ACR (Virtuel) – Les patients qui prennent de la warfarine, un anti-vitamine K, pour prévenir les événements thromboemboliques ont un risque significativement plus important de requérir une chirurgie de remplacement de la hanche ou du genou — un marqueur de l’arthrose à un stade terminal — que les patients sous anti-coagulants oraux directs (AOD), selon une nouvelle étude présentée en session plénière du congrès virtuel de l’American College of Rheumatology (ACR 2020).
Dans une étude cas-témoins imbriqués, l’utilisation de warfarine était, en effet, associée à un risque multiplié par 1,5 de remplacement de hanche ou de genou, en comparaison avec l’utilisation d’AOD.
La vitamine K impliquée dans les os et le cartilage
La warfarine cible la vitamine K pour son rôle dans la coagulation, mais la vitamine K est aussi un co-facteur essentiel de protéines dépendantes de la vitamine K dans les os et le cartilage, explique l’auteur principale le Dr Priyanka Ballal, chercheuse invitée à l’Université de Boston.
Des niveaux inadéquats de vitamine K sont associés à une minéralisation anormale des tissus conjonctifs, et à une incidence et à une prévalence élevée de l’arthrose. Dans un essai randomisé contrôlé, la supplémentation en vitamine K était associée à une tendance à une progression plus lente de l’arthrose parmi les patients avec une carence en vitamine K, dit-elle.
Pour voir si un traitement par la warfarine a des effets biologiques similaires à ceux vus chez les patients avec une déficience en vitamine K, le Dr Ballal et ses collègues ont conduit une étude cas-témoins imbriquée en s’appuyant sur les données issues de The Health Improvement Network (THIN), une base de données de dossiers médicaux informatisés de patients suivis par des médecins généralistes au Royaume-Uni.
913 cas et 3652 contrôles issus d’une banque de données britanniques
L’échantillon a inclus des adultes âgés de 40 à 80 ans souffrant de fibrillation atriale qui ont reçu une ou plusieurs prescriptions pour de la warfarine ou des AOD, en démarrant en 2009, soit un an après les premières autorisations de commercialisation pour ces derniers au RU, et en regardant sur un an autour de la date index (celle de la chirurgie de remplacement).
Les chercheurs ont exclu les remplacements de hanche et de genou avant 2014, la présence de comorbidités sévères qui limiteraient le remplacement articulaire, et ceux qui avaient utilisé de la warfarine ou des AOD avant l’entrée dans l’étude. Chaque cas a été apparié par âge, genre et date index avec des patients témoins (jusqu’à 4) qui n’avaient pas eu de chirurgie.
Un total de 913 cas et 3652 contrôles ont été inclus. Les groupes avaient des caractéristiques similaires (sexe, âge, néphropathie, insuffisance pulmonaire, hypertension, incidence du thrombo-embolisme veineux), si ce ne sont des taux plus élevés de diabète et d’insuffisance cardiaque parmi les contrôles, et des taux plus élevés d’obésité parmi les cas qui avaient reçu une prothèse.
Association remplacement articulaire/warfarine
Les investigateurs ont d’abord regardé l’utilisation de warfarine dans tous les cas de remplacement de hanche et de genou et chez les contrôles et ils ont trouvé un rapport de risque (odds ratio) de 1,57 (IC95% : 1,30 – 1,89) pour le remplacement articulaire associé à la warfarine après ajustement sur l’indice de masse corporel, les facteurs influençant le choix de l’anticoagulant, les comorbidités, les autres traitements, les visites chez le généraliste et les hospitalisations.
L’association entre la warfarine et le remplacement d’articulation s’est maintenue dans une analyse restreinte à la seule pose de prothèse du genou, avec un rapport de risque ajusté de 1,48 (IC95% : 1,16 – 1,89).
Les auteurs ont aussi montré une association claire entre durée d’utilisation de la warfarine et risque de chirurgie de remplacement de la hanche ou du genou.
AOD plutôt que warfarine chez les patients arthrosiques ?
Les résultats apportent une nouvelle fois la preuve d’un rôle de la vitamine K et des protéines dépendantes de la vitamine K pour limiter la progression de l’arthrose, commente le Dr Priyanka Ballal.
« Etant donné la prévalence et l’impact de l’arthrose, nos données, en lien avec la littérature existante, sont en faveur de la réalisation d’un essai contrôlé randomisé, avec la puissance statistique adéquate, pour évaluer la supplémentation en vitamine K dans l’arthrose ». « Notre étude incite à la réflexion sur le fait d’utiliser des AOD plutôt que de la warfarine quand ils sont indiqués chez des sujets avec (ou à risque) d’arthrose » a-t-elle expliqué.
Sollicité pour un commentaire, le Dr Minna Kohler, rhumatologue (Massachusetts General Hospital, Boston) et non impliquée dans l’étude, a considéré que « cet abstract suggère que la vitamine K pourrait jouer un rôle important dans la décroissance de la progression de l’arthrose, ce qui serait en faveur d’un remplacement de la warfarine par des AOD chez les patients arthrosiques ; néanmoins, de nouvelles études sont nécessaires pour confirmer ce résultat et prendre en compte son impact sur les thrombo-embolismes veineux et la cicatrisation post-op ».
L’étude a été financée par des bourses des National Institutes of Health. Les Drs Ballal et Kohler n’ont déclaré aucun lien d’intérêt.
L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous le titre Warfarin Use Linked to Knee and Hip Replacement in Osteoarthritis Patients. Traduit par Stéphanie Lavaud.
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Citer cet article: L’utilisation de warfarine serait associée à des remplacements de hanche et de genou pour cause d’arthrose - Medscape - 8 déc 2020.
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