Migraine : les derniers dispositifs de neuromodulation

Dr Jessica Ailani

Auteurs et déclarations

26 novembre 2020

Etats-Unis, France – La migraine est une maladie neurobiologique qui affecte jusqu’à 15% de la population mondiale[1,2].

La plupart des patients requièrent un traitement pour lutter contre les crises migraineuses, mais les études montrent que seule une petite proportion d’individus prend des médicaments pour combattre ces attaques ou pour réduire leur fréquence [3,4]. Les traitements sont souvent arrêtés en raison de problèmes de tolérance et/ou d’une faible efficacité [4].

Dans ce contexte, différentes techniques de neuromodulation apparaissent aujourd’hui comme une nouvelle option thérapeutique intéressante, mais elles sont encore peu utilisées en France.

Le principe est de stimuler le système nerveux via des courants électriques ou un champ magnétique fluctuant afin d’agir sur les voies de la douleur [5]. Ce type de traitement peut avoir un effet immédiat, ce qui le rend utile pour neutraliser les attaques migraineuses. Un usage quotidien peut agir sur le système nerveux et permettre un effet préventif. De nombreux dispositifs ont été étudiés sur leur effet immédiat et préventif de la migraine. Ils offrent aux patients une option bien tolérée et peuvent être utilisés en curatif et/ou en préventif dans la migraine.

« Tous les dispositifs de neuromodulations sont non-invasifs, sans effets indésirables, n’ont pas d’effet d’accoutumance, et sont utilisables par le patient lui-même. Ce sont des techniques d’avenir. Ils sont très intéressants lorsque les traitements médicamenteux sont contre-indiqués, que les patients sont en échec thérapeutique ou quand ils refusent les médicaments. Ils peuvent aussi être utiles pour limiter les abus médicamenteux chez certains patients. Nous allons proposer des recommandations d’utilisation pour chacun de ces systèmes dans les prochaines directives de la Société française d’étude des migraines et céphalées (SFEMC). Le problème est que les marquages CE des appareils sont récents, qu’ils sont disponibles en France uniquement sur internet, qu’ils sont couteux et non remboursés. Pourtant, la HAS devrait s’y intéresser », a commenté le Pr Anne Ducros, Présidente de la SFEMC (Neurologue, CHU de Montpellier) pour Medscape édition française.

 
Tous les dispositifs de neuromodulations sont non-invasifs, sans effets indésirables, n’ont pas d’effet d’accoutumance, et sont utilisables par le patient lui-même. Ce sont des techniques d’avenir. Pr Anne Ducros
 

Voici une revue de dispositifs existants.

La stimulation transcutanée du nerf supraorbital (STS)

La stimulation transcutanée du nerf supraorbital (STS), aussi connue sous le nom Cefaly, a d’abord été étudiée comme une option préventive de la migraine épisodique, avec des résultats en termes de journées de migraine chez les participants [6]. Une étude plus vaste a montré qu’une utilisation quotidienne de ce dispositif pendant 3 mois résultait en une diminution de 30% des jours de migraine dans le groupe actif. L’effet indésirable le plus fréquent était une paresthésie dans la zone de stimulation ; c’était le plus souvent léger et réversible, bien que certains patients trouvent cela insupportable.

Le STS a aussi montré son efficacité dans le traitement aigu de la migraine dans une étude randomisée contrôlée [8]. Un essai en ouvert sur l’utilisation du STS en prévention de la migraine a aussi montré une réduction du nombre de journées avec le mal de tête sur 4 mois de STS à raison de 20 minutes d’utilisation par jour [9].

«L’efficacité est démontrée en prévention. Dans la crise, certains patients répondent mais d’autres non. J’utilise beaucoup ce système qui est disponible en Europe depuis plusieurs années et qui présente l’avantage d’être rechargeable. J’ai une patiente qui l’utilise depuis 7 ans. En termes de prix, il coute un peu plus de 300 euros, mais il est partiellement pris en charge par certaines mutuelles et il est en grande partie remboursé par le fabricant s’il est jugé inefficace par le patient au bout d’une période d’essai », précise le Pr Ducros.

