Europe— Des gouttes oculaires contenant du timolol, un bêtabloquant, pourraient soulager la douleur dans la plupart des crises de migraine. C’est la conclusion d’une étude à petite échelle[1].
Dans ce petit essai croisé randomisé en aveugle et contrôlé par placebo portant sur 50 patients, l'intensité de la douleur diminuait de 4 points ou tombait à 0 après 20 minutes dans 233 crises de migraine (82%) traitées au moyen des gouttes oculaires. Ce chiffre était de 38 à peine (14%) lorsque les patients recevaient un placebo, rapporte l'équipe de recherche dans le JAMA Ophthalmology.
« Le principal facteur qui semble s'opposer à l'utilisation des bêtabloquants oraux dans les crises de migraine aiguës est leur l'effet de premier passage extrêmement marqué et le temps nécessaire à l'obtention du pic de concentration plasmatique », expliquent les chercheurs dirigés par le Dr Abraham Kurian du Chaithanya Eye Hospital and Research Institute (Inde). « Contrairement à leurs équivalents à prise orale, les bêtabloquants administrés par voie oculaire échappent à l'effet de premier passage hépatique. Comme la pharmacocinétique de l'absorption naso-pharyngée peut être comparable à celle d'un bolus intraveineux, des taux plasmatiques utiles sont en outre atteints très rapidement avec une administration topique. »
Détails de l’étude
On savait déjà que la prise quotidienne de bêtabloquants oraux permettait de prévenir efficacement les crises de migraine. Afin d'investiguer cette fois les effets du timolol en gouttes oculaires pour soulager la douleur migraineuse, le Dr Kurian et ses collègues ont recruté 50 patients âgés en moyenne de 27,3 ans, dont 42 femmes. Leur idée était de randomiser les participants vers un groupe timolol 0,5% ou un groupe placebo pour un traitement d'une durée de trois mois, puis d'inverser les groupes après une phase de sevrage d'un mois.
Sept patients se sont retirés après la consultation de randomisation. Des 43 sujets restants, 38 ont été jusqu'au bout des sept mois de suivi.
Les patients devaient s'administrer une goutte du produit qui leur avait été attribué dans chaque œil dès l'apparition d'une aura migraineuse ou des premiers signes de douleur, suivie éventuellement d'une seconde goutte après 10 minutes si la première ne leur apportait aucun soulagement. S'ils n'observaient aucun effet après 20 minutes, ils étaient autorisés à prendre tout autre médicament oral pour traiter la crise. L'utilisation d'antimigraineux à visée prophylactique n'était par contre pas autorisée.
Les patients étaient par ailleurs priés de consigner les détails de chaque crise de migraine dans un journal collecté par l'équipe de recherche à chaque visite. Ils étaient également interrogés sur leur compliance au traitement et sur les événements médicaux ou effets secondaires sérieux survenus entre deux contacts.
Au cours de l'étude, les participants ont souffert au total de 619 crises de migraine ; 284 (46%) ont donné lieu à l'utilisation des gouttes au timolol, 271 (44%) à l'utilisation des gouttes placebo et 64 (10%) n'ont pas été traitées, étant survenues au cours de la période de sevrage. Le score de douleur moyen au début de la crise était de 6,01 pour les 284 migraines traitées par timolol et de 5,93 pour les 271 épisodes traités par placebo.
La réduction moyenne du score douloureux était de 5,98 avec le timolol, contre 0,93 avec le placebo.
Le Dr Robert Kanieki, professeur associé en neurologie à la faculté de médecine de l'université de Pittsburgh (États-Unis) et directeur de l'UPMC Headache Center, juge cette nouvelle étude « très intéressante ». « En tant que spécialistes des céphalées, nous sommes toujours en quête de nouvelles armes thérapeutiques. Ces résultats ne sont déjà plus préliminaires, même si on ne peut pas encore parler d'une confirmation en bonne et due forme. »
« Pour pouvoir réellement confirmer le bénéfice de gouttes oculaires au timolol, il faudrait en effet disposer de données sur la douleur deux heures puis 24 heures après administration », a souligné le Dr Kanieki, expliquant que c'est la seule manière de savoir si la migraine est réapparue ultérieurement.
D'après lui, les gouttes oculaires empruntent vraisemblablement les circuits de la sérotonine – ceux sur lesquels agissent les médicaments actuellement approuvés pour le traitement aigu des crises de migraine, a-t-il précisé.
« En tout état de cause, la bonne nouvelle est tout de même que les gouttes oculaires à base de timolol sont largement disponibles, puisqu'elles sont aussi utilisées dans le traitement du glaucome », a déclaré le Dr Kanieki en guise de conclusion.
Cet article de Reuters Health a été publié initialement sur Mediquality.net du groupe Medscape.
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Citer cet article: Un bêtabloquant en gouttes oculaires pourrait soulager les douleurs migraineuses - Medscape - 25 nov 2020.
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