Virtuel — Le comité de cancérologie de l’Association Française d’urologie (AFU) a mis a jour ses recommandations sur la prise en charge du cancer de la prostate[1]. Parmi les nouveautés: le renforcement de la place de l’IRM dans le diagnostic du cancer de la prostate, pour favoriser les biopsies ciblées, dans le cadre notamment de la surveillance active des tumeurs à faible risque évolutif.
Les principales lignes de cette actualisation ont été présentées lors du forum du comité de cancérologie du 114ème congrès de l’AFU, qui s’est déroulé cette année en virtuel. La mise à jour apporte des éléments nouveaux sur la génétique de ce cancer, les moyens diagnostiques, le dépistage précoce, ainsi que sur la prise en charge thérapeutique, notamment des cancers métastatiques.
« L’effervescence scientifique dans le cancer de prostate est grande et a conduit ces dernières années à la réalisation de nombres d’études ayant motivé une actualisation, dans l’intervalle de la rédaction de nouvelles recommandations », a commenté, dans une newsletter de l’AFU, le Dr François Rozet (Institut Mutualiste Montsouris, Paris), qui a supervisé la rédaction de cette mise à jour.
Les dernières recommandations ont été publiées en 2018. Les nombreux essais en question concernent essentiellement le cancer de la prostate métastatique hormono-sensible, avec notamment la validation en première ligne des anti-androgènes de dernière génération enzalutamide et apalutamide, dans les formes très métastatiques, mais aussi peu métastatiques (fort ou faible volume tumoral).
Dépistage des patients à risque
Au cours de son intervention, le Dr Rozet a tout d’abord présenté les nouveaux critères qui doivent amener à proposer au patient une consultation en oncogénétique. L’objectif est notamment de rechercher le gène BRCA2, considéré comme un facteur de risque majeur de développer une forme agressive du cancer de la prostate.
La consultation d’oncogénétique est à envisager lorsque les antécédents familiaux révèlent trois cas de cancer de la prostate (ou deux cas chez les moins de 55 ans) chez des individus apparentés au premier ou deuxième degré. Désormais, la détection d’un cancer chez un patient de moins de 50 ans doit également conduire à une consultation. Il en est de même en cas d’antécédents familiaux de cancer du sein ou des ovaires associé à BRCA2.
Chez les patients mutés BRCA2 ou HOXB13 sans cancer de la prostate diagnostiqué, il est préconisé d’effectuer chaque année un dépistage par dosage de la PSA et toucher rectal, dès l’âge de 40 ans, a indiqué le chirurgien urologue.
Si le dépistage du cancer de la prostate n’est pas recommandé en population générale, l’AFU rappelle qu’il conserve un intérêt pour les hommes de 50 et 75 ans « ayant une espérance de vie de plus de dix ans » et dès 45 ans s’il existe un risque familial ou ethnique (hommes d’origine africaine ou afro-caribéenne).
Le dosage de PSA est à renouveler tous les deux à quatre ans pour les hommes avec un PSA> 1ng/mL, en fonction du profil de risque, et tous les cinq ans en cas de PSA< 1ng/mL.
Biopsies ciblées et systématiques
Les recommandions confirment également « la place majeure de l’IRM », souligne le Dr Rozet. Auparavant proposée avant de procéder à une deuxième biopsie, cet examen est désormais recommandé en première intention, en cas de suspicion de cancer de la prostate, pour repérer la présence ou non d’une cible avant de réaliser une biopsie.
Comme l’ont démontré de récentes études, une biopsie ciblée permet d’améliorer la rentabilité des biopsies, à condition toutefois qu’elles soient réalisées en complément de biopsies systématiques. L’avantage de combiner les deux approches est de pouvoir mieux caractériser le stade du cancer, a souligné le Dr Rozet.
En cas d’IRM normale, les biopsies systématiques restent indiquées lors d’une suspicion de cancer. Toutefois, les experts recommandent de s’affranchir de ces biopsies et de passer à une surveillance clinique et biologique chez les patients avec une densité de PSA< 0,15 ng/mL. La décision est à prendre « au cas par cas », précise l’urologue.
La notion d’IRM négative dans l’indication des biopsies apparait comme une nouveauté dans ces recommandations.
La surveillance active intègre l’IRM
Autre nouveauté: l’IRM est désormais recommandée dans le cadre de la surveillance active proposée aux patients atteints d’un cancer de la prostate à faible risque de progression. Les biopsies de confirmation à trois mois ne sont plus nécessaires en cas d’IRM normal et de « bonne concordance avec les données cliniques et biologiques ».
Pour le bilan de la surveillance à un an, un examen IRM est à effectuer avant biopsie. Les recommandations affichent également l’arbre décisionnel pour assurer le suivi après la première biopsie de contrôle, avec des précisions sur les seuils de PSA et les délais à respecter avant de renouveler l’IRM.
Concernant les formes de cancer à haut risque de récidive, les recommandations ajoutent au bilan standard par scanner et scintigraphie osseuse un bilan optionnel par TEP-PSMA (tomographie à émission de positions à Ga-antigène de membrane spécifique de la prostate), qui s’est avéré supérieur à la scintigraphie osseuse dans la détection des métastases [3].
Avec cet examen, « le bilan est plus précis [en terme diagnostique], mais il reste peu disponible car la TEP-PSMA est uniquement indiquée en ATU (autorisation temporaire d’utilisation) chez les patients en récidive biologique et avec un examen TEP-choline négatif », a indiqué le Dr Rozet.
