Washington, Etats-Unis — Comparativement à tout type de vaccin confondu, le vaccin à ARNm de Pfizer/BioNTech utilisé en prévention du COVID-19 est associé à un risque de choc anaphylactique dix fois plus élevé, estiment deux allergologues américaines, dans une lettre publiée dans le NEJM [1]. La présence de polyéthylène glycol (PEG) comme excipient pourrait être à l’origine de cette réaction allergique aiguë, qui reste toutefois rare.
Dans cet article, les Drs Mariana Castells (Women’s Hospital, Boston, Etats-Unis) et Elizabeth Philipps (Vanderbilt University Medical Center, Nashville, Etats-Unis) énumèrent plusieurs cas de choc anaphylactique survenus chez des professionnels de santé après injection de la première dose du vaccin à ARNm de Pfizer/BioNTech, puis de celui du laboratoire américain Moderna.
Les premiers cas sont apparus dès le lendemain du lancement de la campagne de vaccination au Royaume-Uni, premier pays à utiliser massivement un vaccin à ARNm. Ils ont concerné deux femmes, âgées de 40 et 49 ans, ayant des antécédents d’allergie alimentaire ou médicamenteuse. Elles portaient sur elles en prévention un stylo auto-injectable d’adrénaline.
Ces deux cas ont amené les autorités britanniques à déconseiller la vaccination aux personnes présentant des antécédents de crises allergiques aiguës. En France, le vaccin à ARNm est contre-indiqué « chez les personnes présentant des antécédents de manifestations graves d'allergie de type anaphylactique », selon la Haute autorité de santé (HAS), qui recommande de porter attention aux allergies des individus avant de procéder à la vaccination.
Plusieurs cas aux Etats-Unis
D’autres réactions anaphylactiques ont ensuite été recensées aux Etats-Unis. Là encore, au lendemain du lancement de la campagne de vaccination, un premier choc anaphylactique est survenu en Alaska dans les dix minutes qui ont suivi l’injection chez une femme de 32 ans, qui cette fois ne présentait pas d’antécédents d’allergie connus, indiquent les auteurs.
Par la suite, « après la vaccination de près de deux millions de professionnel de santé, plusieurs autres cas d’anaphylaxie associés au vaccin à ARNm de Pfizer/BioNTech ont été rapportés aux Etats-Unis ».
Le deuxième vaccin à ARNm, celui du laboratoire américain Moderna, a commencé à être administré peu après celui de Pfizer. « Quelques cas potentiels d’anaphylaxie ont été rapportés, dont celui concernant un professionnel de santé allergique aux crustacés et portant sur lui un stylo auto-injectable d’adrénaline. »
En considérant uniquement les réactions anaphylactiques survenues après injection du vaccin de Pfizer/BioNTech, les immunologues évaluent l’incidence à 1 cas pour 100 000 doses administrées, soit un risque dix fois plus élevé en comparaison avec l’incidence associée à l’ensemble des autres vaccins, évaluée à un cas d’anaphylaxie pour un million de doses injectées.
Concernant le vaccin à ARNm de Moderna, il est encore trop tôt pour connaître le risque de choc anaphylactique et savoir s’il est similaire à celui associé au vaccin de Pfizer, notent les spécialistes.
Le PEG déjà en cause
Plus connue pour être une réaction allergique excessive à certains aliments ou médicaments, le choc anaphylactique est aussi une complication pouvant apparaitre après une vaccination.
Selon le site « Vaccination Info service », « elle peut concerner tous les patients et tous les vaccins », ce qui implique « de surveiller les patients dans les quinze minutes suivant la vaccination ». Si l’antigène vaccinal peut être lui-même à l’origine de cette réaction, « les additifs sont plus souvent en cause ».
Couramment employé comme excipient dans la fabrication de médicaments ou de cosmétiques, le polyéthylène glycol (PEG) fait figure de suspect numéro un. En effet, le PEG est utilisé dans les deux vaccins à ARNm pour stabiliser et prolonger la demi-vie des capsules lipidiques transportant l’ARNm, en formant à leur surface une couche hydrophile, expliquent les immunologues.
Elle précisent que le PEG a déjà été mis en cause dans des réactions anaphylactiques après ingestion de médicaments ou de préparation colique en contenant, mais aussi après injection de produit de contraste ou d’hormones. « Le risque de sensibilisation semble plus élevé avec les médicaments injectables contenant du PEG de plus haut poids moléculaire ».
Les autres vaccins également à risque ?
Les deux vaccins à ARNm contiennent le même type de PEG. « La présence de PEG 2000 dans les vaccins à ARNm amène à s’inquiéter d’une possible implication de ce composant dans la réaction anaphylactique », estiment les auteurs. Une inquiétude qui apparait justifiée: « à ce jour, aucun autre vaccin contenant du PEG comme excipient n’a été largement utilisé».
Selon elles, il convient de rester également vigilant avec les autres vaccins anti-Covid, comme celui d’Oxford/Astrazeneca à vecteur viral non réplicatif, qui contient du polysorbate 80, un excipient avec « une structure proche du PEG ». Les deux autres vaccins, qui devraient prochainement être validés (celui de Janssen à vecteur viral et de Novavax à base de protéine virale) contiennent aussi du polysorbate 80.
« Toute personne ayant des antécédents de réaction anaphylactique à l’un des composants des vaccins à ARNm SARS-Cov-2 doivent éviter ces vaccins », conformément aux recommandations du CDC américain (Center for Disease Control), indiquent les immunologues. Dans une démarche préventive et en attendant d’avoir plus de données, « cette recommandation pourrait être élargie aux patients ayant des antécédents de réaction allergique au PEG ».
Selon elles, ces cas d’anaphylaxie, même s’ils restent rares, soulignent la nécessité d’une « feuille de route de sécurité » pour assurer une surveillance accrue, mais aussi « définir les mécanismes en cause, identifier les populations à risque de développer de telles réactions et mettre en oeuvre des stratégies pour faciliter la gestion et la prévention » de ces complications.
Alors que des millions de personnes vont être prochainement vaccinées et que l’apparition d’effets secondaires non observés pendant les essais cliniques est presque inévitable, « nous devons nous préparer à élaborer des stratégies pour maximiser l’efficacité et la sécurité » des vaccins, estiment les deux spécialistes. Une approche essentielle pour « maintenir la confiance du public » et limiter les hésitations face à la vaccination.
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Citer cet article: Choc anaphylactique après vaccin anti-COVID: le polyéthylène glycol suspecté - Medscape - 6 janv 2021.
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