France — Selon une large étude française s’appuyant sur les données de près de 130 000 patients admis dans les hôpitaux publics ou privés de l’hexagone, le taux de décès observé chez ceux hospitalisés pour COVID-19 est presque trois fois plus élevé que celui associé aux patients admis pour une grippe saisonnière. Et si les adolescents ont été peu touchés de façon général, les décès dans cette tranche d'âge sont malgré tout dix fois plus importants qu'avec la grippe. Ces résultats ont été publiés dans The Lancet Respiratory Medicine [1] .
« Cette étude est la plus importante à ce jour permettant de comparer les deux maladies et confirme que la COVID-19 est beaucoup plus grave que la grippe », a souligné dans un communiqué le Pr Catherine Quantin (CHU de Dijon), l’une des auteurs. Elle précise que cette différence est d’autant plus frappante que « la saison grippale 2018/2019 avait été la pire des cinq dernières années en France » en termes de décès.
L’analyse, menée par l’Inserm et le CHU de Dijon, montre également que les patients atteints de COVID-19 ont été plus nombreux à être hospitalisés en soins intensifs (16,3%), comparativement à ceux admis pour une grippe (10,8%) l’année précédente. La durée moyenne du séjour en soins intensifs apparait presque deux fois plus long pour les patients COVID (15 jours contre 8 jours).
Plus de patients très âgés avec une grippe
« Ces résultats montrent bien que la COVID-19 n’est pas une simple grippette, comme on l’a souvent affirmé. Il y a une surmortalité par rapport à la grippe, même au-delà de 80 ans ainsi que chez les jeunes de moins de 18 ans. Les séjours en réanimation sont aussi beaucoup plus longs », a commenté auprès de Medscape édition française, le Pr Philippe Bonniaud (service pneumologie soins intensifs, CHU de Dijon), auteur de l’étude.
Dans cette analyse, les chercheurs ont comparé les admissions à l’hôpital pour COVID-19, entre le 1er mars et le 30 avril 2020, avec celles pour grippe saisonnière, entre le 1er décembre 2018 et le 28 février 2019. Pour cela, ils ont repris les informations de la base de données PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information) sur les patients hospitalisés en France.
Au total, pendant les deux périodes, ils ont recensés 89 530 hospitalisations pour COVID-19 (âge médian de 68 ans) et 45 819 hospitalisations pour grippe saisonnière (âge médian de 71 ans). Au plus fort de la pandémie, deux fois plus de patients atteints de COVID-19 que de grippe saisonnière ont été hospitalisés, sur une période de deux mois, contre trois mois lors de l’épidémie de grippe.
Il y avait davantage de patients très âgés ou très jeunes parmi ceux qui étaient atteints de grippe. Ainsi, les plus de 80 ans représentent 33,5% des patients hospitalisés pour une grippe, contre 27% de ceux touchés par la COVID-19. Quant aux moins de 18 ans, ils représentent respectivement 19,5% et 1,4% des patients.
Dix fois plus de décès chez les adolescents
Le taux de mortalité était de 16,9% chez les patients hospitalisés pour des complications liées au COVID-19 (n= 15104), contre 5,8% chez ceux admis pour une grippe (n= 2640). Chez les adolescents atteints de COVID, la mortalité était dix fois plus élevée (1,1% contre 0,1% chez les adolescents hospitalisés pour une grippe).
En considérant les enfants de moins de 5 ans, les résultats montrent qu’une plus grande proportion ont été hospitalisés pour COVID-19. Toutefois, à l’inverse des adolescents, la mortalité est apparue similaire et à un niveau très faible (inférieur à 0,5 %) dans les deux groupes.
Etant basés sur de faibles effectifs, les résultats concernant les enfants doivent toutefois être interprétés avec prudence, estiment les auteurs, qui précisent que d’autre études sont nécessaires pour mieux caractériser les facteurs de risque associés à la mortalité, en particulier chez les adolescents.
« Le taux plus élevé de mortalité associé au COVID-19 chez les patients âgés de 11 à 17 ans indique qu’il est nécessaire d’être particulièrement vigilant chez les jeunes présentant une obésité ou un surpoids », soulignent les auteurs.
Selon l’analyse, les patients avec COVID-19 étaient plus souvent obèses (9,6% contre 5,4% chez ceux admis pour une grippe) ou en surpoids (11,3% contre 6,1%), avaient plus fréquemment un diabète (19% contre 16%) ou une hypertension (33,1% contre 28,2%).
Les patients avec une grippe étaient plus nombreux à présenter une insuffisance cardiaque (13,7% contre 8% chez les patients COVID), une cirrhose (1,1% contre 0,8%) ou une maladie respiratoire chronique (4% contre 1,6%).
« Le profil des patients hospitalisés reste le même »
« Si les patients avec une insuffisance respiratoire sont moins touchés par la COVID, c’est probablement parce qu’ils ont été plus vigilants et qu’ils ont davantage respecté les mesures barrières », avance le Pr Bonniaud.
Les chercheurs ont souligné plusieurs limites dans leur étude. Ils précisent notamment qu’il existe des pratiques variables dans le dépistage de la grippe selon les hôpitaux, alors que le dépistage du COVID est davantage standardisé, ce qui expliquerait en partie le nombre plus élevé de patients admis pour COVID comparativement à ceux atteints de grippe.
Selon le pneumologue, l’évolution de la prise en charge a pu contribuer à réduire la mortalité des patients COVID hospitalisés. Toutefois, au CHU de Dijon, même si les passages en réanimation sont moins fréquents, « le profil des patients hospitalisés reste le même et leur état est tout aussi sévère » comparativement à la première vague épidémique.
Alors qu’on ne dispose pas encore de traitement efficace contre l’infection par le SARS-CoV2, » cette étude souligne qu’il est nécessaire de respecter les mesures de prévention ».
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Citer cet article: COVID-19: trois fois plus mortelle que la grippe saisonnière - Medscape - 21 déc 2020.
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