POINT DE VUE

Neurologie en 2020 : avancées et perspectives

Dr Michel Dib

Auteurs et déclarations

29 décembre 2020

Paris, France—En 2020, la pandémie de Covid-19 a bousculé le quotidien de tous, notamment celui des neurologues. Dans ce bilan de fin d’année, le Dr Michel Dib, neurologue en libéral et à l’hôpital de la Pitié, revient sur ce que ces derniers mois nous ont appris des nombreuses expressions neurologiques de l’infection par le SARS-CoV-2. Mais, il rappelle aussi que plusieurs avancées importantes « hors-Covid » ont marqué la neurologie ; des bonnes nouvelles souvent occultées par la pandémie.

Covid-19 et neurologie

Ce que nous savons désormais, c’est que :

  • la maladie est associée à de nombreuses complications neurologiques ;

  • qu’il existe aussi à des formes purement neurologiques ;

  • et qu’il y a des états neurologiques post-covid qui restent encore aujourd’hui mal étiquetés (problèmes cognitifs, douleurs, maux de tête).

Selon les données de la littérature, l’incidence des symptômes neurologiques de Covid-19 serait comprise entre 15 et 73%, avec un panel de symptômes très large, depuis les troubles de l’odorat et du goût, aux maux de tête jusqu’à des complications sévères (accident vasculaire cérébral, syndrome de Guillain Barré...).

Lire : Registre NeuroCOVID : une photographie des atteintes neurologiques associées à l’infection SARS-CoV-2

Traitements de fond de la migraine

Les anticorps monoclonaux anti-R-CGRP (calcitonine-gene related peptide) :  l’éptinézumab (IV), l’érénumab (SC), le galcanézumab (SC), et le frémanézumab (SC), les premiers traitements de fond spécifiques de la migraine sévère, ont commencé à être lancés dans plusieurs pays notamment aux Etats-Unis. En revanche, d’autres pays, comme la France, n’ont pas, à ce jour, accordé de remboursement à ces produits. Les retours de terrain des pays où ils ont été commercialisés seront particulièrement intéressants. Notamment, les informations sur le taux d’observance et sur les patients qui ont été traités. Correspondent-ils réellement aux patients qui ont été inclus dans les essais cliniques ?

Thérapie génique

La thérapie génique commence à s’installer dans la pratique clinique d’une poignée de neurologues, essentiellement des neuropédiatres, pour certaines maladies rares mais, elle pourrait arriver dans les 10 ans qui viennent dans des maladies polygéniques, beaucoup plus fréquentes.

Cette année, le Zolgensma® (onasemnogene abeparvovec) a été approuvé par l’agence européenne du médicament (EMA) pour l’atrophie spinale progressive. Le médicament est disponible dans les Etats membres soit sous forme d’AMM, soit sous forme d’ATU comme pour la France. Le 18 décembre, la Commission de transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) a d’ailleurs rendu un avis positif sur ce traitement. Elle considère que Zolgensma apporte une amélioration du service médical rendu modérée (ASMR III), au même titre que Spinraza (nusinersen), dans la stratégie thérapeutique :

  • des patients atteints d’amyotrophie spinale 5q (SMA) de type I,

  • des patients pré-symptomatiques avec un diagnostic génétique de SMA (mutation bi-allélique du gène SMN1) et 1 à 2 copies du gène SMN2.

En revanche, le médicament n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu (ASMR V) dans les autres situations.

Beaucoup de thérapies géniques sont en préparation dans des maladies orphelines en neurologie mais d’autres sont en préparation dans des maladies polygéniques, notamment la SLA et la maladie de Parkinson.

Il existe plusieurs pistes de thérapie génique :  celles visant à modifier directement les gènes impliqués dans ces maladies polygéniques, celles visant à améliorer les symptômes, en augmentant la libération de L-dopa dans la maladie de Parkinson, par exemple et celles agissant sur le métabolisme des protéines anormales qui s’accumulent dans les protéinopathies (thérapies antisens).

