Virtuel— Quels sont les liens entre migraine et alimentation ? Les patients migraineux sollicitent souvent leur praticien sur ce sujet, mais leur répondre avec certitude reste délicat a reconnu le Dr Virginie Corand (Bordeaux) lors d’une session des Rencontres de Neurologies 2020. La neurologue a fait le point sur les données existant dans la littérature entre migraine et alimentation[1].
Poids et migraine
La littérature décrit une prévalence de la migraine multipliée par 1,5 chez les personnes obèses par rapport aux personnes de poids normal. Ce lien est principalement étroit chez les femmes en âge de procréer. L’obésité est aussi associée à une augmentation de la fréquence des crises et du risque de progression vers la migraine chronique. Les mécanismes impliqués (Bigal 2006) reposeraient à la fois sur des facteurs inflammatoires (CRP, CGRP), sur les adipokines (adiponectine et leptine) et sur l’axe hypothalamique (rôle de l’orexine A, qui pourrait par exemple expliquer le craving alimentaire prodromal chez certains migraineux).
Sur le plan thérapeutique, un IMC élevé ne semble pas influencer la réponse aux traitements de fond. Par ailleurs, une méta-analyse suggère un effet favorable de la perte de poids sur la fréquence, l’intensité et la durée des crises, que ce soit grâce à une prise en charge chirurgicale ou non chirurgicale de l’obésité (Di Vincenzo 2020).
Migraine et régimes d’éviction
Le régime cétogène (dans lequel les graisses fournissent entre 70 et 90% de l’énergie favorisant la production de corps cétoniques aux effets notamment neuroprotecteurs), principalement évalué dans le contexte de l’épilepsie, pourrait réduire la fréquence et la durée des crises selon une étude preuve de concept (Di Lorenzo 2014).
Plusieurs études ont, par ailleurs, décrit que l’augmentation des apports en acides gras polyinsaturés de type oméga 3 et la diminution de ceux en oméga 6, respectivement anti- et pro-inflammatoires, permettraient également de réduire la fréquence et la sévérité des crises.
Aliments déclencheurs, caféine et supplémentation
Différentes cohortes suggèrent l’existence d’un aliment déclencheur chez 12 à 60% des migraineux (Martin 2016, Gazerini 2020). Le risque est évoqué lorsqu’une céphalée survient dans au moins 50% des cas où le patient est exposé à l’aliment, et si la céphalée survient le jour de l’exposition. L’agenda nutritionnel peut être précieux pour établir ce lien. Les données semblent montrer que l’existence d’un aliment déclencheur est moins fréquent dans la migraine chronique que la migraine épisodique et plus fréquente dans les formes avec aura que sans aura. Le déclenchement de la migraine serait dose et durée-dépendant mais les études randomisées contrôlées n’existent pas et les autres études sujettes à limites et biais méthodologiques
Concernant la consommation en caféine, il peut exister des céphalées de sevrage même chez les consommateurs modérés quotidiens, le risque de survenue de céphalées étant plus élevé au-delà de 540 mg/j. La consommation de caféine devrait idéalement rester inférieure à 400 ou 500 mg/j. Deux études ont décrit qu’il était possible de réduire le risque de céphalées chez les consommateurs excessifs de caféine par un sevrage progressif.
Concernant la consommation en sodium, deux études importantes (Amer 2014, Pogoda 2016), suggèrent qu’il est possible que l’augmentation de la teneur en sodium de l’alimentation aggrave le risque de céphalées chez les patients hypertendus, mais qu’elle réduise leur fréquence, notamment chez les femmes avec IMC bas.
Enfin, si des données relatives à différents suppléments alimentaires (pétasite, partenelle ou grande camomille, riboflavine, co-enzyme Q10...) sont disponibles, il est difficile de conclure avec certitude sur leur utilisation.
Perspectives
Aujourd’hui, l’intérêt pour le microbiote et l’axe intestin-cerveau, fait l’objet de nombreuses investigations et a notamment motivé des travaux suggérant que la supplémentation en probiotiques module la survenue des crises (Arzani 2020). Les conseils nutritionnels envers les patients migraineux sont encore difficiles à formaliser, mais l’existence de comorbidités (obésité, épilepsie, maladie cardiovasculaire) pourrait permettre de les orienter vers certaines préconisations personnalisées. Les sujets du coût et de l’équilibre alimentaire doivent être pris en compte dans cette équation. Une consultation avec un diététicien peut être précieuse dans cet objectif.
Cet article a été initialement publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape.
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Citer cet article: Quels liens entre migraine et alimentation? - Medscape - 28 déc 2020.
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