France —Dans une tribune publiée dans La Revue du Praticien le 8 janvier, 73 experts francophones et six sociétés savantes françaises*, insistent sur l’importance particulière d’assurer « un statut satisfaisant en vitamine D dans la population générale » dans le contexte du Covid-19 [1].
« En l’absence de traitement curatif efficace et accessible à ce jour contre la Covid-19, recourir à des molécules déjà existantes pourrait aider à contrôler la pandémie ». Or, « le rôle bénéfique potentiel de la vitamine D est discuté dans de nombreuses publications », soulignent les signataires du texte dont le Pr Cédric Annweiler (CHU d’Angers), auteur de plusieurs études sur le sujet.
D’après les experts, de plus en plus nombreuses sont les études qui suggèrent un effet bénéfique de la vitamine D en prévention de la maladie Covid-19 mais aussi pour limiter l’aggravation de la maladie.
« La supplémentation en vitamine D est une mesure simple, efficace, sans danger, peu coûteuse et remboursée par l’Assurance maladie. Même s’il n’existe pas encore de preuves indiscutables que la supplémentation en vitamine D réduit le risque d’infection par le SARS-CoV-2, le maintien d’un statut vitaminique D satisfaisant présente de toute façon des bénéfices au-delà de la Covid-19 en favorisant, entre autres, la santé osseuse et neuromusculaire et en étant associé à une amélioration du pronostic dans certains cancers », soulignent-ils, tout en précisant qu’environ la moitié de la population générale française a une hypovitaminose D.
Ils ajoutent d’ailleurs que « plusieurs sociétés savantes et groupes d’experts nationaux et internationaux ont déjà publié des avis recommandant la supplémentation en vitamine D dans le contexte de l’épidémie Covid-19 ».[2,3,4,5]
La carence en vitamine D
La carence en vitamine D est définie par une concentration circulante de 25-hydroxyvitamine D, ou 25(OH)D, inférieure à 12 ng/mL (ou 30 nmol/L), et l’insuffisance en vitamine D, définie par une concentration circulante de 25(OH)D entre 12 et 20 ng/mL (ou 50 nmol/L).
Quel rationnel physiologique?
Le premier argument avancé en faveur d’une supplémentation en vitamine D vient de son rôle sur l’immunité. « En effet, la vitamine D stimule d’une part l’expression et la sécrétion des peptides antimicrobiens par les monocytes/macrophages, ce qui participe aux défenses des muqueuses, mais aussi la synthèse de cytokines anti-inflammatoires tout en inhibant la synthèse de cytokines pro-inflammatoires », expliquent les experts.
Un effet protecteur contre l’infection par la Covid-19 ?
Concernant la Covid-19, les premières données suggèrent que la concentration en vitamine D est plus basse chez les adultes infectés que chez les autres, indiquent les signataires[6,7].
Aussi,« malgré l’absence de données interventionnelles solides pour le moment, les résultats préliminaires de l’étude Koronastudien.no, montrant en Norvège que les consommateurs réguliers d’huile de foie de morue sont moins à risque d’être infectés par le SARS-CoV-2,15 suggèrent que la supplémentation en vitamine D pourrait aider à prévenir la Covid-19 », notent les médecins.
Moins de formes graves ?
Concernant la sévérité de la maladie, « les (rares) études d’intervention publiées sont en faveur d’un effet bénéfique de la supplémentation en vitamine D pour réduire la gravité des symptômes chez les adultes atteints de Covid-19, indique la tribune.
Sur le versant des bénéfices cliniques, un essai randomisé a rapporté, chez 76 adultes âgés en moyenne de 53 ans hospitalisés pour Covid-19, que ceux ayant reçu des suppléments de 25(OH)D en plus des soins standards contre la Covid-19 ont eu significativement moins souvent recours à la réanimation que ceux n’ayant reçu que les soins standards (1/50 soit 2 % vs 13/26 soit 50 % ; p < 0,001).[8]
Des résultats confortés par deux études françaises réalisées pendant la première vague qui ont rapporté des formes moins graves de Covid-19 et une amélioration de la survie d’environ 90 % en cas de supplémentation régulière en vitamine D3 chez des personnes âgées soit hospitalisées [9], soit résidant en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) [10]. (Lire COVID-19: un rôle de plus en plus prégnant pour la vitamine D).
L’ensemble de ces données a incité les signataires à proposer une supplémentation en vitamine D en prévention de la maladie et des formes graves de Covid-19.
