Séquelles du COVID-19: la SPLF appelle à la création d’un parcours de soins dédié

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

18 janvier 2021

Paris, France — Pour organiser le suivi et la prise en charge à long terme des patients présentant des séquelles après un COVID-19, la Société de pneumologie de langue française (SPLF) réclame la création d’une filière de soins spécifique, qui permettrait notamment une coordination des pratiques entre les pneumologues, les centres de soins et de réadaptation, ainsi que les médecins généralistes.

Au cours d’une conférence de presse en ligne organisée en amont du 25ème congrès de pneumologie de langue française (CPLF), qui aura lieu sous forme virtuelle le 29 janvier, le Pr Chantal Rahérison-Semjen (CHU de Bordeaux), présidente de la SPLF, a évoqué l’émergence d’une « nouvelle maladie respiratoire chronique » post-COVID, qui nécessite une prise en charge adaptée [1].

Chez les patients conservant des symptômes du Covid, « il semble que certains vont développer une maladie bronchique ou interstitielle », a indiqué la pneumologue. Si ces complications sont proches de ce qui est déjà observé après d’autres infections respiratoires, telle que la grippe, « on craint l’apparition d’atteintes interstitielles autour d'une fibrose pulmonaire ».

Par ailleurs, on constate que les symptômes persistants ne concernent pas exclusivement les patients ayant développé des formes sévères de la maladie. « Certains ont gardé des séquelles ou une forme de COVID long, alors qu’ils étaient atteints d’une forme considérée comme mineure, traitée à domicile », voire asymptomatique.

Fibrose pulmonaire et hyperventilation

Par conséquent, « il y a besoin d’organiser un parcours de soins et un suivi à long terme de ces patients », a souligné le Pr Rahérison-Semjen. « Il est important d’avoir une filière de soins spécifique à partager avec d’autres praticiens non pneumologues », ce qui impliquerait « la reconnaissance du suivi respiratoire » et de son potentiel bénéfice en post-COVID.

 
Il est important d’avoir une filière de soins spécifique à partager avec d’autres praticiens non pneumologues. Pr Chantal Rahérison-Semjen
 

L’observation de séquelles fibreuses, ainsi que d’un syndrome d’hyperventilation chez les patients présentant des symptômes post-COVID est avancée pour justifier la mise en place d’un parcours de soins, dans lequel seraient impliqués les différents acteurs, dont les médecins généralistes, pour améliorer le suivi et la prise en charge de ce type de séquelles.

Les pneumologues sont donc mobilisés « pour expliquer aux tutelles de santé à quel point il est nécessaire d’avoir un réseau de soins centré autour du pneumologue pour répondre à la demande de ces patients », indique le Pr Rahérison-Semjen. Il s’agit également de faire prendre conscience de « l’importance de cette nouvelle maladie respiratoire potentiellement chronique qui est en train d’émerger ».

Le SPLF est actuellement en train de définir les contours de cette filière, avant une éventuelle officialisation. Le réseau s’appuierait notamment sur les structures de réhabilitation respiratoire déjà existantes, mais probablement insuffisantes, a précisé sa présidente.

Beaucoup de patients concernés

Ce parcours de soins spécifique semble d’autant plus justifié qu’il pourrait concerner « beaucoup de patients » atteints du Covid-19. Une étude chinoise, publiée dans le Lancet a donné récemment un aperçu préoccupant, en montrant que 78% des patients hospitalisés après une infection par le SARS-COV2 présentent encore, six mois plus tard, au moins un symptôme [2].

En France, en se basant sur des études de quelques centres hospitaliers, près de la moitié des patients hospitalisés présentent, à un mois, une atteinte respiratoire fonctionnelle, a indiqué le Pr Rahérison-Semjen. Ces données ne sont toutefois pas représentatives et il est encore difficile d’estimer avec précision l’incidence des séquelles post-COVID, précise-t-elle.

Les séquelles se manifestent généralement par des essoufflements et par une incapacité à réaliser les activités quotidiennes, qui ne posaient pas de problème avant l’infection par le SARS-CoV2. « Elles peuvent aussi se traduire par des atteints fonctionnelles qui apparaissent sur spirométrie. Des atteintes résiduelles peuvent parfois apparaitre au scanner. »

 
Les séquelles se manifestent généralement par des essoufflements et par une incapacité à réaliser les activités quotidiennes.
 

