Asthme: un livre blanc présente 33 mesures pour améliorer la prise en charge

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

27 janvier 2021

Paris, France — Alors que l’asthme tend à être banalisé, la pneumologie française a édité un livre blanc dans lequel sont exposées 33 propositions pour améliorer la prise en charge de cette pathologie, qui touche 3 à 5 millions de personnes en France [1]. Promouvoir l’éducation thérapeutique du patient, favoriser la pratique sportive, mais aussi lutter contre l’insalubrité font partie des mesures avancées.

Le document a été élaboré en partenariat avec les ministères des Sports et de l’Ecologie. Les principaux enjeux ont été présentés lors d’une conférence de presse, organisée en amont du 25ème congrès de pneumologie de langue française (CPLF), qui aura lieu sous forme virtuelle le 29 janvier [2].

L’objectif est notamment de sensibiliser sur les particularités de l’asthme sévère, qui affecte 5 à 10% des asthmatiques. « L’asthme sévère nécessite une prise en charge spécifique par un pneumologue de manière à avoir accès à des thérapies innovantes et ciblées », a indiqué le Pr Chantal Rahérison-Semjen (CHU de Bordeaux), présidente de la Société de pneumologie de langue française (SPLF).

Autres objectifs affichés, expliquant l’implication des deux ministères:  trouver les moyens de « donner accès à une activité physique adaptée à tout patient asthmatique », notamment en milieu scolaire, et améliorer la qualité de l’air intérieur des logements, l’asthme étant considérée comme une maladie environnementale, a précisé la pneumologue.

Une pathologie marquée par les inégalités

L’appui politique s’est aussi traduit par l’engagement de la députée de Seine-Maritime, Agnès Firmin le Bodo, qui a déposé une proposition de loi dans le cadre de ce livre blanc pour lutter contre l’insalubrité liée à l’humidité. L’exposition aux moisissures, notamment chez les enfants, est considérée comme un facteur de risque d’asthme.

L’asthme reste une pathologie marquée par les inégalités. « Aujourd’hui, en fonction de l’endroit où l’on vit et des conditions environnementales, on ne peut pas avoir les mêmes chances d’évolution de la maladie asthmatique », a souligné le Pr Rahérison-Semjen, dans une vidéo présentant les principaux axes de proposition, publiée sur le site de la SPLF.

« Ces inégalités commencent dès l’accès aux soins : 40 % des patients suivis par leur médecin traitant n’auraient pas été orientés vers un médecin spécialiste en pneumologie ou en allergologie », notent les auteurs du document. Le recours aux urgences en cas de crise est aussi plus fréquent chez les patients plus précaires. 

« Vingt ans après le plan asthme (2002-2005), peu d’avancées ont vu le jour pour améliorer le quotidien des patients et atténuer ces inégalités. Trop souvent, on considère à tort cette maladie comme banale et sans gravité ». Pourtant, en France, on compte chaque année 60 000 hospitalisations et 200 000 passages aux urgences pour asthme. Entre 800 et 900 patients en décèdent.

Six enjeux majeurs

Le livre blanc, destiné essentiellement aux pouvoirs publics et aux parlementaires, est le fruit d’un travail collaboratif entre la Fondation du souffle, la Fédération française de pneumologie et cinq sociétés savantes, dont la SPLF, ainsi que deux associations de patients. Ils ont formé le collectif « Asthme et inégalités » pour trouver des pistes d’amélioration.

Six enjeux majeurs ont été identifiés:

  • Améliorer le parcours de soins du patient asthmatique;

  • Renforcer la lutte contre le tabagisme des patients asthmatiques;

  • Promouvoir l’éducation thérapeutique et la formation du patient;

  • Favoriser la pratique sportive et l’activité physique des patients asthmatiques et lutter contre les idées reçues;

  • Développer une culture et une connaissance de l’asthme au sein de la communauté éducative;

  • Lutter contre les facteurs environnementaux.

Chacun de ces enjeux a été associé à plusieurs mesures pour un total de 33 propositions concrètes.

Promouvoir un examen du souffle

Concernant le parcours de soins, il est notamment suggéré de « systématiser l’orientation vers un pneumologue de tout patient passant aux urgences pour une crise d’asthme », « promouvoir la réalisation systématique d’un examen du souffle » ou « systématiser l’organisation de réunions de concertation pluridisciplinaire pour l’asthme sévère, afin de faciliter l’accès aux nouvelles thérapies ».

