Vaccin Pfizer : le premier à intégrer la stratégie vaccinale de la HAS

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

24 décembre 2020

France Alors que le vaccin de Pfizer-BioNTech, Comirnaty® (BNT162b2) vient d’obtenir une AMM européenne conditionnelle dans l’indication « immunisation active pour prévenir la Covid-19 due au virus SARS-CoV-2, chez les personnes âgées de 16 ans et plus », la Haute Autorité de Santé (HAS) a ré-évalué sa place dans la stratégie vaccinale.

A la lumière des dernières données d’efficacité et de tolérance dont elle dispose, la HAS confirme son programme de priorisation établi dans le rapport du 30 novembre 2020 et considère que la vaccination contre le SARS-CoV-2 avec ce vaccin doit être proposée prioritairement aux populations les plus à risque de formes graves et les plus exposées au risque d’infection, c’est-à-dire les populations associant notamment un âge élevé, des comorbidités et des conditions d’hébergement collectifs. Elle publie en parallèle des recommandations destinées aux médecins généralistes pour les guider dans la conduite d'une consultation de pré-vaccination (voir encadré).

Prioriser les plus vulnérables et les plus exposées au risque de Covid-19

« Nous confirmons que ce premier vaccin à être autorisé contre le Covid a bien une place dans la stratégie vaccinale tant par son efficacité que son profil de tolérance » a indiqué la présidente du collège de la Haute Autorité de Santé, Dominique Le Guludec, en préambule de la conférence de presse [1].

 
Nous confirmons que ce premier vaccin à être autorisé contre le Covid a bien une place dans la stratégie vaccinale. Dominique Le Guludec
 

Pour établir la place du vaccin dans la stratégie vaccinale, la HAS s'est appuyée sur les données cliniques transmises par les laboratoires Pfizer et BioNtech et sur l'AMM octroyée par l'Agence européenne du médicament (EMA). Les résultats des études cliniques ont un recul de 1,5 mois et démontrent chez l'adulte que ce vaccin, administré en 2 doses espacées de 21 jours, est efficace à 95% pour se protéger des formes symptomatiques de la Covid-19. « L’efficacité du vaccin dépasse 90% dans tous les groupes d’âge, y compris chez les plus âgés » a précisé le Pr Elisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations (CTV) au sein de la HAS. « Ce vaccin est aussi très bien toléré. »

La HAS s’est aussi servie de résultats issus d’un modèle mathématique de type transmission dynamique, développé par l’Institut Pasteur et l’EHESP en collaboration avec Santé publique France et l’INSERM, appliqué à un vaccin efficace pour la protection individuelle (sans impact démontré sur la transmission), comme l’est Comirnaty®.

L’ensemble de ces données conduisent aujourd’hui la HAS à confirmer ses recommandations de priorisation des personnes les plus vulnérables et les plus exposées au risque de Covid-19. Celles-ci s'appliquent à l'utilisation du vaccin Comirnaty® - puisque que c’est à ce jour le seul approuvé - qui peut être utilisé chez les personnes ayant de plus de 16 ans et y compris les patients les plus âgés. « Vacciner en priorité les plus de 75 ans est le modèle le plus efficace et le plus efficient pour réduire les formes sévères et les décès » a affirmé le Pr Bouvet.

En pratique

L'administration du vaccin pendant la grossesse n'est pas conseillée (sauf si un risque élevé de forme grave a été identifié lors de la consultation pré-vaccinale) étant donné le manque de données de tolérance sur les risques de la vaccination pendant la grossesse – les femmes enceintes ayant été exclues de l’essai pivotal de phase III.  De plus, « l'utilisation de ce vaccin n'est pas recommandée chez les personnes présentant des antécédents de manifestations graves d'allergie de type anaphylactique, compte tenu des rares cas rapportés en Grande-Bretagne. Des données complémentaires sont attendues sur le sujet, et cette contre-indication pourrait être revue », a estimé le Dr Pierre Gabach, chef du service des bonnes pratiques professionnelles de la HAS.

Concernant la vaccination des personnes ayant déjà développé une forme symptomatique de la Covid-19, la HAS souligne qu'il n'y a pas lieu, à ce stade, de vacciner systématiquement ces personnes. « Elles pourront cependant être vaccinées si elles le souhaitent à l'issue d'une décision partagée avec le médecin » a indiqué le Pr Bouvet. « Dans ce cas, il est demandé de respecter un délai minimal de 3 mois après le début des symptômes avant de procéder à la vaccination et de ne pas vacciner en présence de symptômes persistants » a-t-elle ajouté.

