plus sévères, socialement isolés et compliants ».

CardioMEMS: moins d’hospitalisations à un an

Une autre étude a apporté des résultats positifs, cette fois pour un dispositif implantable permettant une surveillance à distance des patients atteints d’insuffisance cardiaque avec des antécédents de décompensation [3]. Le dispositif en question est le CardioMEMS® (Abbott), un capteur de pression de l’artère pulmonaire (PAP), disponible en France depuis 2018.

Le dispositif comporte le capteur, qui est implanté par cathéter dans l’une des branches de l’artère pulmonaire, un transmetteur externe et un site de télécardiologie spécialement mis en place par le fabricant. Le capteur ne permet pas une mesure continue de la pression pulmonaire. Il est activé par le patient par le biais du transmetteur.

Il est indiqué dans la télésurveillance par monitoring de la PAP chez des patients insuffisants cardiaques (NYHA de classe III) après une hospitalisation pour décompensation cardiaque dans l’année écoulée. Cette indication s’appuie sur les résultats de l’étude CHAMPION, qui ont montré une baisse de 30% des hospitalisations après un suivi de 15 mois chez ces patients avec le dispositif.

Une nouvelle étude observationnelle est venue confirmer l’intérêt du dispositif en vie réelle, avec une cohorte deux fois plus importante que celle de l’essai CHAMPION. Au total, ont été inclus 1 200 patients insuffisants cardiaques de classe NYHA III, victimes d’une décompensation dans les 12 mois précédents. Tous ont reçu l’implant.

Projet d’évaluation médico-économique

Les résultats montrent une baisse significative du taux d’hospitalisation pour décompensation cardiaque à un an, entre l’année qui suit la pose de n’implant et l’année précédente (0,54 événement/patient-année, contre 1,25 l’année précédente). Les taux d’hospitalisation toutes causes étaient aussi abaissés (1,67 contre 2,28 événement/patient-année).

« On observe une diminution de. la fréquence des hospitalisations pour insuffisance cardiaque l’année qui suit la pose de l’implant par rapport à l’année précédente, que les malades aient une fraction d’éjection réduite, intermédiaire ou préservée », a commenté le Dr Lamblin, au cours de sa présentation.

Selon une décision du collège de la Haute autorité de santé (HAS) mise en ligne en décembre dernier, CardioMEMS® « fera l’objet d’une évaluation médico-économique par la commission d’évaluation économique et de santé publique (Ceesp) », le dispositif étant « susceptible d’avoir un impact significatif sur les dépenses de l’assurance maladie ».

 

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