Virtuel — Quel est l’impact de l’épidémie de COVID-19 sur l’activité en urologie et comment adapter celle-ci pour éviter les pertes de chances pour les patients non-Covid ? Lors du 114ème congrès de l’AFU , qui s’est déroulé en virtuel, deux urologues ont abordé le sujet, en rappelant que les médecins doivent rester maitres des décisions concernant les déprogrammations exigées par les Agences régionales de santé (ARS).
Cancérologie et traitement en urgence des lithiases urinaires
Malgré les demandes de déprogrammation des soins dans les établissements de santé actuellement exprimées par les ARS dans l’objectif de libérer des lits et des moyens humains pour les malades du Covid-19, « on doit maintenir une activité en urologie », plus particulièrement en cancérologie et dans le traitement en urgence des lithiases urinaires, a commenté le Dr Luc Cormier (CHRU de Dijon), lors de sa présentation [1].
Alors que l’activité de transplantation et de prélèvement de rein et de pancréas a été suspendue en mars dernier, lorsque l’épidémie de Covid-19 s’est déclarée, elle devrait cette fois être conservée dans les établissements de santé, même en étant sous pression dans le contexte actuel de la deuxième vague épidémique, a précisé le chirurgien urologue.
Des déprogrammations moins radicales
Au cours du printemps 2020, l’effort collectif exigé pour la gestion des cas de COVID-19 a conduit à une baisse de 60% de l’activité chirurgicale en urologie pendant la première quinzaine d’avril, en comparaison avec la même période de l’année 2019, a précisé le Dr Cormier. Les consultations en urologie ont également chuté de manière drastique. Dans le détail, le premier confinement a entrainé « une diminution plus importante de la traumatologie, des urgences en général, ainsi que du dépistage et du diagnostic ». Les urgences habituelles en urologie, telles que les coliques néphrétiques ou les pyélonéphrites sur obstacle, ont nettement chuté, a précisé l’urologue.
Désormais, avec la volonté des autorités sanitaires de ne pas entrainer des retards de prise en charge pour les patients, « l’activité des urgences en urologie est maintenue ». Elle est actuellement deux fois plus importante que celle observée lors du premier confinement. Par ailleurs, les examens de diagnostic et de suivi se poursuivent.
Le maintien de l’activité en urgence dépend toutefois des moyens encore à disposition, souligne le Dr Cormier. « Pour ne pas avoir de perte de chance, il faut quand même pouvoir opérer les patients. » Dans tous les cas, « le recours au scanner et à l’IRM devrait être encore possible » pendant ces prochaines semaines.
Des recommandations trop draconiennes ?
Pour prendre leurs décisions et exiger une déprogrammation, les ARS se sont appuyées sur les recommandations des divers groupes de travail de l’Association française d’urologie (AFU), dont le comité de cancérologie (CCAFU) ou le comité lithiase, émises lors du premier confinement pour adapter la prise en charge des pathologies urologiques dans le contexte de l’épidémie de Covid-19. Par exemple, dans le cas du cancer du rein, seules les opérations sur tumeurs localement avancées pouvaient être maintenues.
Or, ces recommandations ont été élaborées « dans un esprit de crise majeure de durée assez courte », rappelle le Dr Cormier. « Elles ont peut-être été trop drastiques, en particulier pour les chirurgies fonctionnelles, qui restent associées à des pertes de chances réelles », et auraient amené les ARS à les interpréter « de manière sévère », en demandant une déprogrammation large des actes en urologie.
Des décisions difficiles à prendre
Le report des actes devrait, lors de cette seconde vague, être plus flexible et consensuel. Dans le courrier du ministre de la Santé, il est rappelé que « les déprogrammations doivent faire l’objet d’une décision collégiale de la communauté médicale accompagnée d’une analyse médicale bénéfices/risques en fonction de la situation du patient ».
Les décisions restent toutefois difficiles à prendre, surtout sous la pression d’une forme d’injonction de la part des ARS, a commenté par la suite, le Pr Franck Bruyère (CHRU de Tours) [2].
De plus, « les besoins ne sont pas toujours identifiés », alors que les services de réanimation sont confrontés à l’absentéisme et à l’épuisement du personnel soignant. Selon lui, il vaut mieux appliquer une déprogrammation par palier, en fonction des besoins en ressources humaines.
« Il faut garder du potentiel en urologie. Aujourd’hui, par exemple, les néphrectomies partielles sont maintenues. Elles pourront plus tard être décalées », si l’évolution de la situation sanitaire l’exige. « Il faut être réactif et garder du bon sens médical. »
Des pertes de chance « difficiles à évaluer »
Pour le Dr Cormier, « les médecins doivent rester maitres de la décision de traiter ou non les patients ». Au CHRU de Dijon, « si une déprogrammation est demandée pour libérer du personnel dans le cadre d’une baisse de 20 à 25% d’activité, on laisse chaque spécialité choisir son ordre de priorité ». En revanche, si la baisse d’activité va au-delà de 40%, un arbitrage peut être nécessaire pour répartir les blocs opératoires.
Avec la problématique récurrente du manque de lits et de la difficulté d’accès à la réanimation, « l’activité chirurgicale reste hélas une variable d’ajustement des moyens » pour permettre à un système de soins fragilisé d’affronter la hausse des admissions de patients infectés par le SARS-CoV2, alors que « les pertes de chance sont difficiles à évaluer », estime le chirurgien urologue.
Par conséquent, « il nous faut défendre l’activité chirurgicale pour nos patients non COVID », a-t-il conclu.
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Citer cet article: Déprogrammation des actes: les urologues défendent leur activité - Medscape - 3 déc 2020.
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