Syphilis, gonococcie, Chlamydia, VIH… comment ont évolué les IST au cours des deux dernières années en France? Quid de l’effet COVID sur le dépistage et la transmission?
TRANSCRIPTION
Benjamin Davido — Bonjour et bienvenue sur Medscape. Nous allons parler aujourd’hui de l’actualité des infections sexuellement transmissibles (IST) avec le Dr Pierre de Truchis, spécialiste des IST.
Le VIH
Benjamin Davido — Pour commencer, très brièvement, quelle est l’évolution de la séropositivité du VIH avec le dépistage actuellement ?
Pierre de Truchis — En France, la situation est un peu paradoxale. Le nombre de nouveaux patients est à peu près stable chaque année. Il y a eu une petite diminution dans la dernière année, liée à plusieurs facteurs mais non pas au fait qu’on dépiste moins, puisque comme vous le voyez ci-dessous sur cette courbe, le nombre de dépistages (en bleu) augmente alors même que le taux de positivité diminue.

C’est probablement l’effet combiné de la prévention large du VIH, de tous les moyens de prévention en même temps, y compris la PrEP et aussi peut-être le fait qu’il y ait moins d’immigration récemment. Cela pourrait expliquer cette petite diminution du taux de positivité en France.
La syphilis
Benjamin Davido — Observe-t-on la même chose pour les autres IST ? Quid de la syphilis ?
Pierre de Truchis — Il est très clair que dans toute l’Europe, et je dirais probablement dans le monde entier, il y a une augmentation très importante du taux de positivité de la syphilis. Cela a été le cas dans toutes les capitales d’Europe au début des années 2000.

C’est manifestement initialement très lié aux contacts sexuels des hommes qui ont des rapports sexuels avec les hommes, mais aussi aux changements des pratiques sexuelles, de la libération de la sexualité. À partir du moment où les gens étaient protégés contre le VIH, cela a certainement joué pour expliquer cette augmentation de toutes les IST, notamment bactériennes, comme la syphilis.

Les gonococcies
Benjamin Davido — Il y a une augmentation de toutes les IST, mais étonnamment, sans dire de bêtises, ce n’est pas le cas pour le gonocoque…
Pierre de Truchis — Pour le gonocoque, il y a eu une augmentation très importante qui est un peu moins importante désormais, mais on voit par exemple que le taux de positivité est assez élevé chez les jeunes femmes, encore plus élevé que chez les jeunes hommes.

Il faut prendre ces chiffres avec précaution parce qu’il y a des biais — c’est-à-dire que les recherches de gonocoque se font plus facilement chez les femmes symptomatiques, alors que les recherches de gonocoque sont plus largement faites chez les hommes qui prennent des risques, par exemple les HSH (les hommes qui ont des rapports sexuels avec les hommes) qui vont se dépister régulièrement, même sans symptômes, et ce qui explique une partie de la discordance entre la positivité des hommes et des femmes sur ce schéma.
Par contre, quand on regarde sur le schéma suivant le nombre total de gonococcies, il y en a beaucoup plus chez les hommes parce qu’il y en a plus chez les HSH que chez les femmes dans la population entière testée ici par Santé publique France.

Les infections à Chlamydia
Benjamin Davido — Concernant cette population de HSH, est-ce que cela explique aussi l’évolution pour le Chlamydia ? Parce qu’on a l’impression que les courbes sont très parallèles entre gonocoque et Chlamydia.

Pierre de Truchis — Il y a effectivement énormément de parallélisme entre le Chlamydia et le gonocoque et c’est très largement lié à l’augmentation des maladies sexuellement transmissibles en général dans la population HSH. C’est corrélé avec l’augmentation de la sexualité par les réseaux sociaux et l’utilisation des drogues récréatives à visée sexuelle dans toute l’Europe, qui font que s’il y a une prévention pour la transmission du VIH, il n’y en a pas pour la prévention des autres IST comme la syphilis, le gonocoque ou le Chlamydia par exemple.
COVID et évolution des IST
Benjamin Davido — Par rapport à ces libérations des conduites et le caractère sociétal de l’évolution des IST, quel a été le rôle du COVID ?
Pierre de Truchis — Il est assez clair, comme vous le voyez sur ce schéma ci-dessous, qu’il y a eu une diminution importante du dépistage général, c’est-à-dire du dépistage pour le VIH mais aussi pour les autres IST au moment du premier confinement en France. Cette diminution est liée biensûr à une diminution des contacts, mais c’est surtout lié à une diminution de l’activité de dépistage dans les laboratoires qui étaient occupés à autre chose et où les gens n’allaient pas, puisqu’ils restaient confinés chez eux.

On voit, dans le dernier schéma, qu’au moment du déconfinement au mois de juin-juillet 2020, il y a eu une ré-augmentation importante du nombre de dépistages et du nombre d’IST, et à nouveau une re-diminution après l’été de l’activité de dépistage en France.

Benjamin Davido — Donc finalement on a fait majoritairement du dépistage de COVID et on a mis de côté les maladies bactériennes et les autres infections.
Pierre de Truchis — Et peut-être qu’il y a eu moins de contacts à risque d’infection sexuellement transmise pendant la période de confinement, qu’il y a eu une réaugmentation très importante au moment du déconfinement et que, probablement, au deuxième confinement il y a eu moins de diminution des prises de risque, puisque ce qu’on voit dans tous les CeGIDD et dans tous les centres, c’est qu’il continue à y avoir un taux de positivité de maladies sexuellement transmises assez élevé, même pendant la période du deuxième confinement.
Benjamin Davido — Il faut aussi souligner que le deuxième confinement a été moins strict que le premier et donc forcément il y a eu plus de contacts.
Pierre de Truchis — Exactement.
Une personne sur 5 avec une IST aux É.-U.
Benjamin Davido — Pour finir, peux-tu commenter sur la situation aux É.-U. où une personne sur cinq aurait une IST ?
Pierre de Truchis — C’est un chiffre qui est assez médiatique et inquiétant. Il faut reconnaître quand même que dans ce taux d’IST sont groupées beaucoup de choses différentes. Il y a les IST classiques dont on a parlé — le VIH, le gonocoque, le Chlamydia, la syphilis —, mais aussi les papillomavirus (et la prévalence de l’infection à papillomavirus est extrêmement importante, de l’ordre de 50 % chez les jeunes en période d’activité sexuelle). Et ils ont inclus également les hépatites B. Donc cela additionne beaucoup de situations très différentes et il faut probablement tempérer ce chiffre en se disant que toutes ces IST ne sont pas des infections à traiter immédiatement. C’est probablement un peu surestimé.
Benjamin Davido — Très bien. En conclusion je retiens que 2020 a été l’année du COVID mais aussi celle d’autres maladies infectieuses bactériennes. C’est l’année des maladies infectieuses et il faut garder le tester/tracer/isoler pour d’autres maladies, bien au-delà du SARS-CoV-2.
Merci Dr de Truchis pour ce topo et à bientôt.
Discussion enregistrée le 9 février 2021
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Citer cet article: Infections sexuellement transmissibles : les dernières données - Medscape - 25 févr 2021.
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