La resynchronisation dans l’insuffisance cardiaque. Quotidien et innovations.

Dr Jean-Pierre Usdin

Auteurs et déclarations

25 janvier 2021

Virtuel – Lors des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (eJESFC) , une session a fait le point sur la resynchronisation (RCT) dans l’insuffisance cardiaque, abordant plusieurs questions pratiques et les innovations en cours ou attendues[1].

Resynchronisation au cours de l’IC, avec ou sans défibrillateur ?

Quand opter pour une resynchronisation avec un défibrillateur implantable dans l’insuffisance cardiaque ?

Concernant la littérature sur le sujet, le Dr Serge Boveda (Toulouse) a rappelé que l’efficacité de la resynchronisation en elle-même est indiscutable.« La RCT dans l’IC diminue significativement les décès comme l’a montré l’étude CARE HF ». Cependant, il souligne qu’il n’y a pas ou peu « d’études randomisées opposant l’option RCT-P vs RCT-D. »

Ce que l’on sait, c’est que le défibrillateur ne semble pas utile dans certains groupes de patients, notamment chez les patients qui ont une myocardie non ischémique, a souligné l’orateur.

 
Le défibrillateur ne semble pas utile dans certains groupes de patients.
 

Dans l’essai DANISH comparant des patients avec une étiologie non ischémique ayant un stimulateur ou un défibrillateur[2], les auteurs notent chez tous les patients une diminution du nombre de morts subites avec le défibrillateur mais sans effet significatif sur la mortalité globale. Dans le sous-groupe resynchronisé (58% des patients de l’étude) la mortalité toutes causes est superposable que les patients soient resynchronisés avec ou sans défibrillateur.

Dans le même sens, une large étude observationnelle européenne[3] [à laquelle l’orateur a participé] va dans le sens d’une utilité de la resynchronisation RCT-D seulement en cas de pathologie ischémique. L’étude a porté sur plus de 5 000 patients, suivis 3 ans, , tous resynchronisés, répertoriés en deux sous-groupes : cardiomyopathie ischémique (CMI) et cardiopathie non ischémique (CMNI). Il en ressort « une diminution significative de la mortalité globale chez les patients ayant une CMI resynchronisé RCT-D, cet effet favorable du défibrillateur n’est pas retrouvé chez les patient ayant une CMNI », commente Serge Boveda.

En prévention primaire ce sont les comorbidités qui guident le choix 

Alors, en pratique, comment choisir ? En se référant aux recommandations européennes de 2013 [4] en prévention primaire (IIa B) pour l’option RCT-P ou RCT-D. Le Dr Boveda souligne le bon sens de ces recommandations. Elles tiennent compte des critères cliniques: maladie ischémique ou non, âge (≤75 ans), comorbidité, espérance de vie, maladie cardiaque évoluée, insuffisance rénale, cachexie.

« La mortalité globale RCT-P/RCT-D est la même, par contre les complications (chocs inappropriés, déplacement de sondes, infections…) et le coût sont plus élevés avec la RCT-D, le choix d’un appareillage plus simple en prévention primaire doit donc être recommandé chez les plus fragiles », précise l’orateur.« L’idéal serait d’avoir dans le futur un critère d’identification des patients à risque de mort subite de façon à déterminer ceux qui bénéficieraient le plus d’un appareil ou de l’autre », conclut-t-il.

European Heart Journal, 2013

Comment améliorer la réponse à la RCT ?

En préambule à cette question de l’amélioration de la réponse à la resynchronisation, le Pr Jean-Claude Deharo (Marseille), modérateur de la session, a souligné « qu’un délai de 6 mois mérite d’être observé avant de conclure à une éventuelle inefficacité de la resynchronisation. Cette période sera mise à profit pour titrer les médications. » « L’amélioration n’apparait pas d’emblée et surtout c’est la clinique qui est le critère à prendre en compte », précise-t-il.

 
Un délai de 6 mois mérite d’être observé avant de conclure à une éventuelle inefficacité de la resynchronisation  Pr Jean-Claude Deharo
 

En cas de résultats insuffisants, pour améliorer la réponse à la RCT, le Dr Daniel Gras (Nantes) a décrit plusieurs approches.

Notamment, l’implantation d’une sonde quadripolaire ventriculaire gauche (VG). Cette option a un net avantage sur la stimulation bipolaire, car le remodelage inverse est favorisé tout en évitant la stimulation phrénique délétère. « Avec cette approche, une diminution de la mortalité et des hospitalisations pour IC est suggérée par une méta analyse portant sur 30 000 patients » [5], commente Daniel Gras.

La seconde piste actuellement à l’étude concerne la création d’algorithmes dédiés. Un essai portant sur 200 centres mondiaux, 5 000 patients est en cours [mortalité et hospitalisations pour IC] suivis pendant 5 ans.

Une autre approche : la fusion ventriculaire avec activation nodo-hisienne initiée par le VG est aussi l’objet d’une étude.

 Aussi, l’option qui consiste à ajouter une seconde sonde VG n’apporte pas de bénéfice, quant à la stimulation multipoints très pointue au plan technique, elle est réservée à l’approche individuelle. 

La stimulation endocardique du ventricule gauche par une sonde endocavitaire placée par voie Trans septale a quant à elle dû être abandonnée en raison d’évènements thrombo emboliques très élevés (Etude ALSYNC ). Celle par ultrasons doit être évaluée.

Enfin, la stimulation hisienne permettrait d’obtenir un effet de remodelage inverse qui mérite d’être confirmé [7. ]Les modérateurs précisent que la stimulation hisienne, difficile techniquement, n’est pas une approche de première intention, qu’elle doit vraiment être réservée aux non-répondeurs.

Conduite à tenir devant une arythmie au cours d’une RCT. Agir vite !

