Cancer : le 1er confinement pourrait entraîner entre 1000 et 6000 décès supplémentaires

Anne-Gaëlle Moulun

9 décembre 2020

Paris, France – Selon une étude de la fédération Unicancer, les retards de prise en charge des patients atteints de cancer lors de la première vague de Covid-19 pourraient causer un excès de décès de 1000 à 6000 patients dans les années à venir.

Déficit de prise en charge

Réalisée de janvier à juin 2020, sur 17 des 18 Centres de lutte contre le cancer (CLCC) du réseau Unicancer, une étude montrent que le nombre de patients pris en charge pour un nouveau cancer dans un CLCC a baissé de 6,8 % au cours des sept premiers mois de 2020 par rapport à 2019.

Ce déficit de prise en charge a atteint 21 % en avril et en mai pour les patients nouvellement diagnostiqués. A l’échelle nationale, pour l’ensemble des hôpitaux, le déficit de nouveaux diagnostics de cancer a même atteint 23,3 % entre janvier et août 2020, par rapport à 2019. Ces dernières années pourtant, le nombre de patients diagnostiqués et pris en charge augmentait de 4 % par an. En outre, les CLCC n’ont pas connu l’effet rebond attendu en termes de diagnostics et consultations. « Les chiffres n’ont pas été rattrapés par la suite » a précisé le Pr Axel Kahn, Président de la Ligue contre le cancer. « La conséquence est un possible impact sur le long terme et sur la guérison des patients », s’est inquiété le Pr Jean-Yves Blay, président d’Unicancer lors de la conférence de presse de présentation [1].

En se basant une estimation du « risque relatif » que représente chaque mois de retard de diagnostic et de traitement pour le pronostic des patients (voir encadré), les auteurs ont estimé « entre 1 000 et 6 000 décès supplémentaires par cancer dans les années à venir, liés à la crise sanitaire », pointe le Pr Jean-Yves Blay.

Cette estimation ne tient pas compte de l’éventuel impact de la seconde vague de Covid-19. « Il faut encourager les patients à consulter. Ce sont surtout les nouveaux diagnostics qui posent problème », souligne-t-il.

Il note par ailleurs que « les patients atteints de cancer restent une population plus à risque de développer des formes graves de Covid. Ils ont un taux de mortalité de 15 à 30 % supérieur à la population générale ». Ainsi, il estime que « les patients en cours de traitement pour leur cancer doivent être prioritaires pour la vaccination ».

Cette étude, intitulée « Delay to care due to COVID-19 for patients with newly diagnosed cancer and estimated impact on cancer deaths in France » qui mesure l’impact de la première vague d’épidémie de Covid-19 sur la prise en charge des patients atteints de cancer sera publiée prochainement.

 

Cancer :  chaque mois de retard augmente le risque de décès

Pour réaliser l’estimation du nombre de décès supplémentaires potentiels par cancer par mois de retard aux soins, les chercheurs d’Unicancer se sont appuyés sur un mode de calcul utilisé dans une méta-analyse parue le mois dernier dans le BMJ[2]. Cette méta-analyse a compilé les résultats de 34 études portant sur plus d’un million de patients. Sept cancers, représentant 44% des incidences, ont été regardés : la vessie, le sein, le colon, le rectum, le poumon, le col de l’utérus et la tête et le cou. Les résultats montrent que le retard dans l’initiation du traitement augmente de manière significative la mortalité des malades de cancer et ce, pour la grande majorité des traitements (13 indications sur les 17 analysées). Ainsi, chaque report d’un mois d’une chirurgie augmente la surmortalité de 6 à 8 %, y compris pour le cancer du sein. Ce qui implique qu’un retard de 3 mois augmenterait le risque de décès de 25%. L’impact était encore plus marqué pour certaines radiothérapies et chimiothérapies, comme celle du cancer colorectal avec un risque de 13% pour un retard de 4 semaines (s’élevant à 44% pour 12 semaines de retard). Prenant l’exemple du cancer du sein, les chercheurs ont calculé qu’un retard à la chirurgie d’une année conduirait à 1400 décès supplémentaires au Royaume-Uni, 6 100 aux États-Unis et 500 en Australie – en considérant la chirurgie comme le premier traitement dans 83% des cas, et en fixant la mortalité sans retard à 12%. SL

 

 

 

 

 

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