Dans COVIDSKIN, les engelures représentent les 2/3 des lésions cutanées

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

10 décembre 2020

Virtuel — Selon l’enquête nationale COVIDSKIN menée par la Société française de dermatologie (SFD), les engelures représentent environ deux-tiers des manifestations cutanées observées chez les patients suspectés d’être infectés par le SRAS-CoV2. Si le terme « orteil COVID » est apparu dans la littérature pour décrire ces engelures, le lien de causalité avec l’infection reste à démontrer.

Les résultats de cette enquête ont été présentés lors des Journées dermatologiques de Paris (JDP2020), qui se sont déroulées cette année sous forme de sessions virtuelles. Ils s’avèrent similaires à ceux rapportés dans d’autres registres internationaux visant à documenter les cas de lésions cutanées potentiellement corrélés à la COVID-19.

« Certaines équipes ont posé l’hypothèse d’un gradient de sévérité [de l’infection] associée aux manifestations cutanées. Les engelures seraient liées à des infections par le SARS-CoV2 très peu sévères ou asymptomatiques, alors que d’autres lésions, comme le purpura vasculaire, seraient liés à des cas plus sévères de COVID-19 », a souligné le Dr Laurence Le Cleach (CHU Henri Mondor, AP-HP, Créteil), au cours de sa présentation.

Près de 2% de dermatoses

Il est encore difficile de déterminer la fréquence des manifestations cutanées chez les patients atteints de COVID-19, en raison notamment d’une définition très hétérogène des lésions rapportées, a expliqué la dermatologue. Les taux varient de 0,2 à 20%, selon les études. A partir de plusieurs travaux, une équipe française a évalué la fréquence des dermatoses à 1,7% chez ces patients.

Dans son enquête, la SFD a colligé tous les cas de lésions cutanées observées chez des patients suspectés d’être infectés par le SARS-CoV2. Au total, 492 manifestations cutanées ont été décrites. Les engelures représentent 65% des cas. Hors engelures, les éruptions maculopapuleuses sont majoritaires (53% des cas), suivies des éruptions urticariennes (21%), du livedo (8%) et des éruptions vésiculeuses (8%).

Pour rappel, les engelures sont des lésions cutanées inflammatoires qui apparaissent brutalement au niveau des extrémités, sous forme de plaques violacées, douloureuses et gonflées. Il s’agit habituellement de lésions liées à une hypersensibilité au froid, souvent localisées au niveau des orteils.

Parmi les éruptions maculopapuleuses observées (tâche cutanée de taille variable s’effaçant sous la pression), les formes morbilliformes (petites tache arrondies) sont majoritaires. Les exanthèmes maculopapuleux ou purpuriques, ainsi que les érythèmes polymorphes, le pityriasis rosé (éruptions en plaques ovales) ou que les éruptions folliculaires sont des formes moins fréquentes.

En considérant uniquement les lésions hors engelures, les résultats sont semblables à ce qui a été rapporté dans deux autres grands registres internationaux basés sur la même démarche. L’un a été mené par la Société espagnole de dermatologie (375 cas décrits), tandis que l’autre est une série internationale regroupant principalement des cas observés aux Etats-Unis (716 cas).

Les engelures chez les plus jeunes

Dans le registre français COVIDSKIN, les individus ayant développé des manifestations cutanées autres que les engelures ont un âge moyen de 42 ans. Parmi eux, 14% était hospitalisés. Les lésions sont apparues dans un délai moyen de 8 jours après l’apparition des premiers signes infectieux. L’infection par le SARS-CoV2 a été confirmée par PCR ou par sérologie dans 29% des cas.

Ces manifestations sont apparues très hétérogènes et peu spécifiques. La fréquence et la distribution des manifestations cutanées n’étaient pas significativement différente entre les patients ayant une infection confirmée et les autres, a précisé le Dr Le Cleach. D’autres études ont rapporté que les érythèmes maculo-papuleux sont majoritaires chez les patients symptomatiques avec une infection confirmée. 

En ce qui concerne les engelures, les profils de patient sont très différents. Ils sont d’abord plus jeunes, avec un âge médian de 25,7 ans dans COVIDSKIN. Dans la littérature, l’âge moyen est compris entre 17 et 25 ans, a précisé le Dr Le Cleach. L’apparition des engelures après les premiers symptômes infectieux est aussi plus tardive, puisque le délai est de 10,5 jours.

Néanmoins, il est précisé que la moitié des patients avec des engelures n’avaient présenté aucun symptôme de la COVID-19 avant l’apparition de ces lésions cutanées et l’infection par le SARS-CoV2 a été confirmée dans seulement 7% des cas. Des observations qui amènent à s’interroger sur la pertinence du lien entre ces deux affections.

Effet d’une interféronopathie?

Plusieurs hypothèses ont toutefois été émises pour expliquer le nombre inhabituel de cas d’engelures observés chez des patients jeunes, asymptomatiques ou présentant très peu de signes du COVID-19, souligne la dermatologue. Comme l’explique la SFD sur son site internet, les cas sont pour le moment documentés et des analyses sont attendues pour déterminer un éventuel lien avec la COVID-19.

Chez ces patients jeunes, la réponse immunitaire se ferait essentiellement par les IgA, au niveau des muqueuses, avec « une forte sécrétion d’interféron qui pourrait être responsable des engelures », avance le Dr Le Cleach. Le virus serait rapidement éliminé, sans passer par une réponse humorale, ce qui expliquerait les tests négatifs.

Dans une récente étude prospective, une équipe du CHU de Nice a avancé l’implication d’une « interféronopathie réactionnelle » induite par l’infection par le SARS-CoV2 dans l’émergence d’engelures [2]. Dans cette étude, les 40 patients inclus (âge médian de 22 ans) présentaient des engelures, dont certaines bulleuses ou nécrotiques, avec acrosyndrome dans la moitié des cas.

Les tests PCR se sont montrés négatifs dans tous les cas, tandis que la sérologie COVID-19 a été positive pour 17 patients, avec une majorité d’IgA. Des biopsies ont révélé des lésions avec une microvasculopathie caractérisée par « un épaississement des cellules musculaires sous endothéliales » des capillaires évoquant une interféronopathie.

D’autres études évoquent un impact direct du virus au niveau de la peau, via les récepteurs ACE2. Dans tous les cas, le lien direct entre le SARS-CoV2 et la survenue d’engelures « est encore à confirmer », estime la dermatologue.

« La preuve définitive pourrait venir de la démonstration de la présence de protéines virales dans la peau ».

 

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