En préambule, le Dr Olivier Piot (Saint-Denis) a tenu à préciser que « la RCT améliorant la fonction ventriculaire a en elle-même un effet antiarythmique ». Mais, il a aussi souligné que la cardiopathie sous-jacente, l’insuffisance cardiaque, est génératrice d’arythmies. Un point important puisque, « les troubles du rythme sont un facteur de non-réponse à la resynchronisation ».

Agir vite car le trouble du rythme inhibe l’effet de la resynchronisation

Olivier Piot insiste sur la nécessité de la prise en charge rapide des troubles du rythme quand ils surviennent car ils sont responsables d’un échec de la RCT en plus de l’action délétère sur la cardiopathie. En cas de RCT-D, les arythmies peuvent aussi déclencher des chocs inappropriés. 

Dans l’étude MADIT CRT[8] (800 patients), les auteurs constatent qu’un pourcentage de RCT en deçà de 90% majore le risque survenue de décompensation cardiaque. Le remodelage inverse sera d’autant moins bon qu’il y aura plus d’extrasystoles. L’effet surviendrait à un taux très faible (0,1% d’extrasystoles).

« Il est important d’effectuer un holter ECG pour démasquer une arythmie quand la RCT n’apparait pas optimale. », souligne le Dr Piot.

 
Il est important d’effectuer un holter ECG pour démasquer une arythmie quand la RCT n’apparait pas optimale  Dr Olivier Piot
 

Pour lui, la prise en charge des arythmies doit être plus agressive que chez le patient insuffisant cardiaque sans RCT. La fibrillation auriculaire (25% des patients) nécessite parfois une ablation du nœud AV voire une ablation des veines pulmonaires selon le contexte clinique.

Les troubles du rythme ventriculaire, élément au pronostic péjoratif de surcroît, sont pris en charge par traitement médical ou ablation. « Cette technique a montré son efficacité sur l’amélioration de la FE et d’autres paramètres échographiques quand les extrasystoles ventriculaires sont nombreuses et sont un préjudice à la resynchronisation », indique-t-il.

En conclusion, il insiste sur le suivi du pourcentage de resynchronisation, élément majeur dans la prise en charge des troubles du rythme dans le cas de la RCT, le taux optimal de RCT serait ≥ 97%.

Pour dépister les troubles du rythme et anticiper les conséquences néfastes sur la synchronisation, le Pr Deharo a insisté sur l’intérêt majeur de la télésurveillance.

La stimulation sans sonde VG, où en est-on ?

Le Pr Pascal Defaye (Grenoble) a rappelé que la stimulation épicardique est un succès dans 90 à 98 % des cas mais qu’une alternative est nécessaire dans plusieurs cas. Lorsque les patients sont non-répondeurs, que les implantations de sondes VG sont un échec (7% des cas) en raison problèmes anatomiques du sinus coronaire ou de complications lors de l’implantation, ou en cas de risque de thromboses (contre-indications relatives), l’alternative thérapeutique est, selon l’orateur, la stimulation endocavitaire par le WiSE RCT System.

Le Pr Defaye est l’un des chercheurs participant à l’étude multicentrique SOLVE CRT [9] qui doit montrer l’intérêt du stimulateur endocardique VG synchronisé VD via les ultrasons WiSE RCT System. Il s’agit d’une technique particulièrement innovante, réservée actuellement aux échecs de la RCT classique, qui intègre un transducteur ultrasonographique sous musculaire placé dans une fenêtre acoustique en regard du ventricule droit, celui-ci transmet les impulsons soniques au micro stimulateur (9mm X 2.1mm) fixé dans VG par voie aortique rétrograde. Les ultrasons sont transformés en impulsions électriques par le micro stimulateur.

Une première publication avec ce dispositif [10] concernant 8 patients vient d’être très récemment rapportée montrant un affinement des QRS et une amélioration des paramètres classiques de la RCT.

Pascal Defaye insiste « la stimulation endocardique du VG est faisable, efficace, c’est un excellent moyen quand la voie classique a failli ».

Pour le moment, le VD est électro entrainé de façon traditionnelle mais l’avenir est au « tout sans sonde », « sous peu le WiSE RCT sera associé au Micra VD. » Le dernier stade sera l’écoute auriculaire grâce au MICRA-AV.

 
La stimulation endocardique du VG est faisable, efficace, c’est un excellent moyen quand la voie classique a failli  Pr Pascal Defaye
 

A noter, certes, il n’y a pas de sonde intracardiaque mais il n’en n’est pas de même au niveau thoracique : le transducteur sous musculaire est alimenté par une batterie sous cutanée en région axillaire, un câble tunnelisé dans paroi thoracique relie les appareils.

En réponse à une question du Pr Deharo, le Pr Defaye a précisé que des implantations de premières intention à l’aide du WiSE System ont déjà été effectuées chez les patients pour lesquels les voies d’abord habituelles sont difficiles ou chez les patients ayant des antécédents de complications thrombotiques dans le cadre de l’étude SOLVE-CRT (5 centres en France).

En conclusion de cette session alliant questions de pratique quotidienne et perspectives de développement de la technique, le Pr Boveda a souligné que la resynchronisation est « une technique qui a presque 20 ans et qui est parfaitement mure » mais « qu’elle continue de connaitre un certain nombre d’évolutions qui vont dans le sens d’une simplification de la technique, d’une amélioration de la synchronisation ».

Conflits d’intérêts

S Boveda:  Medtronic, Boston Scientific, Microport, BMS, Zoll. D Gras : Abbott, Boston, Biotronik, Zoll. O Piot : Abbott, Biosens, Webster, Medtronic, Microport. P Defaye: Medtronic, Boston Scientific, Microport.

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