Paris, France – Lors d’une conférence organisée par Contrepoints santé, le Pr Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique Covid-19 a annoncé une probable troisième vague en France courant mars due aux variants et incite les personnes âgées vulnérables à s’auto-isoler en attendant le vaccin.
« La question des nouveaux variants bouscule la donne »
« C’est avec le vaccin que nous allons nous sortir de cette pandémie », a expliqué le Pr Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique Covid-19, lors d’une conférence intitulée « entre vaccins et variants, une course contre la montre ». Il se déclare « optimiste, mais pas à court terme, plutôt pour la fin de l’année, vers l’automne ».
Pour lui, la situation actuelle est « une sorte de paradoxe où l’on a depuis plus d’un mois des chiffres stables qui s’aggravent lentement. Nous avons passé la phase suite aux fêtes de fin d’année sans explosion des cas, mais on ne peut pas tenir longtemps cette situation un peu instable. Cela va déraper », estime-t-il.
La France connaît néanmoins une meilleure situation par rapport à d’autres pays européens comme l’Angleterre ou l’Allemagne. « La question des nouveaux variants bouscule la donne », pointe le Pr Delfraissy, qui note la présence de plusieurs variants : anglais, sud-africain, brésilien, suisse. « Pourquoi des variants de ce type un an plus tard ? C’est une vraie question. Les coronavirus mutent, nous le savions, mais là nous avons des mutations clivantes », observe-t-il. Ces virus mutants ne sont pas plus pathogènes, mais ils ont une transmissibilité nettement plus élevée que le virus classique. Ils font passer un R0 de 1 à 1,4. « Nous avons beaucoup de données sur le variant anglais, qui est apparu dès septembre en Angleterre et qui représente désormais plus de 50 % des variants dans ce pays. Ce virus est en France depuis la mi-décembre et la dernière enquête montre qu’il représentait 1,4 % des tests PCR la semaine dernière. Mais si on refait l’enquête la semaine prochaine nous aurons probablement dans les 5 % », prévoit le Pr Delfraissy.
Le variant sud-africain est moins connu et « nous avons moins de liens avec l’Afrique du Sud donc nous pouvons encore essayer de limiter la propagation du virus sud-africain », estime-t-il.
Probable troisième vague en mars
Quid de l’efficacité des vaccins ? « Pour l’instant, avec les deux premiers vaccins disponibles sur le marché, les personnes qui ont été vaccinées ont des anticorps qui permettent de protéger contre le virus anglais » note-t-il. En revanche « concernant le virus sud-africain, nous sommes beaucoup plus prudents. Nous ne savons pas encore si les vaccins vont protéger contre ce variant ».
Le Conseil scientifique, dans son dernier avis publié le 12 janvier, estime qu’il est possible que la France se retrouve avec 30 à 40 % de variant anglais fin mars et un nombre de vaccinés encore limité, ce qui va probablement provoquer une troisième vague. « Pour éviter un scénario de ce type, il faut garder les mesures barrières, vacciner un maximum de personnes et limiter la propagation du virus. Pour cela, il faudra aller vers des mesures plus restrictives », estime le Pr Delfraissy. Il attend les résultats de la deuxième enquête sur le variant anglais, d’ici une dizaine de jours, pour savoir où il en est.
Interrogé sur les retards dans le démarrage de la campagne de vaccination française, l’infectiologue souligne que « ce n’est pas une vision française de vacciner les plus anciens en priorité. Les deux vaccins sur le marché protègent surtout contre la survenue de formes graves, mais on ne sait toujours pas s’ils protègent contre la transmission du virus. Il est donc normal qu’on s’adresse en priorité à ceux qui risquent de faire des formes graves. Le vaccin est là pour sauver des vies », insiste-t-il, rappelant que la première vague a causé 30 000 décès et la deuxième vague en a déjà provoqué 35 000.
Il observe que « mi-décembre, il y avait une forme de scepticisme de la population française vis-à-vis des vaccins. Mais j’avais fait le pari que l’appétence pour le vaccin augmenterait en janvier. C’est le cas et cette appétence va aller en grandissant. Nous avons démarré lentement mais le modèle de vaccination va fonctionner dans les semaines à venir. L’élément bloquant, ce sera la capacité des industriels à fournir suffisamment de vaccins », prévoit-il. Il rappelle qu’un troisième vaccin est attendu, celui d’Astra Zeneca, mais que ses résultats sont moins bons que les deux premiers.
Auto-isolement pour les personnes âgées vulnérables
Autre mesure préconisée par le Conseil scientifique : l’auto-isolement pour les personnes âgées vulnérables. « Cette proposition a été assez peu reprise par la presse et pas du tout par les politiques, s’étonne le Pr Delfraissy. Nous recommandons, vu les délais pour se faire vacciner, que les personnes âgées vulnérables s’auto-isolent avant leur vaccination, en restant chez elles sans voir leurs petits-enfants ou leurs amis ».
Pour ce qui est de convaincre les personnes réticentes à la vaccination (voir encadré ci-dessous), « un délai plus important est nécessaire entre les informations fournies par les professionnels de santé et la vaccination. De plus, le fait que de nombreuses autres personnes se fassent vacciner avant elles joue un rôle positif », commente le Pr Delfraissy.
Intentions de vaccination selon 2 sondages
Selon un sondage BVA et un sondage Odoxa, les intentions de vaccination au 3 janvier sont de 56 %, contre 42 % en décembre 2020. Elles sont de 45 % chez les moins de 50 ans et 77 % chez les 75 ans et plus. Les cadres sont 69 % à souhaiter se faire vacciner, contre 45 % chez les ouvriers et employés. Les raisons de ne pas vouloir se faire vacciner sont la peur des effets secondaires pour 73 % des personnes interrogées et le fait que les vaccins aient été conçus trop rapidement pour 62 % d’entre elles. 38 % évoquent les enjeux financiers associés aux vaccins.
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Citer cet article: COVID-19 : vaccins contre variants, la course contre la montre - Medscape - 21 janv 2021.
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