Loi Rist : disparition des professions médicales intermédiaires, durcissement des mesures contre les intérimaires

Philippa Anaton

14 décembre 2020

France – La loi Rist, qui décline certaines propositions des accords Ségur de la Santé, a été adoptée par l’Assemblée nationale ce 8 décembre, amputée de l’article qui instaurait la création de professions médicales intermédiaires.

La proposition de loi visant « à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification » a finalement été adoptée en séance publique le 8 décembre dernier, expurgée de son article le plus contesté, l'article 1, qui concernait la création de professions médicales intermédiaires. Cette proposition d'Olivier Véran avait été accueillie, par les syndicats de médecins hospitaliers, comme une véritable provocation. « L'ensemble des organisations syndicales de praticiens hospitaliers demande le retrait immédiat de ce projet de loi incongru, dans son intégralité », avaient notamment réclamé les syndicats Snam-HP, APH et CPH, CMH et INPH.

Exit les professions intermédiaires, bienvenue aux protocoles de coopération 

Faute d'avoir obtenu le retrait total du projet de loi, les syndicats de PH auront au moins pu faire supprimer, en commission des affaires sociales, l'article 1 si problématique. Reste que l'ensemble des autres mesures de cette loi, qui était censée décliner les propositions non financières des accords de Ségur du 24 juillet dernier, ont été adoptés. En tout et pour tout cette proposition de loi comporte six chapitres, qui ne concernent pas uniquement le monde hospitalier, puisque deux d'entre eux sont consacrés aux mutuelles, et au handicap.

Le premier chapitre est dédié à l'exercice en pratique avancée « et protocole de coopération ». Exit, donc, la création de professions médicales intermédiaires. En lieu et place de l'article 1, les députés ont acté de la remise d'un rapport « dressant un état des lieux de la mise en place des auxiliaires médicaux en pratique avancée et des protocoles de coopération ». Le gouvernement ne renonce pas tout à fait à la création de professions médicales intermédiaires, mais préfère temporiser...

Ce chapitre assouplit aussi la mise en place de protocole de coopération locaux, aussi bien dans des établissements de santé, publics ou privés, que dans des Ehpad.

Dans le deuxième chapitre, les pouvoirs de prescription des sages-femmes sont étendus : il leur est accordé la faculté de prolonger un arrêt maladie initié par un médecin, ou encore prescrire « le dépistage d’infections sexuellement transmissibles et les traitements d’infections sexuellement transmissibles ».

Assouplissement du recrutement de praticiens hospitaliers

Le chapitre III porte sur le « recrutement des praticiens hospitaliers et mesures diverses concernant l’emploi en établissement public de santé ». Comme l'expliquait la députée Stéphanie Rist, auteur de cette proposition de loi, l'article 3 est « consacré à la procédure de recrutement des praticiens hospitaliers (postes vacants) dans les établissements publics de santé. Actuellement, la procédure de recrutement est particulièrement longue et il convient de fluidifier les procédures existantes pour que les postes soient pourvus dans les meilleurs délais ». L'article 4 autorise le recrutement de praticiens hospitaliers, à titre expérimental pour une durée de trois ans, par le seul directeur hospitalier. Pour rappel, la création de postes de praticiens hospitaliers est d'ordinaire décidée par le ministère de la santé.

Réintroduction de la notion de « service » dans l'organisation hospitalière

Autre chapitre qui concerne en propre l'hôpital, le chapitre IV, intitulé « simplification de la gouvernance dans les établissements publics de santé ». Il réintroduit de manière officielle la notion de "service" dans l'organisation hospitalière. L'article 6 de ce chapitre autorise, toujours de manière expérimentale, le regroupement de la commission médicale d'établissement et de la commission des soins. Tandis que l'article 7 permet, dans certains cas, au directeur de l'établissement support d'un Groupement hospitalier de territoire (GHT), de diriger un autre établissement de ce GHT, en cas de vacance de poste de directeur. L'article 9 élargit la composition du directoire qui était jusqu'à présent composé du directeur et du président de la CME. Pourront désormais y siéger un représentant des personnels paramédicaux, des étudiants en santé et des usagers. Par ailleurs, les députés de la circonscription d'un établissement de santé pourront également participer au conseil de surveillance de cet établissement.

Durcissement des mesures contre les médecins intérimaires

L'article 10 est dédié aux médecins intérimaires. Constatant que le plafonnement des rémunérations des intérimaires, institué par la loi de modernisation de la santé de 2016, n'est pas respecté, les députés ont décidé de durcir les contrôles : ainsi, les comptables publics pourront bloquer les rémunérations des contrats d'intérim médical « dépassant le plafond réglementaire », et les agences régionales de santé auront aussi la possibilité de « dénoncer devant le tribunal administratif les contrats irréguliers ». L'article 11 prévoit que le projet de gouvernance de l'établissement devra comporter « un volet spécifique dédié à l’accompagnement et au suivi des étudiants en santé » ainsi que des « programmes de formation managériale dispensés obligatoirement aux personnels médicaux et non médicaux nommés à des postes à responsabilités ».

Des syndicats plutôt critiques

On est loin des revendications des syndicats de praticiens hospitaliers qui demandaient, à juste titre, une plus grande participation dans l'organisation hospitalière. Pour ces syndicats (SNPHARE, SPHP, Samu urgences de France, SPH, Syngof, USP, SNG, Smarnu, SNPADHUE, FNAP, SMH, SMPF), ce projet de loi « amoindrit le rôle essentiel du praticien tant dans sa mission de soins que dans la gouvernance. Il n'apporte ni simplification des conditions d'exercice, ni confiance, contrairement à son titre ». Cette proposition de loi a été renvoyée vers la commission des affaires sociales du Sénat, qui devrait l'examiner en début d'année prochaine.

 

 

 

 

 

 

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