La téléconsultation, nouvelle panacée? Pas sûr, selon 2 généralistes 

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

30 novembre 2020

France – Fin septembre, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la santé a publié trois études sur l'activité des médecins généralistes pendant les périodes de confinement et du déconfinement du printemps. On apprenait que trois médecins généralistes sur quatre avaient mis en place la téléconsultation alors qu'ils n'étaient que 5% avant l'épidémie. Et aujourd'hui, qu'en est-il ? L'essai a-t-il été transformé ? Pas vraiment, semble-t-il. Si la téléconsultation a trouvé sa place à la faveur d'une période de crise inédite, elle ne remplace pas la relation de visu patient-médecin, comme en témoignent le Dr Jean Battistoni (médecin généraliste, Ifs, Calvados), président de MG France, et le Pr Eric Galam (médecin généraliste, Paris).

« Préférez-vous voir vos enfants en visio ou vrai ? » interroge Jean Battistoni. « Et si vous ne pouvez pas les voir en vrai, préférez-vous ne pas les voir du tout ou les voir en visio ? » poursuit-il. Voici pour lui comment s'est formulée la question de la téléconsultation pour nombre de médecins généralistes au printemps dernier, les « enfants » remplaçant les « patients » dans cette métaphore familiale.

Adhésion par nécessité

« Les médecins se sont rendu compte que s'ils voulaient garder des liens avec leurs patients, il fallait se mettre à la téléconsultation » se souvient le Dr Battistoni. Au printemps, à la faveur du confinement, les téléconsultations sont devenues légion.

L'état d'urgence sanitaire a permis de lever les freins à l'essor de la téléconsultation : s'équiper d'un logiciel spécifique ou disposer d'un moyen de transfert sécurisé des données (par exemple, pour une simple ordonnance) n'étaient plus obligatoires. « De même, le problème de la facturation a été levé car dans le cas de la crise sanitaire, la prise en charge de la téléconsultation est de 100 % par l'Assurance Maladie. Cette mesure est prolongée dans le PLFSS 2021 » indique le Dr Battistoni.

« Grâce au Covid, on a pu se frotter à la téléconsultation, même pour les plus réticents » explique le Pr Eric Galam qui considère aussi que les mesures facilitatrices de l'Assurance maladie l'ont aidé à passer le pas. Aujourd'hui, il fait 5 à 10 téléconsultations par semaine, en général des patients atteints du Covid. « C'est très rassurant pour les patients de nous voir, et pour nous, médecin, de les voir » explique-t-il, même s'il n'a pas hésité à faire venir un patient au cabinet pour mesurer sa saturation en oxygène.

Pour lui, il s'agit avant tout « d'une méthode complémentaire » plus que d'une « panacée ».

En vrai, c'est mieux

Premier obstacle avancé par les deux généralistes interrogés par Medscape édition française, celui de l'agenda. Où trouver du temps pour les téléconsultations ? Entre les consultations au cabinet et les visites à domicile, l'agenda de ces deux médecins de ville est déjà bien rempli. « Je trouve qu'il y a un gain de temps si on remplace une visite à domicile par une téléconsultation. Sauf qu'il y a un paradoxe : les patients pour lesquels je me déplace à domicile sont âgés et la majorité d'entre eux est bien incapable de faire une téléconsultation » considère Eric Galam. « A moins qu'ils ne soient assistés par une infirmière ».

Une réflexion que partage le Dr Battistoni, il n’y aurait alors d’intérêt que dans la mesure où l'infirmière ou un autre professionnel de santé pourrait faire des gestes comme prendre la tension qui aide à l'examen. Car c'est bien là que le bât blesse : « Un retour fréquent de mes collègues, et que j'ai pu ressentir aussi, c'est une impression de malaise au moment de conclure la téléconsultation. On n'est pas trop tranquille à l'idée de ne pas avoir ausculté son patient. Ce sentiment, je pense, ne nous incite pas à faire trop de téléconsultations ».

 « Pour la qualité des soins, c'est mieux en présentiel » estime le Pr Galam qui a eu, au début, des difficultés pour « passer d'un écran à l'autre : celui où l'on regarde et parle avec son patient et celui où s'affiche le dossier et on l'on fait la saisie ». Mais même s'il se sent aujourd’hui plus à l'aise avec les écrans, sa préférence reste pour la consultation physique. Beaucoup de médecins – généralistes et spécialistes – ne voient pas beaucoup de sens à des consultations sans auscultation.

Alors la téléconsultation est-elle vouée à rester marginale ? « Cela a décollé car on avait un cas d'usage avec les patients Covid. Peut-être qu'il nous faudrait, à nous médecins, un guide de la téléconsultation avec un certain nombre d’autres cas d'usage » indique Jean Battistoni. Quelques situations sont pour lui compatibles avec la téléconsultation telles que le suivi d'un patient anxieux ou dépressif ou un retour de résultats d'examens complémentaires au patient. Mais « d'une façon générale, je préfère que la consultation ait lieu en présence de la personne physique » confesse-t-il.

 

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