Le blog du Dr Dominique Savary – urgentiste, réanimateur
Le Pr Dominique Savary commente l’étude européenne ITACTIC qui évalue l’intérêt des tests viscoélastiques précoces et délocalisés chez les patients en choc hémorragique post-traumatique.
TRANSCRIPTION
Bonjour, je vous retrouve aujourd’hui pour parler de l’étude ITACTIC , publiée dans IntensiveCareMedicine en janvier 2021[1]. Elle portait sur l’intérêt des tests viscoélastiques dans le choc hémorragique post-traumatique. On connaît deux types de tests viscoélastiques: la thromboélastographie (TEG) et la thromboélastométrie (ou ROTEM). Ce sont des tests délocalisés, le plus souvent en salle de déchocage des centres de traumatologie, qui permettent d’étudier sur sang total la formation et la stabilité du caillot et donc d’orienter les protocoles d’hémorragie massive au niveau de la thérapeutique. Lorsqu’il y a une hémorragie massive, le risque de mortalité est très important — et c’est même le premier risque que l’on observe chez ces patients traumatisés sévères. Il est possible de proposer à ces patients des produits sanguins, des concentrés érythrocytaires, du plasma frais congelé et des plaquettes, le plus souvent dans d’un ratio de 1:1:1 et bien sûr de leur proposer aussi des produits hémostatiques comme des concentrés de fibrinogène ou de l’acide tranexamique, très précocement.
ITACTIC est une étude européenne incluant sept grands centres qui ont l’habitude de prendre en charge les traumatisés sévères. Les auteurs ont émis l’hypothèse que pouvoir faire des tests viscoélastiques précoces délocalisés pourrait diminuer la mortalité et le recours à des transfusions massives, avec un focus supérieur à 10 concentrés dans les 24 heures qui suivent le traumatisme. Ils ont considéré que la prévalence de ces risques était autour de 28 % dans un groupe de traumatisés sévères et donc que ces tests viscoélastiques permettraient une réduction du risque relatif de 13 %.
Entre juin 2016 et juillet 2018, près de 400 patients ont été randomisés dans ces différents centres. Tous ces patients avaient droit soit à des bilans sang classiques de coagulation, soit à un ROTEM ou à un TEG, pour connaître l’état du caillot et de la coagulation, et pouvoir adapter les protocoles d’hémorragie massive.
Il est intéressant de constater que dans cette étude il s’agissait bien de traumatisés sévères, puisque l’ISS les patients étaient autour de 26, que ces patients avaient le plus souvent des traumatismes fermés comme on peut les voir en France, et que l’admission des patients dans ces déchocages européens était autour de 69 minutes, ce qui est à peu près les délais que l’on peut voir en France, en tous cas, ceux qui sont rapportés dans de grands réseaux comme le TRENAU [Trauma system du REseau Nord Alpin des Urgences]. Il est aussi intéressant de constater que la majorité des patients ont reçu de l’acide tranexamique dans l’heure qui a suivi le traumatisme, et donc que cette pratique est vraiment entrée dans les mœurs après les études CRASH. Autre élément intéressant dans cette étude, beaucoup de patients, avant l’admission, ont reçu des concentrés érythrocytaires — au moins deux — ce qui peut être différent de nos pratiques françaises où, certainement, l’apport de concentré précoce est moins fréquent.
Résultats : dans le groupe viscoélastique, les patients ont reçu plus souvent et plus rapidement les produits sanguins que nous avons décrits précédemment, mais sur le critère de jugement principal qui était la réduction de mortalité et la réduction du recours à la transfusion massive, il n’y avait pas de différence. Pas de différence entre les patients qui ont eu des tests de coagulation classique et les patients qui ont eu des tests viscoélastiques. Certes, il y a une réduction du risque relatif qui était de 3 %, mais les auteurs n’ont pas atteint les 13 % imaginés, donc au décours de cette étude on peut penser que la diffusion de ces tests viscoélastiques pourrait nécessiter d’autres études et en particulier analyser certains sous-groupes qui bénéficieraient de leur utilisation précoce, notament les traumatisés crâniens graves.
Voilà donc une étude intéressante pour envisager la diffusion systématique de ces tests viscoélastiques dans tous les déchocages français et qui apporte un certain nombre d’éléments sur la prise en charge du choc hémorragique. Je vous remercie et je vous dis à bientôt sur Medscape.
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Citer cet article: Quel intérêt des tests viscoélastiques chez les traumatisés sévères ? - Medscape - 10 mars 2021.
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