Paris, France — Grâce à des tests génomiques réalisés à partir d’échantillons tumoraux, il est désormais possible d’obtenir des informations précieuses sur le risque de récidive d’un cancer mammaire, et en cas de risque faible, d’éviter une chimiothérapie adjuvante inutile.

Pr Pascal Pujol
Pourtant, en France, ces tests génomiques ne sont pas encore remboursés par la sécurité sociale alors qu’ils le sont dans de nombreux autres pays.
Interrogé par Medscape édition française, le Pr Pascal Pujol, Responsable du service d’oncogénétique clinique du CHU de Montpellier et président de la Société française de médecine prédictive et personnalisée, déplore cette situation.
« Ces tests concerneraient au moins 10 000 femmes par an en France et permettraient d’éviter des chimiothérapies inutiles pour 30 à 40 % d’entre elles », explique-t-il.
La France à la traine
Dernièrement, le Gemeinsame Bundesausschuss (G-BA), Comité Fédéral Conjoint allemand, équivalent de la Haute Autorité de Santé en France, a annoncé ajouter trois nouveaux tests génomiques de risque de récidive du cancer du sein à stade précoce au catalogue des services de l’assurance maladie obligatoire. Ces trois tests, EndoPredict, MammaPrint et Prosigna, viennent s’ajouter au score Oncotype, déjà remboursé outre-Rhin depuis 2019.
Ainsi, les quatre tests disponibles en Europe ont reçu l’aval des autorités sanitaires allemandes, ainsi que de nombreux autres pays : de l’Angleterre à la Roumanie, de l’Espagne aux Pays-Bas…
Mais, en France, la HAS s’est prononcée contre le remboursement de ces tests par la collectivité. « Nous espérons vivement que la HAS s’inspire de la décision du G-BA, comme de nombreuses autres agences internationales, et donne un avis favorable au remboursement de ces tests prédictifs pour les patientes françaises », indique le Pr Pujol.
Les réserves de la HAS
Dans son avis rendu en février 2019, l’Autorité française réclamait la poursuite des recherches cliniques sur le sujet.
Elle définissait une population d’intérêt pour ces tests : des femmes au risque « intermédiaire » pour lesquelles les seuls critères clinicopathologiques ne permettent pas de déterminer si elles souffrent de « cancers à faible risque de récidive, pour lesquels la chimiothérapie adjuvante n’est pas utile », ou de « cancers à haut risque de récidive, pour lesquels elle est recommandée ».
Mais stipulait que les résultats des essais disponibles ne permettaient « pas de déterminer si, en contexte français, les signatures génomiques présentent une valeur ajoutée par rapport aux critères clinico-pathologiques existants », car « les études portent principalement sur des populations ne correspondant pas à la population d’intérêt ».
TAYLORx et MINDACT
Pourtant, deux de ces tests, Mammaprint et Oncotype, témoignent d’un niveau de preuve 1A, le plus élevé possible, et sont recommandés par l’American Society of Clinical Oncology (ASCO).
Ces deux signatures génomiques ont fait l’objet d’études randomisées qui ont montré « qu’il n’y a pas de perte de chance à ne pas faire de chimiothérapie pour les femmes qui ont un score génomique bas », rapporte le Pr Pujol.
En effet, en juin 2019, les résultats de l’essai clinique TAYLORx publiés dans le New England Journal of Medicine démontraient l’intérêt du score Oncotype[1], tandis qu’en mai dernier, les résultats à huit ans de l’étude MINDACT confirmaient à leur tour dans le Journal of Clinical Oncology l’utilité de la signature Mammaprint[2]. D’après ces dernières données, la survie sans métastases à 8 ans était de 89,4% (IC95% [86,8-91,5]) dans la population à risque estimé élevé sur la base des critères clinico-biologiques mais à risque estimé faible sur le critère génomique et qui ne recevait pas de chimiothérapie. En parallèle, la SSM à 8 ans était de 92,0% (89,6-93,8) pour ce même profil de patientes lorsque de la chimiothérapie était donnée.
Selon le Pr Pujol, ces études montrent que les performances de ces tests sur le plan médical ne font aucun doute. Quant à leur pertinence économique, le professeur veut rester prudent sur ce terrain qui n’est pas de sa compétence, mais avance néanmoins que « 10 000 tests à 1 000 euros chacun, ce n’est rien comparé à des mois d’arrêts de travail, à des produits de chimiothérapie, à de multiples hospitalisations de jour pour 3 000 femmes... ». Sans compter l’impact social, psychologique et familial de ces traitements inutiles. « On est à la traîne en termes de remboursement mais aussi en décalage avec les recommandations européennes d’utilisation de ces signatures », regrette-t-il.
Une situation inégalitaire
En attendant, ces tests sont toutefois financés de manière dérogatoire dans le cadre du référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN), mais « l’application de ce dispositif est inégale d’un établissement à l’autre, et il prend fin en janvier 2021 », pointe le Pr Pujol.
Sera-t-il renouvelé ou la HAS se prononcera-t-elle rapidement en faveur d’un remboursement par l’Assurance maladie et d’une utilisation en routine de certains ou de tous ces tests ou au contraire confirmera-t-elle son opposition à ces derniers ?
« Des sociétés de médecine comme la Société française de médecine prédictive et personnalisée y seront très attentives compte tenu des développements récents, tout comme les patientes et leurs associations », prévient encore le Pr Pujol.
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Citer cet article: Eviter des chimiothérapies inutiles : les tests génomiques toujours pas remboursés - Medscape - 16 déc 2020.
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