« Un des points noirs de la prise en charge des patients asthmatiques reste le suivi après un passage aux urgences. Beaucoup trop de patients n’intègrent pas un parcours de soins et nous savons qu’ils reviendront dans les mois qui suivent », précise dans le document le Pr Dominique Valeyre (hôpital Avicenne, AP-HP, Avicennes), président de la Fédération française de pneumologie.

A propos de la mesure de la fonction respiratoire, « trop peu de patients asthmatiques » y ont accès, précise le livre blanc. Or, elle permet « d’évaluer le contrôle de l’asthme, de montrer au patient la réalité de sa maladie et l’efficacité du traitement du souffle ».

Il est donc recommandé d’effectuer ce bilan régulièrement, « soit une fois par an pour les patients contrôlés, soit une fois tous les trois mois pour les patients non contrôlés ou souffrant d’un asthme sévère ». Ce type d’examen pourrait être réalisé au sein de structures locales, comme les maisons ou les centres de santé.

Des idées reçues sur la pratique sportive

L’accès à une activité physique adaptée représente également un enjeu majeur. « L’activité physique et la réhabilitation respiratoire sont des traitements non médicamenteux très importants dans la prise en charge des maladies respiratoires chroniques », a souligné le Pr Rahérison-Semjen, au cours de la conférence de presse.

Or, les idées reçues persistent. Selon la présidente de la SPLF, « un asthmatique doit pouvoir pratiquer le sport comme les autres, sans limitation quel que soit son niveau socio-économique. Malheureusement, nous entendons encore trop souvent aujourd’hui que les enfants asthmatiques ne peuvent pas faire de sport. »

 
Un asthmatique doit pouvoir pratiquer le sport comme les autres, sans limitation quel que soit son niveau socio-économique. Pr Dominique Valeyre
 

Pour améliorer l’accès au sport, notamment en milieu scolaire, il est envisagé de mettre en place, en collaboration avec le ministère des Sports, une formation spécifique sur la pratique sportive chez les patients asthmatiques, mais aussi sur les fondamentaux concernant la maladie (traitement, prise en charge des crises…) pour « toute personne du milieu éducatif », a indiqué le Pr Rahérison-Semjen.

Former le personnel éducatif

« Nous allons poursuivre le travail pour que le personnel et la communauté éducative soit formé et accompagné, afin que les jeunes qui souffrent d’asthme puissent se voir proposer une activité physique adaptée et qu’ils ne se détournent pas de celle-ci de manière systématique », a affirmée Christèle Gautier, du ministère des Sports, lors d’une web-conférence de septembre dernier.

Le comité propose, par ailleurs, d’ « encourager les fédérations sportives à mettre en place un accueil adapté aux personnes asthmatiques », à l’image de DiabetAction, qui accompagne les patients diabétiques dans la pratique d’une activité physique. Il est aussi suggéré de développer un cours en ligne pour les encadrants sportifs, portant notamment sur la prévention des crises.

Autre proposition : « instaurer le remboursement de l’activité physique adaptée pour les patients asthmatiques les plus sévères ». Une mesure qui inciterait les médecins traitants à prescrire plus facilement une activité sportive.

Renforcer le recours au CMEI

Enfin, concernant l’aspect environnemental de la pathologie, le comité demande de « prendre des mesures concrètes, ambitieuses et efficaces contre la pollution pour réduire l’incidence de l’asthme et de l’asthme sévère ».

Il est notamment suggéré de soutenir les conseillers médicaux en environnement intérieur (CMEI), chargés d’enquêter au domicile du patient sur prescription médicale, afin de « mettre en œuvre des mesures pour l’éviction des allergènes (…) et des polluants domestiques », en vue d’améliorer l’habitat. Une intervention qui n’est pas encore intégrée dans la prise en charge.

Ce soutien peut être financier, avec un remboursement par l’Assurance maladie des visites à domicile prescrites par un médecin. Il est aussi proposé de doter ces spécialistes d’un statut « rendant obligatoire leur consultation ».

Des postes de CMEI avaient été promis lors du Grenelle de l’environnement de 2007, a précisé le Pr Rahérison-Semjen. « Malheureusement la promesse n’a pas été tenue. Nous a vraiment besoin de ces postes: avec un bon diagnostic de la qualité de l’air intérieur, on améliore le contrôle de l’asthme et la santé des patients. »

 

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