Quelle supplémentation en vitamine D en l’absence d’infection Covid ?
« L’objectif est que la majorité de la population générale atteigne une concentration de 25(OH)D sérique entre 20 et 60 ng/mL », indiquent les médecins.
L’objectif est que la majorité de la population générale atteigne une concentration de 25(OH)D sérique entre 20 et 60 ng/mL
En accord avec les recommandations actuelles (hors Covid-19), ils préconisent donc des apports de1 200 UI/j soit une prise de 50 000 UI de vitamine D3 par mois pour la population générale. Le double de cette dose devrait être prescrit aux sujets obèses.
Les signataires rappellent que « le dosage de la 25(OH)D n’est pas nécessaire (et n’est de plus pas remboursé en France) dans ce cas ».
« La crainte de lithiase rénale liée à la prescription de vitamine D sans dosage préalable (et donc sans confirmation de la carence en vitamine D) peut être rassurée par les résultats des grands essais cliniques récents contrôlés contre placebo qui ont clairement montré qu’il n’y avait pas eu d’augmentation des lithiases rénales chez plusieurs dizaines de milliers d’individus non carencés en vitamine D (avec une 25(OH)D moyenne de l’ordre de 30 ng/mL à l’inclusion) qui avaient reçu pendant plusieurs années 2 000 UI/j,36 4 000 UI/j,37 ou 100 000 UI/mois », insistent-ils[11].
Concernant certains groupes de patients particuliers : les patients en situation de « fragilité osseuse », les patients insuffisants rénaux chroniques avec DFG < à 45 mL/min/1,73 m², les patients ayant une malabsorption ou en post-chirurgie bariatrique malabsortive de type bypass, et les patients âgés chuteurs, la concentration-cible se situe plutôt entre 30 et 60 ng/mL. Le dosage de la 25(OH)D est alors nécessaire, et les modalités de supplémentation sont décrites dans les recommandations du Groupe de recherche et d’information sur l’ostéoporose (GRIO).[12]
Chez les patients âgés et très âgés, un rythme de recharge étalé sur plusieurs semaines peut être proposé afin d’éviter tout effet indésirable lié à la réplétion trop rapide[13,14].
Enfin, « chez les enfants de 0 à 18 ans, et même si la Covid-19 est souvent peu sévère dans cette population (exception faite des rares cas de syndrome inflammatoire multi-systémique), la supplémentation en vitamine D mérite d’être poursuivie au cours de cette pandémie ».
Quelle supplémentation en vitamine D en cas de Covid-19 avérée ?
Concernant la prévention et/ou l’amélioration des formes graves de Covid-19, les experts proposent de prescrire chez l’adulte, en traitement adjuvant, une dose de charge de vitamine D dès le diagnostic de Covid-19, par exemple 100 000 UI de vitamine D3 per os (200 000 UI chez les patients obèses et/ou ayant d’autres facteurs de risque de gravité de Covid-19) à renouveler après une semaine[13].
« Cette supplémentation permet de faire monter rapidement la concentration de 25(OH)D sans aucun risque en dehors de situations cliniques rares (sarcoïdose et autres granulomatoses) ou très rares (mutations inactivatrices de certains gènes comme CYP24A1), et d’obtenir un statut vitaminique D satisfaisant pendant la période critique d’environ un mois au cours de laquelle les patients atteints de Covid-19 peuvent déclarer des formes graves. L’intérêt potentiel de posologies plus élevées est actuellement à l’étude », précisent les experts[15].
Quels sont les risques en cas d’excès d’apport en vitamine D ?
D’après l’Anses, le recours aux compléments alimentaires contenant de la vitamine D peut exposer à des apports trop élevés et provoquer une hypercalcémie, c’est à dire un taux trop élevé de calcium dans le sang, entraînant la calcification de certains tissus, et des conséquences cardiologiques et rénales.
Au-delà de l’hypercalcémie, l’excès d’apport en vitamine D peut causer d’autres troubles tels que des maux de tête, des nausées, des vomissements, une perte de poids ou encore une fatigue intense.
*Avec le soutien de l’Association française de lutte antirhumatismale (AFLAR), de la Société française d’endocrinologie (SFE), de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG), de la Société française de pédiatrie (SFP), de la Société française d’endocrinologie et diabétologie pédiatrique (SFEDP), et de la Société francophone de néphrologie dialyse et transplantation (SFNDT).
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Citer cet article: COVID-19 : des médecins appellent à supplémenter la population en vitamine D - Medscape - 26 janv 2021.
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