Rappelons qu’au-delà de la stratégie de priorisation visant à vacciner d’abord les sujets de 75 ans et plus, les médecins doivent pouvoir proposer la vaccination au cas par cas, sur la base de la balance bénéfices/risques individuelle, chez les patients pour lesquels les risques liés à la Covid-19 apparaissent majeurs, au regard de la présence de facteurs de vulnérabilité très particuliers et/ou de certaines comorbidités, augmentant le risque chez ces sujets de forme sévère de Covid-19 (Lire Vaccination : le médecin pourra prioriser certains patients au cas par cas, selon la HAS).

Maintenir les gestes barrières et les mesures de distanciation physique

Cela étant dit, « la stratégie vaccinale décrite aujourd'hui par la HAS sera revue en fonction de l'évolution des connaissances, notamment au regard des résultats complets des essais de phase 3 de chaque candidat vaccin et des données épidémiologiques » a indiqué le Pr Le Guludec. « Si parmi les vaccins à venir, l’un d’entre eux s’avérait efficace sur la contagiosité, alors la stratégie pourrait être modifiée, en faveur notamment des professionnels de santé » a-t-elle ajouté.

En revanche, l'impact du vaccin Comirnaty® sur la transmission du SARS-Cov2 étant à ce jour inconnu, le Pr Bouvet a insisté sur la nécessité, à ce stade, de « maintenir l'ensemble des gestes barrières et des mesures de distanciation physique chez les personnes vaccinées ». Par ailleurs, si ce vaccin protège des formes symptomatiques, la protection contre les formes asymptomatiques est encore mal évaluée, il faudra donc continuer à dépister les cas-contacts même s’ils ont été vaccinés ».

Par ailleurs, « le recul chez les personnes ayant bénéficié de cette vaccination dans le cadre de l’essai pivotal étant assez faible – 2 mois –, le Pr Bouvet a insisté sur la nécessité de poursuivre l'essai de phase III afin de pouvoir disposer de données d'immunogénicité, d'efficacité et de tolérance à plus long terme. La HAS a, par ailleurs, signalé la mise en place d’un Plan de gestion des risques (PGR) et encourage également la mise en place d'études post-autorisation notamment sur les populations vaccinées en phase 1 de la campagne, c'est à dire les personnes qui résident en établissement accueillant des résidents âgés de façon prolongée (EHPAD, résidence autonomie...). Elle demande également la réalisation d'une étude avec séquençage des souches virales afin de suivre l'évolution de souches porteuses de mutations, notamment chez les patients infectés après vaccination.

La consultation de pré-vaccination :

Pour accompagner les médecins dans cette phase de lancement de la campagne de vaccination, la HAS publie des Réponses rapides sur la consultation de pré-vaccination, particulièrement pour les personnes concernées par la phase 1 de la vaccination, c'est-à-dire les personnes âgées résidentes d'établissements accueillant des personnes âgées, les résidents en services de longs séjours et les professionnels qui les accompagnent au quotidien et présentent eux-mêmes des facteurs de risque de forme grave de Covid-19. La HAS a, en effet, vocation à « faciliter l’adhésion des Français à un vaccin efficace et sûr par des informations claires et transparentes » a insisté le Pr Le Guludec.

La HAS y rappelle que la vaccination n'est pas obligatoire et qu'elle repose sur une décision partagée. « Le consentement doit être recueilli au préalable et tracé dans le dossier médical du patient » a précisé le Dr Pierre Gabach. La consultation est fondée sur l'évaluation de la situation clinique du patient, l'information du patient sur les bénéfices et les risques du vaccin et sur les préférences, les questionnements et les craintes qu'exprime le patient.

Elle y précise par ailleurs un certain nombre d'éléments, dont :

  • la vaccination sous supervision d'un médecin au début de la campagne

  • l'attention à porter aux allergies, et la contre-indication du vaccin chez les personnes ayant fait des réactions anaphylactiques graves, « laquelle pourra être revue par la suite » ;

  • la nécessité d'une surveillance 15 mn après l'injection ;

  • le lieu et la voie d'injection (intramusculaire) ;

  • la vaccination des personnes traitées par anti-coagulants (impérativement dans le deltoïde et si l’INR est stable);

  • les modalités de suivi et de déclarations des effets indésirables ;

  • la mise en garde sur l'administration de plusieurs vaccins : la HAS préconise  de ne pas coadministrer plusieurs vaccins – notamment la grippe – car cela n'a pas encore été étudié ;

  • l'inutilité de la sérologie pré-vaccinale « car elle ne renseigne pas sur la protection des individus contre le virus » a précisé le Pr Bouvet.

Ces informations permettront au médecin de répondre aux interrogations du malade ou de sa famille.

Retrouvez l'intégralité des préconisations sur la visite médicale de pré-vaccination dans la fiche “Vaccination contre la Covid-19 en soins de premier recours

 

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