Epilepsie résistante

Une bonne nouvelle cette année concerne l’arrivée de l’Epidyolex® (cannabidiol) comme option thérapeutique dans le traitement de certaines crises d’épilepsie pharmacorésistante. La HAS a rendu en mai un avis favorable au remboursement à l’Epidyolex en association au clobazam dans le traitement des crises d’épilepsie associées au syndrome de Lennox-Gastaut (SLG) ou au syndrome de Dravet (SD), chez les patients de 2 ans et plus. Rappelons que dans les épilepsies, nous avons plusieurs traitements qui couvrent les épilepsies pharmacosensibles mais la pharmacorésistance reste un vrai problème car elle représente 30 % des épilepsies.

De nouvelles biothérapies immunomodulatrices

Dans la prise en charge des maladies-autoimmunes, après les anticorps anti-CD20 comme le rituximab, d’ autres familles d’anticorps sélectifs s’annoncent prometteuses, notamment les anti-C5 et les anticorps dirigés contre les récepteurs néonataux Fc ou FcRn.

Le Soliris® (eculizumab), anticorps monoclonal sélectif contre la protéine C5 du complément, est déjà utilisé dans la myasthénie. Mais, cette année, en septembre, la HAS a considéré que le service médical rendu par la molécule était aussi important dans le traitement de la maladie du spectre de la neuromyélite optique (NMOSD) :

  • chez les patients adultes ayant des anticorps anti-aquaporine 4 (AQP4) atteints de la forme récurrente de la maladie et étant en échec des traitements de fond immunosuppresseurs (rituximab, azathioprine, mycophénolate mofétil).

Concernant les anticorps anti-FcRn, plusieurs sont à l’essai dans la myasthénie : le rozanolixizumab, le nipocalimab, le RVT-1401 et le batoclimab, mais le plus avancé est l’efgartigimod. Des premiers résultats intéressants ont été obtenus avec l’efgartigimod, un fragment d’anticorps dirigé contre les récepteurs néonataux Fc ou FcRn dans la myasthénie.

L’l’étude de phase 3 ADAPT qui a rassemblé 167 participants adultes atteints de myasthénie généralisée avec ou sans auto-anticorps anti-récepteurs à l’acétylcholine (anti-RACh) a montré que le candidat médicament était bien toléré. Aussi, le taux de participants avec anti-RACh répondeurs au traitement était significativement supérieur, au regard du score des activités de la vie quotidienne (MG-ADL), dans le groupe traité par efgartigimod (67,7%) comparé au groupe placebo (29,7%) ( critère principal de l’essai). Le laboratoire Argenx a donc prévu de déposer une autorisation de mise sur le marché dans les jours qui viennent.

Ȧ noter que l’efgartigimod est aussi évalué dans la polyneuropathie inflammatoire démyélinisante chronique.

Biomarqueurs

En 2020, la recherche sur les biomarqueurs continue dans l’objectif d’utilisations à visées diagnostiques, pronostiques, mais aussi pour évaluer la réponse aux traitements et la progression des maladies neurologiques. Les candidats biomarqueurs les mieux placés aujourd’hui sont la protéine Tau et le peptide Aβ42 que l’on dose dans le liquide céphalorachidien dans la maladie d’Alzheimer et les protéines de neurofilament qui sont un produit de la neurodégénérescence globale qui est présent dans le liquide cérébrospinal mais aussi dans le sang.

Les neurofilaments et notamment leur chaine légère ont été particulièrement testés dans la sclérose en plaques mais ils sont également évalués dans de nombreuses autres maladies neurologiques comme la SLA, Parkinson, la maladie de Wilson, la leucodystrophie, mais aussi dans le lupus, le syndrome de Gougerot-Sjögren, l’AVC et les traumatismes crâniens... Nous attendons la validation de ce biomarqueur pour avoir un outil de plus qui nous aidera à adapter notre prise en charge de la maladie.

 

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