Radiothérapie adjuvante différée
Pour ce qui est de la prise en charge thérapeutique des cancers à haut risque, le traitement local par chirurgie ou radio-hormonothérapie est désormais recommandé pour les formes non métastatiques. La recommandation s’appuie sur l’essai STAMPEDE qui a montré une survie sans récidive à deux ans de 89% dans le groupe irradié, contre 64% sans irradiation [4].
Chez les patients traités par chirurgie pour un cancer localisé à haut risque de récidive (extension extra-capsulaire, envahissement ganglionnaire…), l’absence de bénéfice de la radiothérapie adjuvante en terme de survie sans événement a été confirmée dans la méta-analyse ARTISTICS , qui a montré des résultats supérieurs avec une radiothérapie différée [5].
Une radiothérapie de rattrapage est donc préconisée dès la récidive biologique (PSA≥ 0,2 ng/mL) après prostatectomie totale. Selon le Dr Rozet, « ces résultats sont importants car ils montrent que 60% des patients traités par chirurgie peuvent éviter une radiothérapie adjuvante. Ces patients à haut risque de rechute doivent cependant être surveillés très régulièrement. »
Place aux anti-androgènes de nouvelle génération
Les nouveautés concernant le traitements des cancers métastatiques ont ensuite été présentées par le Dr Guillaume Ploussard (Clinique de La Croix du Sud, Toulouse).
Les recommandations confirment la fin de l’utilisation seule du traitement hormonal (agonistes ou antagonistes de la LH-RH, anti-androgène) dans le cancer de prostate métastatique. Les combinaisons avec une hormonothérapie de nouvelle génération (abiraterone, enzalutamide, apalutamide…) ou une chimiothérapie par docetaxel apparaissent désormais indiquées dans la plupart des cas.
Chez les patients à fort volume tumoral (métastases viscérales ou/et au moins 4 métastases) ou à haut risque (trois lésions osseuses, métastases viscérales, ≥Gleason 8), les recommandations de 2018 avaient officialisé la place du docetaxel et de l’abiraterone (essais LATITUDE et STAMPEDE) en association avec la suppression androgénique.
Cette fois, ce sont deux autres anti-androgènes de nouvelle génération qui font leur entrée dans le traitement de première ligne des cancers métastatiques: l’enzalutamide et l’apalutamide. Leur bénéfice sur la survie globale a été démontré, autant pour les forts que pour les faibles volumes tumoraux, a indiqué le chirurgien urologue.
Le bénéfice de l’enzalutamide a notamment été rapporté dans l’essai ENZAMET, avec une amélioration significative de la survie globale à 3 ans en combinaison avec un traitement standard (agoniste de LHRH ou castration chirurgicale +/- docetaxel), comparativement à un anti-androgène classique. Le risque de décès a été réduit de 33% dans le groupe enzalutamide.
Pour l’apalutamide, l’essai TITAN s’est également avéré positif sur la survie sans progression et la survie globale, y compris dans les formes métastatiques hormono-sensibles avec faible volume métastatique. La mortalité a également été réduite d’un tiers.
Cancer faiblement métastatique: la radiothérapie locale indiquée
Dans le traitement des tumeurs primitives, une radiothérapie locale est désormais indiquée, en plus du traitement systémique, en cas de cancer faiblement métastatique (1 à 3 métastases osseuses sur axe pelvis-rachis, absence de métastase viscérale). Cette recommandation se base sur les résultats de l’essai STAMPEDE[6], positifs dans ce sous-groupe en termes de survie et de progression de la maladie.
En revanche, il manque des données solides pour valider la radiothérapie dirigée sur les métastases osseuses (radiothérapie stéréotaxique), malgré plusieurs essais, dont certains ont rapporté un bénéfice concernant la survie sans progression, mais pas sur la survie globale, a noté le Dr Ploussard. « Le traitement ciblé des métastases est en cours d’évaluation », précisent les experts.
Pour guider le praticien et aider à faire son choix parmi les multiples options thérapeutiques désormais à disposition dans le traitement des cancers métastatiques, le document présente un tableau récapitulatif, qui précise les effets démontrés avec chacun des traitements, en fonction de la charge tumorale, avec le niveau de preuve associé et le grade des recommandations.
Nouveautés dans les cancers résistants à la castration
Concernant les cancers métastatiques résistants à la castration (mCRPC), les recommandations préconisent d’alterner une hormonothérapie de nouvelle génération et une chimiothérapie. L’étude CARD a, en effet, montré de meilleurs résultats avec une chimiothérapie par cabazitaxel après progression de la maladie sous abiraterone ou enzalutamide, comparativement à une hormonothérapie de deuxième ligne [7].
Enfin, dans le traitement du cancer de la prostate non-métastatique résistant à la castration (nmCRPC), à haut risque de métastase, il est désormais recommandé d’ajouter l’apalutamide, l’enzalutamide ou le darolutamide, selon le profil de tolérance. Un bénéfice en terme de survie globale a, en effet, été démontré pour les cancers à haut risque (temps de doublement de la PSA< 10 mois), qui s’observent chez « 30% des patients résistants à la castration », précise l’urologue [8].
« Chez les patients présentant un cancer de la prostate résistant à la castration (CPRC), l’apport des nouvelles thérapies qui ont émergé ces dernières années aide à mieux contrôler la progression tumorale et à améliorer la survie », ont commenté les auteurs.
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Citer cet article: Cancer de la prostate: l’AFU actualise ses recommandations - Medscape - 4 janv 2021.
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