La stimulation magnétique transcrânienne (sTMS)

La stimulation magnétique transcrânienne à pulsation simple (sTMS) est délivré par un dispositif tenu à la main derrière le crâne (Enora) qui créé un champ magnétique fluctuant, lequel déclenche un courant électrique qui modifie l’excitabilité corticale. Aux Etats-Unis, il a d’abord été approuvé pour une utilisation en aigu sur la migraine avec aura, en se fondant sur un essai randomisé et contrôlé montrant des taux de période sans douleur plus élevé au bout de 2 heures dans le groupe traité par rapport au groupe contrôle [10]. Une étude américaine, ouverte et multicentrique, a montré que le sTMS pouvait être efficace en prévention et en aigu dans le traitement de la migraine épisodique et chronique [11]. C’est un traitement bien toléré pour lequel peu d’effets indésirables ont été rapportés.

Inconvénient : le dispositif coute plusieurs centaines d’euros.

La stimulation non invasive du nerf vague (nVNS)

Disponible sous le nom de gammaCore, la stimulation non invasive du nerf vague (nVNS) est connue pour agir dans l’épilepsie et la dépression [12]. Il a été rapporté, incidemment que les patients qui recevaient des traitements de VNS invasifs, avaient moins d’attaques de migraine, bien que le mécanisme sous-jacent ne soit pas clair. nVNS a été approuvée par la FDA dans le traitement aigu de la migraine épisodique. Un essai contrôlé randomisé de la nVNS dans le traitement des attaques de migraine a montré qu’il était bien toléré et entrainait des taux de soulagement et de disparation de la douleur plus élevés au bout de 2 heures que dans le groupe contrôle (stimulation fantôme). Ses effets sont reproductibles quand les attaques de migraine se multiplient [12].

Inconvénient : le dispositif, non rechargeable, coute plusieurs centaines d’euros.

Neurostimulation électrique transcutanée (TENS)

Enfin, le patch anti-migraine Nerivio repose sur la technique de neurostimulation électrique transcutanée (TENS), une technique antidouleur très utilisée dans les centres de lutte contre les douleurs. La neuromodulation est ici réalisée au niveau d’un patch, à coller rapidement sur la peau du bras juste en-dessous de l’épaule, lorsqu’une crise de migraine survient. Le patch doit ensuite rester en place pendant 30 à 45 minutes avant d’être retiré.

Grâce à la neurostimulation électrique transcutanée, les fibres nerveuses responsables de la transmission des messages douloureux (fibres C) sont inhibées, suite à la stimulation d’autres fibres nerveuses. L’objectif est de court-circuiter le message douloureux au niveau de la moelle épinière, pour qu’il ne parvienne pas jusqu’au cerveau. Les patients ressentent de petits fourmillements liés à la stimulation électrique au niveau du bras.

Selon une récente étude menée sur 252 patients migraineux, grâce à ce dispositif, 70 % des patients se déclaraient soulagés efficacement 2 heures après le traitement versus seulement 39 % des patients recevant la procédure sham.

Inconvénient : le bracelet qui coute un peu moins de 100 euros n’est pas rechargeable et peut traiter 12 crises.

Limites de la neuromodulation

Il y a de nombreux aspects qui doivent être soulignés quand on évalue les effets de la neuromodulation dans le traitement de la migraine. Les études sont conduites sur un relativement petit nombre de participants. Utiliser ces résultats pour les généraliser à des populations plus grandes et moins homogènes peut être difficile [13].

Maintenir « l’aveugle » dans ces études est une autre limite ; il est difficile de mettre au point une étude contre placebo quand vous utilisez des dispositifs susceptibles d’entrainer des paresthésies.

Le coût est lui aussi un problème. Ces dispositifs ne sont pas ou peu remboursés, ce qui peut entrainer des frais importants pour les patients.

Néanmoins, en dépit de ces limites, la neurostimulation peut être un complément bénéfique au traitement des patients. Ceux qui sur-utilisent les traitements en aigu, ceux qui voudraient limiter leurs prises de traitements oraux, et ceux qui ont une réponse partielle aux traitements en aigu ou en préventif sont susceptibles d’être de bons candidats à la neuromodulation. En pratique clinique, la neuromodulation est souvent utilisée par les femmes enceintes. Elle est considérée comme sure et les patients aiment l’idée d’avoir une option qui n’impliquent pas de médicaments.

En conclusion, alors que les études qui montrent des effets bénéfiques de la neuromodulation sont réalisées sur de petits effectifs, elles semblent indiquer une amélioration de la sévérité des attaques et de la qualité de vie, et la possibilité d’améliorer aussi la fréquence des attaques migraineuses, avec peu d’effets indésirables. Il est cependant difficile à ce stade d’établir un rapport coût/bénéfice de ces dispositifs pour les patients.

 

L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous le titre Neuromodulation Devices in Migraine: The Latest. Traduit et adapté par Stéphanie Lavaud et Aude Lecrubier.

 

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