Pour mieux comprendre ces séquelles et combler le manque de données sur le pronostic respiratoire de ces patients, la communauté de la pneumologie française a mis en place l’étude nationale Méta-Cohorte Pneumo-Covid, avec l’objectif d’« évaluer le devenir des patients ayant une infection à COVID-19 sévère ou non, ayant nécessité une hospitalisation ou non ».

Evaluer les séquelles pulmonaires

Les patients incluent dans l’étude bénéficient du suivi proposé dans le guide pratique de la SPLF, publié en mai dernier [3]. Celui-ci détaille notamment le bilan fonctionnel minimal pouvant être réalisé par tout médecin afin de savoir quels sont les patients à adresser à un pneumologue. Le suivi proposé a une durée d’un an, avec une première évaluation entre deux et quatre mois.

 
Le suivi proposé a une durée d’un an, avec une première évaluation entre deux et quatre mois.
 

L’évaluation de l’essoufflement et de la dyspnée a été rendu « accessible aux médecins généralistes », grâce à la mise en place d'une échelle analogique similaire à celle utilisée pour évaluer la douleur, précise le Pr Rahérison-Semjen. « Il faut ensuite interroger le patient sur ses activités de la vie quotidienne », qui donnent « un bon reflet de l’essoufflement ».

La pierre angulaire de l’évaluation reste l’épreuve respiratoire pour mesurer la capacité respiratoire. « La mesure de la respiration par spirométrie a toute sa place dans l’évaluation minimale ». Le pneumologue peut ensuite évaluer si des examens complémentaires sont nécessaires (épreuve fonctionnelle au repos, à l’effort, pendant le sommeil, scanner…), en tenant compte de la forme initiale de Covid.

Adapter la prise en charge

Pour le Pr Rahérison-Semjen, « il est très important de s’assurer que l’asthénie, dont se plaignent beaucoup de patients, n’est pas le reflet d’un essoufflement ». Cette fatigue persistante pourrait être caractéristique d’un COVID long, qu’il reste à définir (voir encadré).

La prise en charge des séquelles respiratoires post-infection à SARS-CoV-2 a également fait l’objet d’un guide de la SPLF, publié en novembre dernier [4]. Celui-ci contient 17 propositions diagnostiques et thérapeutiques précisant le bilan minimal, la place de l’épreuve d’effort ou de la réhabilitation, ainsi que des médicaments antifibrosants.

Une prise en charge non médicamenteuse par une kinésithérapie respiratoire et une réhabilitation peut notamment s’avérer efficace dans le traitement du syndrome d’hyperventilation, très fréquemment rencontré chez ces patients, a précisé la pneumologue. « Plus cette prise en charge est mise en place tôt, meilleur est le résultat ».

 
Une prise en charge non médicamenteuse par une kinésithérapie respiratoire et une réhabilitation peut notamment s’avérer efficace dans le traitement du syn-drome d’hyperventilation.
 

Reste à savoir si les structures de réhabilitation existantes sont suffisantes pour répondre à la demande de soins. « Chacun fait désormais de son mieux pour proposer des solutions pour ces patients dans le cadre d’un parcours de soins à l’échelle territoriale », a conclu le Pr Rahérison-Semjen.

Séquelles post-Covid ou Covid long ?

Faut-il parler de séquelles du Covid, de Covid long, voire plus largement de syndrome post-Covid ? « Pour le moment, ce n’est pas encore très clair », a précisé le Pr Rahérison-Semjen. « On peut considérer de manière arbitraire que le Covid long est un Covid avec des symptômes persistant au-delà de trois mois, mais c’est en cours de discussion. »

Sollicitée par la Haute autorité de santé (HAS) pour se prononcer sur la prise en charge du Covid long, la SPLF cherche, en effet, à mettre en évidence ses caractéristiques majeures, afin de lui apporter une définition précise. « On devrait remettre notre copie au ministère de la Santé d’ici la fin du mois ».

 

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